Pour certains auteurs (Prudent, Tupin & Wharton, 2005 ; Rosen & Reinhardt, 2010), le plurilinguisme est devenu depuis le début de ce siècle, et à une échelle européenne, une préoccupation considérable au sein de l’éducation. Au sein du milieu éducatif, il est même prôné par le Conseil de l’Europe qui l’envisage comme l’une des finalités que doit viser l’enseignement (Carton & Riley, 2003).
En analysant ce terme nous pouvons aisément concevoir qu’il implique une dimension de pluralité (Verdelhan-Bourgade, 2007). En effet, selon l’idée de Verdelhan-Bourgade (2007), en prenant en compte son préfixe pluri désignant “ plusieurs ” (p. 3) puis en considérant la fin de ce mot qui est linguisme avec lequel un lien peut être fait avec le terme “ langue ” (p. 3), il semble alors manifeste que cette notion signifie plusieurs langues. Cependant, comme l’explique cet auteur, la terminologie de ce terme doit être considérée en profondeur pour mieux la comprendre. De ce fait, nous allons retenir les propos de différents chercheurs ou organismes qui permettent d’apporter quelques précisions utiles à une compréhension plus complète de ce terme.
Tout d’abord, Carton et Riley (2003) donnent un premier éclairage à la notion de plurilinguisme en l’assimilant à un individu apte à employer diverses variétés de langues au sein d’interactions sociales. Puis, le Conseil de l’Europe conçoit cette notion de deux façons. Dans un premier temps, ce terme est à considérer comme :
La capacité intrinsèque de tout locuteur à employer et à apprendre, seul ou par un enseignement, plus d’une langue. Cette compétence à utiliser plusieurs langues, à des degrés de compétence différents et pour des buts distincts est définie […], en tant que compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d’un acteur social qui possède à des degrés divers, la maîtrise de plusieurs langues et l’expérience de plusieurs cultures. Cette compétence se matérialise dans un répertoire de langues que le locuteur peut utiliser. (Beacco & Byram, 2003, pp. 15-16) .
Cette instance européenne entend également le plurilinguisme en tant que :
Valeur éducative fondant la tolérance linguistique : la prise de conscience par un locuteur du caractère plurilingue de ses compétences peut l’amener à accorder une valeur égale à chacune des variétés utilisées par lui-même et par les autres locuteurs, même si celles-ci n’ont pas les mêmes fonctions (communication privée, professionnelle, officielle, langue d’appartenance…). Mais cette prise de conscience doit être accompagnée et structurée par l’École, car elle n’est aucunement automatique […]. (Beacco & Byram, 2003, p. 16)
Du côté de l’enseignement, le développement du plurilinguisme de tout citoyen peut se faire à travers la didactique du plurilinguisme, qui se distingue de la didactique des langues dans le sens “ […] où elle implique un travail conjoint sur plus d’une langue […] ” (Gajo, 2006, cité par Candelier, 2008, p. 74). Deux types de compétences, l’une linguistique et l’autre culturelle, développées par ce type de didactique, constitueraient une compétence plurilingue globale qui elle, s’identifie à une sorte de répertoire incorporant et fusionnant toutes les expériences réalisées par un individu en lien avec les langues et les cultures (Candelier, 2008 ; Coste, Moore & Zarate, 1997). Cette compétence plurilingue intègre une dimension communicative puisqu’il s’agit d’une “ compétence partagée par tous les locuteurs à utiliser différentes langues, quel que soit le degré de maîtrise de chacune d’elles ” (Beacco & Byram, 2007, cité par Kervran, 2012, p. 31).
Agrégées à la didactique du plurilinguisme, plusieurs approches didactiques dites plurielles, ont vu le jour au sein de l’environnement scolaire pour favoriser le plurilinguisme chez les élèves (Troncy, De Pietro, Goletto & Kervran, 2014). Candelier (2008) confirme qu’en effet “ c’est donc bien vis-à-vis de la didactique du plurilinguisme qu’il conviendrait […] de situer les approches plurielles ” (p. 73).
La définition formulée par le Conseil de l’Europe permet de mieux comprendre en quoi consistent les approches plurielles. Cette organisation explique qu’une approche plurielle :
Met l’accent sur le fait que […] l’apprenant ne classe pas ces langues et ces cultures dans des compartiments séparés mais construit plutôt une compétence communicative à laquelle contribuent toute connaissance et toute expérience des langues et dans laquelle les langues sont en corrélation et interagissent. (Conseil de l’Europe, 2001, cité par Escudé & Janin, 2010, p. 33) .
Le Cadre de référence pour les approches plurielles des langues et des cultures (CARAP) donne une précision à la définition préalablement relevée en spécifiant que ces dernières insèrent dans des situations d’enseignement, multiples diversités linguistiques et culturelles. Ce même document inventorie quatre approches plurielles (Candelier et al., 2007). Ces approches sont les suivantes :
• La didactique intégrée des langues enseignées
• L’approche d’intercompréhension entre les langues parentes
• L’approche interculturelle
• L’approche nommée Éveil aux langues
Si les deux dernières approches seront définies plus tard dans ce travail, il semble pertinent de proposer une définition des deux premières afin de les comprendre d’avantage.
Tout d’abord, la didactique intégrée des langues enseignées est une approche qui donne la possibilité aux élèves de déterminer des correspondances entre diverses langues. Avec une telle approche, il s’agit uniquement de travailler avec les langues qui font office d’apprentissage à l’école. Sa finalité est d’aider l’entrée dans une première langue étrangère en s’appuyant sur les acquis de la langue d’enseignement puis, ensuite, de favoriser le passage à une seconde langue étrangère en s’appuyant à nouveau sur les connaissances des deux premières langues (Candelier et al., 2007). L’approche d’intercompréhension entre les langues, quant à elle, vise un travail comparatif entre les langues qui appartiennent à la même famille (langues romanes, slaves, germaniques, etc), dont la finalité vise à développer la capacité de compréhension de ces langues (Candelier et al., 2007).
1. Introduction |