Le Cameroun est un pays d’Afrique centrale situé dans le golfe de Guinée. Ce pays, actuellement classé parmi les pays en développement, aimerait devenir un « pays émergent» à l’horizon 2035, avec une économie qui «se caractérise [ … ] par la prédominance du secteur industriel en général et manufacturier en particulier [ … ], [ et] une intégration effective à l’économie mondiale» (Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, 2010, p. 50). Cette vision se décline en quatre objectifs généraux dont l’un est d’atteindre en 2030, le stade de nouveau pays industrialisé (NPI) (Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, 2010). Le statut de NPI devrait être caractérisé, entre autres, par «un secteur manufacturier sain, compétitif et diversifié, capable d’inverser la structure du commerce extérieur (exportations et importations) » (Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, 2010, p. 51); les exportations de produits manufacturés devenant plus importantes au détriment des produits primaires (Sevaistre, 2010). Afin de parvenir à modifier la structure de son commerce extérieur, le Cameroun se doit donc d’améliorer et de développer les capacités du secteur manufacturier.
À cet effet, le gouvernement camerounais a mis en place une stratégie de développement des PME, ces entreprises étant des vectrices de la création d’emplois et de la croissance dans plusieurs économies dans le monde (World Bank, 2014). C’est un choix qui se justifie, par ailleurs, par le fait que dans ce pays, les PME représentent 90 % des entreprises (Institut national de la statistique du Cameroun, 2011). On comprend qu’elles constituent le cœur de la stratégie de compétitivité de l’économie camerounaise (Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, 2010), une économie dont la compétitivité actuelle est jugée faible. Dans le rapport mondial sur la compétitivité (édition 2016-2017), le Cameroun est classé 11ge sur 138 pays (World Economic Forum, 2016). De 2006 à 2017, son indice de compétitivité global est passé de 3,4 à 3,6 sur une échelle de 7. C’est un score qui traduit une stagnation sur une période de 10 ans. Et la compétitivité des PME est à l’image de l’économie camerounaise, c’est -à-dire faible (Bennett, 2003; Sevaistre, 2010). Dans ces conditions, c’est toute la stratégie de développement économique du pays qui est remise en cause car avec un tel niveau de compétitivité, les PME auront beaucoup de difficulté à créer la quantité d’emplois et de richesse dont le Cameroun a besoin pour devenir un pays émergent à l’horizon 2035. C’est pourquoi il est important de connaître les facteurs explicatifs de cette situation afin d’identifier des solutions ou des mesures d’amélioration.
Menaces au développement des PME camerounaises
La faible compétitivité des PME s’expliquerait par des éléments externes et internes aux entreprises. Sur le plan externe, on a les lourdeurs bureaucratiques de l’administration, la persistance et la prolifération des pratiques anticoncurrentielles (contrebande, fraude douanière, contrefaçon), l’inexistence d’infrastructures d’appui aux entreprises et organisations du secteur privé, etc. (Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, 2010). Sur le plan interne, on observe une insuffisance de compétences managériales, techniques et commerciales (Bennett, 2003), des problèmes de gouvernance et d’incivisme et de faibles capacités managériales au niveau des promoteurs de ces entreprises (Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire, 2010).
Par ailleurs, les marchés nationaux sont de plus en plus envahis par des produits étrangers qui viennent réduire les parts de marché des entreprises locales. L’industrie locale, qui souffre déjà de la concurrence des produits asiatiques (Sevaistre, 2010), devra bientôt faire face à une concurrence plus importante des produits européens avec la mise en œuvre des accords de partenariat économique (APE) entre l’Union Européenne (UE) et les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique).
En effet, les APE viennent remplacer les précédents accords qui régissaient les relations commerciales entre l’UE et les pays ACP. Ces accords , contrairement aux APE, donnaient un accès préférentiel aux produits des pays ACP sur le marché européen et ne comportaient pas de réciprocité (Berisha-Krasniqi, Bouët et Mevel, 2008). Les APE, conformément « aux règles de l’OMC [Organisation mondiale du Commerce] [impliqueraient] une « libéralisation substantielle de tout le commerce » (article XXIV du GATT et de l’OMC) entre les parties prenantes» (Berisha-Krasniqi et al., 2008, p. 69). Avec les APE, les produits européens devraient désormais pénétrer librement les marchés des pays africains. De fait, il s’agit de la mise en place d’une zone de libre-échange entre l’UE et les pays ACP où les droits de douanes et toutes les mesures non tarifaires devraient disparaitre dans les relations commerciales (Abega, 2006).
Avec les APE, les parts de marché de l’UE connaîtront une rapide croissance en Afrique centrale (Karingi et al., 2004). Les entreprises camerounaises seront donc encore plus exposées à la concurrence des produits à bas prix ou de meilleure qualité provenant de l’Union Européenne (Sevaistre, 2010). De plus, les opérateurs économiques camerounais devraient aussi perdre leurs parts de marché dans les autres pays de la CEMAC au profit des produits de l’UE (Karingi et al., 2004). L’émancipation de l’industrie locale pourrait ainsi être inhibée par cet afflux important de produits européens avec comme conséquence la remise en cause de la croissance et de la survie des PME locales et la réalisation de la vision 2035 du Cameroun.
De manière spécifique, deux secteurs économiques clés du Cameroun seraient particulièrement menacés par cette concurrence: les industries agroalimentaires et les industries textiles et de confection (Karingi et al., 2004; Monkam et Itambe Hako, 2003). Les industries agroalimentaires concemées et les produits manufacturés les plus exposés à cette nouvelle concurrence ont été identifiés (Monkam et Itambe Hako, 2003; Yemene, 2009). Face à cette situation, on se demande alors ce qui peut ou doit être fait. Pour certains auteurs comme Hugon et Stintzy (2007), l’une des solutions est la protection de l’industrie locale. Dans leur rapport synthèse des différentes études réalisées sur l’impact des APE sur les pays de la CEMAC, ils identifient plusieurs produits qui devraient être protégés . Toutefois, on peut s’interroger sur la pertinence des mesures de protection dans un contexte dominé par la mondialisation, l’ouverture des frontières et notamment la présence de règles internationales sous la surveillance de l’OMC. À ce stade, il ne s’agit plus de «[ … ] remettre en cause l’ouverture économique, mais de chercher à en tirer profit» (Sevaistre, 2010, p. 19).
INTRODUCTION |