Polymères cristaux liquides biomimétiques reproduisant la carapace de scarabées du genre Chrysina
Film à motifs recuit pendant 15 minutes
Aspect macroscopique
La surface de la réplique élastomère, obtenue après une durée de recuit courte, offre un très bon contraste entre les deux couleurs. Elle comprend deux bandes qui apparaissent argentées (nommées en référence à Chrysina gloriosa) qui ont été recouvertes de PVA et deux régions entre les bandes qui apparaissent vertes (figure V.9a). La fine région bleue à droite de l’échantillon (figure V.9a) correspond à une partie du film initial CLC vert qui n’était pas en contact avec le film CLC IR. Sa couleur est passée du vert au bleu car la texture planaire en surface s’est transformée pendant le recuit en une texture polygonale. Ainsi, l’inclinaison de l’axe hélicoïdal a varié dans le temps, ce qui a eu pour conséquence de changer la couleur du film [59]. Le motif formé en surface peut être modifié lors de l’étape du dépôt des bandes de PVA pendant la conception de l’échantillon. Par exemple, une variante de la réplique élastomère a été réalisée avec quatre bandes argentées sous forme de traits discontinus placées aux coins de l’environnement vert (figure V.9b). Si les applications l’exigent, le matériau peut être entièrement détaché du substrat en verre. Pour obtenir un film libre, l’échantillon est placé dans une fiole d’eau distillée pendant un jour. En raison de la présence d’une couche de PVA soluble dans l’eau entre l’échantillon et le substrat, le film se détache en bloc de la lame de verre tout en conservant des surfaces nettes. Ensuite, il est inclus dans un morceau de PVA séché pour devenir une étiquette souple à appliquer sur un objet (figure V.9c). (a) (b) (c) Figure V.9 – Photographies de trois répliques élastomères de la cuticule de Chrysina gloriosa qui ont connu 15 min de recuit pour présenter le contraste entre les régions vertes et argentées : (a) échantillon semi-libre sur un substrat en verre avec une alternance de bandes vertes et argentées, (b) échantillon semi-libre sur un substrat en verre avec un motif différent et (c) échantillon libre de tout substrat avec une bande argentée entourée de deux bandes vertes, encapsulé dans une matrice circulaire de PVA séché et maintenu par une pince. Les barres d’échelle représentent 3 mm.
Propriétés optiques
Les spectres de réflexion d’une bande verte et d’une bande argentée de la réplique élastomère ayant eu 15 min de recuit sont présentés dans la figure V.10. La réflectance est affichée entre 0 et 50 % en raison de la règle de sélectivité de la polarisation d’un CLC (voir Chapitre I section 3). Les mesures s’arrêtent à 900 nm à cause des limites de la lampe d’émission du MO. Cependant, on choisit d’utiliser la même échelle de longueur d’onde que celle des spectres de transmission (figure V.11) pour comparaison. Les spectres de réflexion montrent des bandes de Bragg larges (figure V.10). Les limites λmin et λmax de chaque bande de réflexion sont déterminées à mi-hauteur. Dans la région verte de la réplique, la réflexion se produit entre 570 et 790 nm et dans la région argentée, elle intervient entre 530 et 780 nm. De plus, on constate que la forme des deux bandes de réflexion (plate avec deux bosses pour la bande argentée) et la variation de la réflectance (réflectance plus élevée pour la bande verte) ne sont pas semblables. Ces différences de comportements optiques seront discutées à la lumière de la distribution volumique du pas cholestérique à partir des images MET des sections transversales du matériau. La réflectance du spectre de la bande verte présente une augmentation soudaine de 510 à 600 nm. Ces longueurs d’onde correspondent à celles de la sensibilité maximale de l’œil à la couleur qui se situent entre 530 et 580 nm. Ce fait, en plus des comportements optiques rapportés ci-dessus, pourrait expliquer pourquoi les couleurs de réflexion des bandes vertes et argentées sont perçues comme différentes par l’œil nu, qui est connu pour être plus sensible à la lumière verte [150]. Les spectres de transmission des deux types de bandes sont exposés dans la figure V.11. Bien qu’elles présentent des couleurs de réflexion différentes à l’œil nu, les régions vertes et argentées possèdent des bandes de transmission similaires : entre 530 et 910 nm à mi-hauteur des bandes de Bragg. La nature élargie des bandes spectrales, déterminée par la transmission et la réflexion, est la même dans les deux mesures. La figure V.12 dévoile les textures optiques de la réplique élastomère avec 15 min de recuit. La bande argentée montre une texture planaire (figures V.12a et V.12c) et la bande verte présente une texture polygonale (figures V.12b et V.12d). En réflexion, les polygones apparaissent avec un diamètre qui varie de 2 à 7 µm (figure V.12b). En transmission, les couleurs des textures sont identiques dans les deux sortes de bandes, contrairement aux couleurs des textures visibles en mode réflexion. Cette observation est en accord avec le comportement des spectres. Figure V.10 – Spectres de réflexion acquis dans chaque bande de la réplique élastomère de la cuticule de Chrysina gloriosa qui a connu 15 min de recuit. La ligne de base a été faite à l’aide d’un miroir. Figure V.11 – Spectres de transmission acquis dans chaque bande de la réplique élastomère de la cuticule de Chrysina gloriosa qui a connu 15 min de recuit. Figure V.12 – Images optiques, prises au MO Olympus BX51 entre polariseurs croisés dont l’orientation est indiquée par les flèches noires en haut à gauche, représentant les textures de la réplique élastomère qui a connu 15 min de recuit : (a) la texture planaire dans une bande argentée en réflexion, (b) la texture polygonale dans une bande verte en réflexion, (c) la texture planaire dans une bande argentée en transmission et (d) la texture polygonale dans une bande verte en transmission. La barre d’échelle représente 50 µm.
Propriétés structurelles
Afin d’étudier les propriétés structurelles de la réplique élastomère avec 15 min de recuit, il faut tout d’abord préparer l’échantillon par ultramicrotomie avant de pouvoir imager sa structure interne par MET. Dans le but d’obtenir un film libre de tout substrat prêt à être inclus en résine, l’échantillon est placé dans un flacon d’eau distillée pendant un jour. Ensuite, un petit morceau du film est incorporé dans la résine EMbed-812 fabriquée par Electron Microscopy Sciences. La résine est polymérisée à 62 °C pendant deux jours. Puis, un couteau diamant est utilisé à température ambiante pour couper des tranches ultrafines de 150 nm d’épaisseur avec un ultramicrotome Leica UCT. Le matériau est coupé perpendiculairement à la surface du film (sections transversales). Les tranches sont placées sur des grilles de cuivre avant d’être observées au JEOL JEM-1400 fonctionnant à 80 kV. Les images MET sont acquises à l’aide d’une caméra CCD Gatan Orius SC1000B. L’inclusion des échantillons dans la résine et leurs observations par MET ont été réalisées par Vanessa Soldan du Centre de Biologie Intégrative (CBI) de Toulouse. L’étude des images MET du film élastomère permet de corréler le comportement optique des bandes vertes et argentées à leur structure interne. Les figures V.13 et V.14 montrent les sections transversales des deux bandes, du haut (côté air ou côté PVA) vers le bas (côté substrat) du film avec 15 min de recuit. L’épaisseur du film, calculée à partir des images, est égale à 16,5 ± 0,5 µm. Les images MET révèlent la texture en empreintes digitales typique des CLCs faite d’un contraste périodique de lignes claires et sombres [151]. Ceci est principalement dû à la perte de masse pendant l’irradiation, qui grave sélectivement les régions dans lesquelles les molécules allongées sont préférentiellement perpendiculaires ou parallèles à la coupe imagée [152]. La distance entre deux lignes consécutives de même contraste (clair ou foncé) donne une estimation du demi-pas cholestérique naturel. En effet, la structure CLC se répète sur une distance égale au demi-pas, à condition que l’hélice puisse se développer librement dans le matériau. Un pas croissant est visible du haut vers le bas dans les deux bandes du film (figures V.13 et V.14). Par contre, l’orientation des lignes et le profil du gradient de pas diffèrent d’une bande à l’autre. La structure hélicoïdale de la texture polygonale est visible dans la section transversale de la bande verte (figure V.13). Plusieurs cellules polygonales sont coupées à différents endroits de leur extension. La signature texturale est l’apparition de motifs arqués près de l’interface avec l’air, qui deviennent progressivement de plus en plus droits avec la profondeur du film, jusqu’à environ 8,5 µm. En effet, l’interface avec l’air, où les molécules sont spontanément perpendiculaires, est de moins en moins influente à mesure que l’on se rapproche du substrat en verre qui induit au contraire une orientation planaire. L’évolution de la texture de haut en bas, d’arquée à droite, est montrée en rehaussant en vert un ensemble de lignes (figure V.13), où un polygone de la texture polygonale (figure V.12b) est vertical au plan du film. Dans la section transversale de la bande argentée, les lignes sont droites du haut vers le bas (figure V.14). Il est frappant de constater que, bien que le matériau ait la même composition sous l’air et sous le PVA, le pas cholestérique près du substrat en verre est différent de celui observé dans la bande verte. Lorsque l’hélice est contrainte, c’est-à-dire lorsque le pas est supérieur à l’épaisseur disponible, le pas textural s’écarte du pas naturel. Ce phénomène sera discuté. Une autre différence avec la bande verte est que l’orientation des lignes de la texture en empreintes digitales près du substrat en verre fluctue davantage et comprend plus de défauts (disinclinaisons). Ainsi, on retrouve les caractéristiques de la texture polygonale et de la texture planaire dans la structure interne de chaque bande du film. Cependant, les images MET montrent que le profil de diffusion entre les couches CLC vert et CLC IR est différent lorsque le film est recouvert d’un matériau souple, tel que la bande de PVA.
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