Pollution des eaux par les métaux lourds et méthodes de traitement
Extraction liquide-liquide
L’extraction liquide-liquide ou extraction par solvant est une technique physicochimique de séparation et de concentration de composés ou d’éléments chimiques. Elle est basée sur ladistribution d’un soluté entre deux phases liquides non miscibles dont l’une est aqueuse et l’autre
organique. La phase organique constituée par un ou plusieurs extractants dissous dans un diluant encore appelée solvant. Le procédé d’extraction liquide-liquide a été initialement utilisé parl’industrie nucléaire pour le traitement des minerais d’uranium ou de thorium, la fabrication duzirconium, le recyclage des combustibles irradiés. Actuellement cette méthode est employéepour l’extraction sélective d’un métal à partir de solutions de lixiviation. L’opération consiste àagiter les solutions de lixiviation avec un solvant organique non miscible à l’eau. Le métal estextrait sélectivement par la phase organique laissant toutes les impuretés solubles dans la phaseaqueuse.De nombreux métaux sont récupérables par cette technique: cuivre, plomb, nickel, zinc,cadmium, manganèse, molybdène et vanadium. L’inconvénient majeur de cette technique résidedans la perte d’extractants qui sont très chers. Cependant, la principale application de cetteméthode est la purification de l’acide phosphorique provenant des bains de brillantage chimiquede l’aluminium à l’aide de tri-butyle de phosphate (Boutemine, 2009).Stenstrom, (1987) a développé un model thermodynamique pour l’extraction du cadmium(II)contenu dans un mélange d’acide phosphorique (0.02 à 6 M) et chlorhydrique (0.005 à 0.10 M)par une amine tertiaire. Ce modèle permet de calculer l’extraction de cadmium et la co-extractiondes acides phosphorique et chlorhydrique. Il a utilisé le modèle de Bromley pour calculer lescoefficients d’activité dans la phase aqueuse. Il a également déterminé la constantethermodynamique de l’équilibre d’extraction (LogK = 10.23). L’auteur a montré que le tauxd’extraction du cadmium augmente avec la concentration d’acide phosphorique. L’extraction ducadmium d’une solution d’acide phosphorique à différentes concentrations (0.7-8.8 M) par leCyanex 302 dilué dans le kérosène a été étudiée par Almela et al., (1998). Après les traitementsnumérique et graphique des résultats, ils ont proposé la formation, dans la phase organique,d’une espèce métallique CdR(HR). La valeur de la constante d’équilibre augmente avec laconcentration d’acide phosphorique dans la phase aqueuse par contre une faible concentration deCyanex 302 est suffisante pour éliminer quantitativement le Cd(II) d’une solution d’acidephosphorique. Ocio et al., (2004) ont aussi étudié l’élimination du cadmium d’une solution
d’acide phosphorique (0.4-7.3 M) mais par un autre extractant qu’est le Cyanex 301. Lesrésultats de cette étude ont montré que la constante d’extraction augmente avec l’augmentationde la concentration de l’acide phosphorique. Ouejhani et al., (2003) ont étudié l’extraction liquideliquide de chrome hexavalent de l’acide chlorhydrique par le tributylphosphate (TBP). Cette technique a été appliquée dans la récupération de Cr(VI) des eaux usées, l’optimisation des conditions pour l’extractio quantitative est évaluée par l’étude de la variation de différents paramètres expérimentaux : la période d’agitation, le pH de la phase aqueuse, la concentration de l’acide chlorhydrique, l concentration d’extractant et le rapport phase aqueuse phase liquide. Ils ont trouvé que le Cr(VI) est bien éliminé et que le (TBP) a une grande sélectivité pour le Cr(VI).
Echange d’ions
L’échange d’ions est un procédé très utilisé dans les ateliers de traitement de surface. D’une part
pour la récupération des matières premières et d’autre part pour contrôler la pollution aqueuse.
Les techniques d’échange d’ions sont connues depuis très longtemps mais l’utilisation de celle-ci
dans l’industrie de traitement de surface est récente. Costa, (1952) est le premier qui a utilisé
l’échange d’ions pour éliminer les métaux polluants des eaux de rinçage en employant une résine
échangeuse de cations de polystyrène sulfonatée. Il a montré que cette résine n’était pas stable à des concentrations en acide supérieures à 150 g.L−1.Les eaux résiduaires ayant fait l’objet d’une détoxication classique, peuvent encore contenir desconcentrations résiduelles en métaux lourds de l’ordre de 0.1 à 10 mg.L−1. Les résineséchangeuses d’ions qui sont particulièrement performantes pour l’épuration de solutions diluées,peuvent donc être utilisées comme traitement de finition. Des résines cationiques oucomplexantes qui présentent une sélectivité marquée pour toute une série de métaux lourds et demétaux de transition, permettent d’atteindre des teneurs résiduelles inférieures à 0.1 mg.L−1(DeDardel, 1998).L’échange d’ions sur résines est utilisé également dans le traitement des rejets de centralesnucléaires, où certains rejets sont traités sur résines pour retenir les produits radioactifs : cobalt,argent, césium, manganèse, iode, antimoine, bore … etc. Dans ce cas, on ne régénère pas lesrésines : elles sont enfûtées et envoyées dans un centre de détoxication. Dans ce type detraitement, on peut mettre en œuvre des résines classiques et des résines spécifiques (Boeglin,1998).Récemment, la dépollution d’une solution contenant les cations métalliques (Pb(II), Ni(II) etCd(II)), en utilisant le textile échangeur d’ions issu de la modification d’un polyester, a été testé(Ducoroy et al., 2007). Le procédé consiste à immerger un échantillon de textile échangeur decations dans une solution contenant les différents cations métalliques. Les résultats obtenusmontrent que le matériau modifié est efficace pour l’élimination des ions (Pb(II), Ni(II) etCd(II)).
Techniques membranaires
Ces procédés ont pour principales caractéristiques communes de ne pas comporter dechangement de phase au cours de la séparation, d’utiliser des différences de pression, deconcentration ou de potentiel comme force motrice et de mettre en œuvre des membranesperméables à l’eau ou permsélective aux anions ou aux cations. Fondamentalement en séparationmembranaire, on assiste à un transfert de solvant ou de soluté à travers une membrane semiperméable oumicroporeuse toutes les fois qu’une différence de potentiel chimique et/ouélectrochimique existe entre les deux faces de la membrane.En réalité, les procédés d’usage courant pour l’élimination etla récupération des métaux lourds,sont l’osmose inverse (OI), l’électrodialyse (ED) et l’électro-électrodialyse et, à degré moindre,la microfiltration (MF), l’ultrafiltration (UF) et la nanofiltration (NF). Les trois premierspermettent à l’heure actuelle d’effectuer la détoxication des bains de rinçage des installations de
traitement de surface.
Membranes de filtration
Les techniques de MF, UF et NF continuent d’être étudiées à l’échelle laboratoire pourl’extraction des métaux lourds (Blöcher et al., 2003 ; Bougen et al., 2001 ; Petrov et al., 2004 ;Qdais et al., 2004). Les résultats de Qdais et al. (2004) montrent que l’OI et la NF permettent destaux d’épuration en Cu(II) et Cd(II) très élevés 98-99 % pour l’OI et 90 % pour la NF. Letraitement d’eaux usées industrielles par OI fait baisser la concentration en métaux lourds de 500à 3 ppm, ce qui conduit à un rendement d’extraction de 99.4 %.Ces techniques de filtration sont souvent utilisées dans des couplages de procédés : Flotation/filtration pour la réduction de la concentration en Cu(II), Ni(II), Zn(II) dans deseaux usées industrielles (Blöcher et al., 2003) ; des concentrations inférieures à 0,05mg.L−1ont été obtenues à partir de concentrations initiales de 474, 3.3 et 167 mg.L−1enchacun des ions, respectivement.
Complexation/ultrafiltration pour la récupération sélective du Cu(II) en présencede Pb(II), Fe(II) et Mn(II) a été testée (Petrov et al., 2004) ; le faible rapport decomplexation du Cu(II) par la carboxyl-méthyl-cellulose (CMC) permet son extractionpar UF qui est suivie par une étape de décomplexation à faible pH. Des expériencescomparatives ont été réalisées avec (i) : des solutionssynthétiques ne contenant que desions Cu(II); (ii) : des solutions synthétiques contenant en plus du Cu(II) des ions Pb(II),Fe(II) et Mn(II); (iii) : des eaux de drainage de mines. Dans les trois cas, un tauxd’élimination du cuivre approchant les 99 % a été obtenu, cependant la destruction des
complexes de métaux lourds dans les eaux résiduaires réelles, limite la récupération ducuivre à 80 %.Un pilote semi continu d’UF amélioré par l’utilisation d’un polymère pour larécupération du Cadmium et du Plomb a été élaboré par Canizares et al., (2005). Ceprocédé comprend deux étapes: la 1ière consiste à faire réagir l’eau contenant les métauxlourds avec le ligand polymère, soluble dans l’eau, pour former des complexesmacromoléculaires qui vont être ensuite retenus parla membrane d’UF. La 2ème étapeconsiste en la régénération du matériau polymère pour être réutilisé. Ils ont optimisé lesparamètres hydrodynamiques pour éliminer des polluants. L’influence du pH sur larétention du métal et sur la régénération du polymère a été étudiée. Afin d’estimer les
paramètres opératoires et les dimensions du pilote à l’échelle industrielle un modèlemathématique a été développé.