POLITIQUE PUBLIQUE ET MANAGEMENT PUBLIC, DE NOUVELLES FRONTIERES
Introduction : l’interface politicoadministrative sous la loupe La publicitude d’une activité (c’est-à-dire son caractère public), se traduit par l’importance prise par la dimension politique (par rapport à la dimension économique) comme principe de fonctionnement de cette activité (Bozeman, 2007). Ainsi, le fonctionnement des organisations publiques est-il foncièrement traversé par des recouvrements et des empiètements entre les dimensions politiques et administratives (Peters, Pierre, 2004). La frontière, bien souvent mouvante, entre politiques publiques et management public est au cœur du fonctionnement des organisations publiques. Du reste, la politisation de l’administration (Rouban, 2005), tout comme la managérialisation progressive du politique (Gaulejac de, 2005), constituent un indice de l’imbrication de ces deux sphères et surtout des dérives possibles au cœur des univers bureaucratiques et politiques. Les sciences politiques se sont intéressées depuis un certain temps à cette problématique des relations politicoadministratives. Il existe donc une tradition de recherches sur cette question, bien que celleci soit naturellement plus encline à aborder des thématiques plus institutionnelles et 1 HEIG-VD, HES-SO, Institut interdisciplinaire du développement de l’entreprise (IIDE) 2 Université de Lausanne, Institut d’études politiques, historiques et internationales (IEPHI) macros, délaissant, de ce fait, une analyse centrée plus particulièrement sur les acteurs. Des travaux plus récents, de sociologie politique notamment, ont entrepris de s’intéresser à la composition des arènes politiques et administratives, autrement dit aux élites politiques et administratives (Emery et al., 2014; Mach et al., 2011). Par contre, il faudra attendre un peu plus longtemps avant de voir apparaître des recherches au sein de la discipline du management public sur cet objet. Ainsi, la domination traditionnelle des sciences politiques sur l’analyse des interactions entre sphère politique et sphère administrative s’estompe tandis que d’autres disciplines davantage centrées sur des problématiques de management public s’immiscent dans les sujets traditionnellement politiques (Gibert, 2002). Par ailleurs, les équilibres traditionnels entre sphère politique et sphère administrative sont réinterrogés par la diffusion des principes du nouveau management public. Ceux-ci rompent avec la conception wébérienne qui envisageait la séparation entre politique et administration à travers la soustraction des hauts fonctionnaires à l’arbitraire politique. Ils diffusent une vision normative alternative fondée sur une redéfinition des sphères d’action du politique et de l’administration et une dépendance accrue des fonctionnaires vis-à-vis du politique. L’intérêt porte dès lors bien souvent sur la question des compromis, ou négociation (bargain en anglais) entre les acteurs politiques et administratifs notamment dans le cadre de leurs difficiles partage des tâches. Car, en ce domaine, il faut bien admettre que les activités administratives sont fondamentalement politiques, de même que les actes politiques ont une portée administrative tout aussi évidentes (Elston, 2016; Hood , Lodge, 2006). Par ailleurs, loin d’assister à une homogénéisation de ces compromis politico -administratifs, il faut plutôt noter une mise en œuvre extrêmement différenciée dans les différents pays et même au sein d’une même nation. En matière de relations politico -administratives, les traditions politiques et administratives ont une influence
Contenu du dossier : différentes approches de la frontière politico – administrative
C’est pourquoi, au -delà de l’analyse des équilibres et déséquilibres politico – administratifs, ainsi que de leur signification, il est important d’observer le fonctionnement détaillé des interactions existant entre la sphère politique et la sphère administrative : comment les enjeux mutuels de chacune de ces sphères se nourrissent -ils mutuellement ? Quels sont les processus d’influence réciproques entre légitimité économique, légitimité administrative et légitimité politique ? En quoi les évolutions du management public et l’influence du nouveau management public affectent -ils la frontière politico -administrative et les relations entre leurs acteurs ? Ces questions ont fait l’objet d’une section thématique « Politique Publique et management public » au sein du colloque COSPOF 2015, sixième congrès des associations francophones de science politique, qui s’est tenu du 5 au 7 février 2015 à l’Université de Lausanne. Les articles de ce numéro spécial, issus des 13 communications sélectionnées en vue d’une présentation dans le cadre du colloque, ont ensuite été soumis au processus d’évaluation de la revue Gestion et Management Public. Ceux -ci abordent la question des interactions entre politique publique et management public à travers le double mouvement de managérialisation du politique et de politisation du management. L’actualité donne en effet à voir une managérialisation croissante de la sphère politique, en lien avec une relation entre sphère administrative et sphère politique qui est davantage dialectique que subordonnée (de Visscher, 2004). Inversement, la politisation du management semble être une conséquence du nouveau management public, à travers notamment les nominations politiques des hauts cadres de l’administration publique. Mais son analyse doit être menée avec précaution car la politisation peut prendre des formes extrêmement différenciées selon les systèmes institutionnels (Peters , Pierre, 2004), comme nous le mentionnions auparavant.