Poissons Chimaeriformes (Chondrichthyes, Holocephali) du Néogène de la Formation Bahía Inglesa (Atacama, Chili)

Nodules de Manganèse

Les dépôts marins de la Formation Bahía Inglesa (Rojo, 1985; revu par Marquardt, 1999) présentent une grande variété de caractéristiques sédimentologiques qui permettent d’étudier les variations de conditions de dépôt. Les lithofaciès et biofaciès permettent un enregistrement détaillé des variations du milieu, avec des conséquences locales et régionales. Ces unités enregistrent aussi les différents styles de déformation en extension et en compression. Les différents degrés de consolidation, la présence de réseau de veines de gypse et la présence de différents types de phosphates, indiquent l’existence de plusieurs processus diagénétiques.
Dans la Formation Bahía Inglesa, on a reconnu des nodules de manganèse dans des niveaux de sédiments fins et sables fins (Marquardt, 1999; Achurra et al., 2003). La taille des nodules est variable, depuis quelques millimètres jusqu’à des nodules bien formés de 3 cm. Ils sont de couleur noire et de forme ellipsoïdale à sphérique, avec une surface lisse, botryoïdale et sont parfois remplis de bioturbations.
Les oxydes de manganèse constitueraient la matrice des nodules formant une masse amorphe de minéraux peu cristallisés.
Les résultats de la diffraction par rayons X réalisée dans plusieurs nodules montrent la présence d’une phase minérale correspondant à la todorokite (NaMn6O12*3H2O) avec des traces de cryptomelane, et en abondance de l’albite et du quartz, quelques micas et des indices de gypse et d’amphiboles.
La todorokite, typique des nodules hémipélagiques, est appauvrie en Cu et Ni et enrichie en Mn+2 et Mn+3 indiquant un courant d’eau riche en métaux passant à travers les pores du sédiment pendant le déroulement de processus diagénétiques suboxiques. D’autre part, le cryptomelane se trouverait comme métal secondaire provenant de zones minéralisées à terre, bien que son origine puisse être aussi diagénétique. Ces caractéristiques pétrographiques et géochimiques ont été comparées avec celles de nodules de diverses parties du monde. On a fait faire une Analyse des Composants Principaux (PCA) et des Fonctions Discriminantes (MDA) sur la base des concentrations de Mn, Fe, Co, Ni et Cu. Les résultats montrent des groupements en clusters bien définis pour les différentes classes de nodules différenciées selon le type de sédiments dans lesquels ils se trouvent. Cette classification, réalisée par le Maganese Nodule Program (MANOP), différencie des nodules de sites S (argiles pélagiques siliceuses), de sites R (argiles rouges pélagiques), de sites H (argiles hémipélagiques) et de sites L (marins saumâtres et lacustres).
Les nodules de la Formation Bahía Inglesa sont associés à ceux du type H. Un tel résultat est cohérent avec la minéralogie de la todorokite et des rapports Mn/Fe des nodules ; ceci reflète, en outre, leur formation durant la diagenèse précoce et écarte une formation des nodules en milieux saumâtres et lacustres.

Téphrochronologie

Les cinérites volcaniques intercalées dans les séquences marines et continentales de la côte et de la Cordillère de la Côte du nord du Chili, ont fourni des âges qui indiquent la présence de différents événements volcaniques depuis le Miocène jusqu’au Pléistocène.
De façon à améliorer notre connaissance de la chronostratigraphie des séquences de la côte et de leurs implications tectoniques, nous avons obtenu des âges Ar/Ar à partir de dépôts de cinérites volcaniques de la Péninsule de Mejillones (Tableau 2.2). La téphrachronologie et les caractéristiques sédimentologiques de ces dépôts, nous permettent de supposer que des processus volcaniques sont directement liés à leur origine (Marquardt et al., 2005).
L’âge de 19,35 ± 0,04 Ma, obtenu à partir de cinérites de l’unité inférieure de la Formation La Portada (PMMC-73), est en accord avec l’âge Miocène inférieur suggéré par la présence de microfossiles à la base de cette formation dans la zone de Caleta Herradura (Ibaraki, 2001). Les âges obtenus pour l’unité supérieure sont du Miocène supérieur-Pliocène inférieur. Ces derniers dépôts indiquent une limite supérieure à une période d’intense activité tectonique qui a affecté l’unité inférieure entre 5,6 et 19,4 Ma.
Dans la zone de El Rincón, l’échantillon de cinérite (CH-99-I) trouvé dans un cône alluvial pléistocène, a donné cinq âges sur sanidine entre 2,9±0,1 et 3,82±0,09 Ma. Ces âges, calculés sur des cristaux de même nature, ne sont pas cohérents entre eux (l’erreur 2 σ donne une différence d’âges trop grande), mais l’âge minimum pour la cinérite est de 3 Ma. Cet âge minimum est semblable à ceux obtenus pour la haute terrasse du horst de Mejillones (PMC-21.5). Ceci indique que la cinérite de la zone de El Rincon pourrait être remaniée à partir de l’affleurement de cinérite du Morro Mejillones.
A Punta Yayes, une cinérite (PMC-10.1) intercalée dans des cônes alluviaux estimés du Quaternaire inférieur a donné un âge de 2 Ma.
Au pied du Morro Jorgino une autre cinérite (PMC-13.4) intercalée dans des cônes estimés eux aussi du Quaternaire moyen a donné un âge de 5,6 Ma, trop vieux. Cependant, on a trouvé dans des sédiments néogènes proches, une cinérite datée à 5,6 Ma (PMC-27.3e) qui pourrait avoir servi de réservoir d’alimentation au cône quaternaire.
Dans ce cas, on aurait un scénario identique à celui de El Rincón. Les cinérites seraient le produit d’un remaniement d’une cinérite néogène à partir d’un bassin intramontagneux soit de la Cordillère de la Côte pour Punta Yayes, soit du horst Jorgino lui même.
Des biotites de l’échantillon PMC-33.1a ont donné un âge de 12,74±0,13 Ma. La cinérite est interstratifiée dans un cône alluvial d’un bassin intramontagneux de la Cordillère de la côte qui doit appartenir à des unités de graves plus anciennes bien connues dans cette partie du Désert d’Atacama (Graves d’Atacama, références dans Riquelme et al., 2003)
L’âge de 3,25 ± 0,17 Ma obtenu à partir d’une cinérite (PMC-21.5) de la haute terrasse du Morro Mejillones (alt. 580 m), indique que cette péninsule était émergée au cours du Pliocène. Si on s’appuie sur l’hypothèse que le niveau de la mer à cette époque (3,25 Ma) était similaire à l’actuel, on peut estimer un taux de soulèvement sur le long terme de 0,18±0,02 m/ka.
Seuls deux échantillons (PMC-18.4 et PMC-13.5a) ont donné des âges plus jeunes que 1 Ma. Les deux contiennent des xénocristaux de sanidine et de biotite d’âge mésozoïque. Les âges de 0,79±0,03 Ma sur sanidine (cordon littoral) et de 0,78±0,19 Ma sur biotite (cône alluvial) correspondent bien à l’estimation quaternaire prévue. En ce qui concerne les cordons littoraux, la position de l’échantillon PMC-18.4 correspond à la limite entre la plus haute séquence de cordons (plus vieux que 0,4 ka) de la Pampa Mejillones et les dépôts de la Formation La Portada (>1,8 Ma) (Fig. 2B). Les âges de ces dépôts de cinérites suggèrent que le matériel provenant d’un épisode volcanique pléistocène est préservé dans la région côtière.
Dans certains cas, le remaniement de ces niveaux complique leur utilisation comme indicateurs de l’âge des sédiments qui les contiennent.
On considère deux modèles hypothétiques concernant le dépôt des cinérites : (1) ces dépôts pourraient être associés à un transport par le vent vers l’ouest dans des conditions exceptionnelles des nuages de cinérite (co-ignimbrite ash-fall) contemporain des ignimbrites néogènes de la Pré-Cordillère, et/ou (2) une dispersion des nuages de cinérite vers l’ouest au cours d’éruptions pliniennes.

Vertébrés marins néogènes de la Formation La Portada

Les associations de vertébrés marins fossiles de la Formation La Portada contiennent des poissons élasmobranches (condrictes), principalement des requins, des poissons osseux (ostéictes), des cétacés (Suárez et al., 2003). Les associations faunistiques reconnues présentent des afinités avec celles étudiées dans la Formation Pisco, Pérou (e.g. de Muizon et De Vries 1985) et la Formation Bahía Inglesa (e.g. Suárez et Marquardt, 2003).
Dans la faune de Caleta Herradura et de Bahía Inglesa on peut mettre en évidence des taxons caractéristiques comme Squatina sp., Heterodontus sp., Cosmopolitodus hastalis, Isurus oxyrinchus, Carcharhinus brachyurus y Galeorhinus sp. Ceci associé à l’absence de dents de C. carcharias suggère que l’association de Caleta Herradura aurait un âge miocène, ce qui apparaît en accord avec l’âge estimé pour ces niveaux supérieurs diatomitiques du même lieu (Krebs et al.1992, Ibaraki, 2001). Les niveaux de limolite ocre et de diatomite de Cuenca Tiburón et ceux de Caleta Herradura présentent une composition lithologique similaire et sont caractérisés par un contenu fossilifère abondant, riche en restes de poissons osseux avec écailles d’octenoïdes et des os de cétacés.
La faune fossile de vertébrés provenant des localités de La Portada, Morro Bandurrias et Cuenca Tiburón est dominée par le requin lamnidé Carcharodon carcharias (80% de l’échantillonnage). Ceci constitue un bon critère pour suggérer un âge pliocène pour ces localités. En effet, l’abondance de C. carcharias dans toutes les mers du globe se note à partir du Pliocène (Capetta, 1987).
A Caleta Herradura, la faune de poissons élasmobranches met en évidence une abondance marquée de C. brachyurus et inclut d’autres requins comme Heterodontus sp., Cosmopolitodus hastalis et aussi Orectolobiformes sp. Ceci permet de suggérer, au moins localement, l’existence d’eau chaude-tempérée. On reconnaît des requins d’habitat pélagique comme Isurus oxyrinchus et possiblement Cosmopolitodus hastalis, ainsi que d’autres plus particulièrement côtiers comme Orectolobiformes, Heterodontus et Galeorhinus. Actuellement, les deux derniers genres sont communs à des profondeurs d’eau inférieures à 100 m . D’autre part, les genres Centrophorus y Squalus sont les requins les mieux représentés localement et ils suggèrent un milieu d’eaux profondes, égales ou supérieures à 100 m. La convergence particulière de faune reconnue à Caleta Herradura suggère une zone à milieu sublittoral enrichi par des eaux d’upwelling qui fournissent des aliments aux représentants des divers groupes écologiques de la chaîne trophique.
La comparaison de ces associations avec les faunes néogènes des formations Pisco au Pérou et Bahía Inglesa au Chili, ainsi que la reconnaissance de certains taxons particuliers à valeur biostratigraphique, permet d’attribuer au Miocène moyen à supérieur la faune présente à Caleta Herradura et au Pliocène les faunes de La Portada, Morro Bandurrias et Cuenca Tiburón. La faune de requins caractérise, dans son ensemble, des eaux chaudes-tempérées et une profondeur qui actuellement se trouve entre la zone infralittorale et 200 m.

Poissons elasmobranches: indicateurs chronostratigraphiques

Dans la note du Suárez et Marquardt (2004), on présente une révision préliminaire des faunes de poissons élasmobranches du Mésozoïque et du Cénozoïque du Chili, provenant de 21 localités provenant d’une grande partie de toute la côte du Chili (Fig 2.6). Les associations de poissons mettent en évidence d’importants changements au cours du temps et plus particulièrement une grande augmentation de la diversité pendant le Néogène. Six espèces d’élasmobranches sont reconnues comme les indicateurs chronostratigaphiques de différentes périodes entre le Crétacé et le Pliocène: la raie Ischyrhiza chilensis (Crétacé supérieur), Striatolamia macrota, odontaspididae (Paléocène inférieur), Carcharoides totuserratus (Oligocène-Miocène), Cosmopolitodus hastalis (Miocène), Carcharodon carcharias (Tortonien) et Prionace glauca (Pliocène). La présence de ce dernier fossile dans le Néogène de la Formation Bahía Inglesa représente le premier enregistrement fossile de cette espèce en Amérique du sud.

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