Portrait sociologique de la population pénale

Portrait sociologique de la population pénale

Portrait de groupe, hommes seuls 

La prison vue comme une M.J.C : « maison des jeunes condamnés »

Les premiers portraits de détenus proposés en préambule ne reflètent rien d’autre – par-delà l’aspect spectaculaire de ces rencontres au quartier disciplinaire – que la banalité du quotidien pénitentiaire. En cela, ils proposent à la curiosité du chercheur un profil particulièrement représentatif de la population pénale contemporaine : celui d’un homme jeune qui, sans présenter l’ensemble des stigmates de la désaffiliation, a le plus souvent été incarcéré au terme d’un parcours social marqué par une expérience familiale douloureuse, par l’échec scolaire et une insertion professionnelle problématique. Ce que Philippe Combessie souligne en ces termes dans une étude nationale du « profil sociologique des détenus » : On trouve, dans les prisons françaises, une très forte majorité d’hommes, relativement jeunes, pauvres, aux liens familiaux plus souvent distendus que dans le reste de la population, issus de milieu modeste et fréquemment sans emploi au moment de l’incarcération, d’un niveau scolaire inférieur à la moyenne ; ils sont surtout de nationalité française, mais la proportion d’étrangers est importante. La tendance la plus visible est un certain vieillissement de la population incarcérée ; pour le reste, les caractéristiques semblent assez stables depuis plusieurs décennies.83 Ce que nous confirmeraient probablement des histoires de vie consacrées à chacun, nous en trouvons l’expression dans l’étude statistique des 119 fiches d’écrou établies en 2005 par le greffe de la maison d’arrêt et présentées ici comme la « photo de groupe » de la population pénale, telle que rencontrée au début de la recherche. Les situations relevées par le greffe de l’établissement lors des formalités de « mise sous écrou » le sont sur la base des déclarations des détenus « arrivants ». Aussi doivent-elles être abordées avec l’idée que les désignations sont aléatoires et les mots parfois trompeurs, surtout lorsqu’ils ressortent d’un vocabulaire administratif destiné à permettre l’étiquetage d’un état civil dont les intéressés peuvent avoir d’autres représentations : ainsi, un jeune garçon peut déclarer une vie maritale bien que ne vivant pas au même domicile que son amie, afin que soit prise en compte sa situation sentimentale (parce qu’il pense valoriser ainsi l’image de leur relation et favoriser l’obtention d’un permis de visite pour sa petite amie). A contrario, il peut s’affirmer célibataire parce qu’il vient de rompre récemment avec une femme dont il a un enfant dont il n’entend pas assumer la responsabilité. Un homme en état de séparation peut se déclarer marié dans l’attente du jugement de divorce ; un détenu marié peut se dire séparé en anticipant la rupture de son couple découlant de sa situation pénale. On peut reconnaître dans ces distorsions entre « le mot et la chose » l’expression de ces « dissonances culturelles » évoquées par Bernard Lahire84, qui soulignent combien les réalités individuelles, socialement produites, peuvent conduire le sociologue à s’intéresser à la psychologie des agents chez qui ces dissonances se révèlent (sans pour autant s’affranchir de la consigne durkheimienne : « expliquer le social par le social » !). 

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une surpopulation endémique

Chacun des rapports d’activités établis à l’occasion des visites annuelles de la commission de surveillance96ayant eu lieu au cours de la période envisagée souligne l’occupation croissante, au-delà de sa capacité d’accueil théorique, de l’établissement : L’année 2005 montre un léger accroissement du nombre global de personnes incarcérées par rapport à l’année 2004 (…) On peut constater que le nombre de JDD en détention « normale » passe de 17511 en 2004 à 19296 en 2005, soit une augmentation de 10, 2 %. C’est donc sur ce secteur que se concentre la surpopulation alors que le quartier de semi-liberté est sous-exploité. (rapport 2005) La maison d’arrêt de Vesoul reçoit globalement plus de détenus que le nombre de places qu’elle possède (…) Le quartier semi-liberté reste sous exploité avec 535 JDD, soit un effectif moyen de 1,5 détenu pour 7 places (…) Les placements sous surveillance électronique augmentent de 56 % par rapport à 2005. (rapport 2006) À noter que l’année 2007 a enregistré une hausse globale du nombre de journées de détention (…) La fréquentation du quartier semi-liberté augmente de 230 %. Il reste néanmoins sous exploité avec 1768 JDD, soit un effectif moyen de 4,8 détenus présents pour 7 places. Les placements sous surveillance électronique augmentent de 76 % par rapport à 2006 (rapport 2007). Cette surpopulation concerne essentiellement le secteur détention avec 29292 JDD, soit un effectif moyen de 59,3 détenus présents pour 43 places (soit un taux d’occupation de 138 %). La fréquentation du quartier semi-liberté augmente de 182 % avec 3222 journées de détention, soit un effectif moyen de 8,8 détenus présents pour 7 places. Les placements sous surveillance électronique augmentent également par rapport à 2007 avec 4235 JDD, soit un effectif moyen de 11,6 (rapport 2008). 

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