POLYANDRIE ET DIVERSITE GENETIQUE
DE L’ABEILLE Apis mellifera unicolor (Hyménoptères APIDAE)
Effet du varroa sur les colonies
Grâce à l’analyse par marqueurs microsatellite des ouvrières de 32 colonies de la race Apis mellifera unicolor, il a été noté que chaque reine d’une colonie s’accouplait avec plusieurs mâles (de 7 à 17), ce comportement d’accouplement multiple d’une reine, ou polyandrie, a été décrit chez plusieurs taxons d’insectes sociaux dont les abeilles (Page, 1986). Ce nombre d’accouplement observé est concordant avec ce qui a pu être observé chez d’autres races d’abeilles comme pour Apis mellifera monticola (abeille africaine à l’Est de l’Afrique) ou Apis scutellata (abeille africaine mais existe en Amérique du Sud et en Amérique du Nord) (Franck et al., 2000, Palmer and Oldroyd, 2000) qui s’accoupleraient avec de 5 à 19 et 10 à 25 mâles, respectivement. Le varroa est connu pour entraîner certains effets sur l’accouplement du fait que les faux bourdons parasités qui fécondent la reine au cours d’un vol nuptial pourraient avoir de moindre capacité à voler, et que le parasitisme direct par Varroa destructor a des effets négatifs sur le succès reproductif des faux bourdons (Buchler, 2003) ou par des anomalies dans le comportement de vol (Kralj and Fuchs, 2003). De plus une des conséquences de ces vols nuptiaux et de la multiple fécondation de la reine est que le varroa peut ainsi se propager via certains mâles infectés. Toutefois les résultats obtenus dans cette étude montre que le nombre de mâle qui s’accouple avec la reine varie de 7 à 17, et aucune différence significative n’a été observée entre les ruchers contaminés et ceux indemnes de cette même race. Néanmoins, il a été observé sur le site de Mamotratraka, indemne de varroa, un nombre de mâle élevé par rapport aux autres sites (13 mâles en moyenne) mais ces observations n’ont pu être faites que sur 2 colonies ; ainsi du fait du faible échantillonnage, il ne peut être conclu que l’absence de varroa sur ce site a une influence sur la polyandrie. Ainsi, la présence de varroa sur les sites étudiés ne montre aucun effet marqué sur la polyandrie des colonies infestées en comparant avec de celles indemnes ; ce phénomène pourrait être expliqué par une arrivée encore récente du varroa dans les sites. De plus une autre hypothèse pourrait être que le varroa n’aurait pas affecté les mâles du fait de la non permanence des mâles dans les ruches ou encore par la préférence de varroa pour certaines castes d’ouvrières. Ainsi, certains auteurs indiquaient que chez les abeilles adultes, le Varroa parasiterait davantage les ouvrières nourricières (Le Conte and Arnold, 1987), en effet la préférence de cet acarien pour les abeilles nourricières aurait pour effet direct d’optimiser la probabilité des Varroas femelles de rencontrer une cellule hôte pour s’y reproduire (Le Conte and Arnold, 1987). 27 Malgré le fait qu’aucun effet notoire sur la polyandrie ou un biais sur certains lignées parentales dans les ruchers infectées n’aient été notés, des mortalités d‘ouvrières et l’effondrement de ruchers sur les sites prélevés, infestés par le varroa, ont été observés. Ces dommages pourraient être liés d’une part à l’action spoliatrice du varroa. En effet, le varroa est un ectoparasite hématophage de l’abeille (Vidal-Naquet, 2008) se nourrissant de l’hémolymphe de l’abeille ce qui l’affaiblit, et diminue son activité, provoquant sa mort précoce, et ainsi réduisant la longévité de la colonie (Le Conte, 1990). D’autre part, une action directe sur les adultes, comme les ouvrières ou encore le couvain a aussi été notée (Colin et al., 1997). Outre la spoliation, le varroa se présente comme un vecteur de différents virus (Vidal-Naquet, 2009). En effet, lors de la spoliation, Varroa est connu pour être un vecteur de virus, en particulier le virus des ailes déformées, responsable de la déformation au niveau des ailes (Bowen-Walker et al., 1999). A Madagascar, bien qu’aucune analyse virale n’ait été encore entreprise, le varroa est soupçonné être le vecteur de ce virus (sur symptômes visuels) qui s’attaque et tue les colonies d’abeilles entières y compris les reines (AFSSA) 2010). En effet, la chute rapide de l’effectif des colonies et certains effondrements très rapides observés pourraient être dus directement à l’infestation par l’acarien, ou plutôt aux infections virales transmises au varroa.
Polyandrie et la diversité génétique
L’accouplement multiple vise notamment à augmenter la variabilité génétique intra-coloniale et inter-coloniale. L’avantage des colonies renfermant plusieurs lignées paternelles pourrait provenir d’une plus grande variabilité des ouvrières conduisant à une répartition des tâches plus efficace (Robinson and Page, 1988, Sherman et al., 1988) ; comme par exemple la défense de la ruche contre l’intrus fait l’objet d’une division du travail. Cela pourrait être observé pour les colonies n°9 et n°18 qui avaient un comportement de défense agressif avant l’arrivée du varroa. Selon l’analyse génétique de cette étude, tant sur marqueurs nucléaires (6 marqueurs microsatellites) sur 926 individus de 32 colonies que mitochondriale (région intergénique COI-COII) sur 1 individu de chaque colonie il a pu être montré que les colonies étudiées avaient une faible diversité allèlique (le nombre moyen d’allèles par locus: 2.19 pour A24, 2.21 pour AP81, 3.1 pour AC306, 2.95 pour A113, 2.29 pour A7, 2.52 pour AP55) et diversité haplotypique. Ainsi, une unique mutation par délétion pour une seule colonie a été détectée (colonie 21). Ces résultats, peuvent être expliqués par une forte consanguinité non seulement au sein des colonies mais aussi entre les colonies échantillonnées. L’accouplement d’une reine avec des mâles (capturés pendant l’essaimage) engendre des reines filles et des mâles, le croisement d’une reine fille avec leurs frères entraîne une hausse de la consanguinité dans la colonie puisque la probabilité de s’apparier à un individu apparenté augmente. Etant donné que certaines colonies sont issues d’une même origine maternelle, obtenues par élevage artificiel de reines fécondées sur un même site, la consanguinité est très probable parce que les générations obtenues (reines filles) sont toutes des sœurs, ou demi-sœurs. Il existe donc une parenté étroite entre les reines filles distribuées dans chaque ruche et peuvent partager ainsi deux allèles identiques pour un locus ce qui expliquerait la faible diversité allélique inter-coloniale obtenue. Ainsi une conduite de ruchers plus rigoureuse permettant de maintenir et augmenter la diversité génétique devrait être promue afin de maximiser les chances d’obtenir un maximum de lignées génétiques différentes et promouvoir la pérennisation de cette diversité. L’une des conséquences directe de la faible diversité allélique dans une colonie est la possibilité d’accouplements consanguins de la reine avec ses descendants qui auraient les mêmes allèles et ainsi l’accouplement pourrait engendrer la fixation de certains allèles par 29 dérive génétique et induire une perte de diversité allélique (Keller and Waller, 2002). Cette perte de diversité allélique chez la reine conduit aussi à l’augmentation de la proportion d’homozygotes mâles dans la population (c’est-à-dire la production de mâles diploïdes généralement stériles) ce qui peut conduire à diminuer la fitness de la reine et indirectement celle de la colonie (Frankham, 2005).
I .INTRODUCTION |