La pluralité multidimensionnelle du changement dans les organisations est présentée de façon différente dépendamment des auteurs qui en font état. C’est qu’il existe plusieurs perspectives (objective versus subjective) traitant du sujet, en plus des multiples dimensions au changement organisationnel (état du changement, gestion du changement, mesure du changement) selon les objectifs des auteurs.
Pour Nicole Giroux (CH.7, 2011), il y a quatre perspectives au changement et à sa communication.
1- D’abord du point de vue fonctionnaliste qui se traduit par la communication du changement que l’on veut faire, le changement est considéré en tant qu’un projet. Il s’agit de la perspective objective où la communication du processus de changement a pour intention la diffusion et la mobilisation . Les auteurs qui utilisent cette approche définissent la communication comme un instrument au service de la performance et le changement comme un projet; Ses objectifs sont d’informer et de susciter l’adhésion au projet.
2- Ensuite, il y a le point de vue interprétatif dans une perspective subjective. Ce point de vue est décrit comme la communication de la signification du changement. Cette approche définit la communication comme l’expression de la signification de l’expérience et le changement comme une modification de cette signification. Dans cette perspective, les objectifs de la communication sont l’expression ainsi que la compréhension des réactions. En ce qui a trait au processus, il est de l’ordre du sensemaking19 et du sensegiving, ceux-ci sont définis par Gioia and Chittipeddi (1991) et repris par d’autres auteurs dont Anne-Marie Søderberg, professeure au département des communications et du management à l’École Commerciale de Copenhague, comme suit : (…) ’sensemaking’ has to do with meaning construction and reconstruction by the involved parties as they attempted to develop a meaningful framework for understanding the nature of the intended strategic change. ’Sensegiving’ is concerned with the process of attempting to influence the sensemaking and meaning construction of others toward a preferred definition of organizational reality (Gioia and Chittipeddi 1991: 442).
3- Dans un tout autre ordre d’idées, il y a le point de vue expressif. Celui-ci est associé à la perspective prescriptive où le changement est une modification des relations de pouvoir et la communication est un instrument de libération qui a pour objectif de libérer et d’exprimer les différences. De ce point de vue, le processus de changement repose sur la résistance, la révélation, la participation ou la création de solutions de rechange; il faut changer la communication.
4- Puis, Giroux (2011) présente dans un quatrième temps, le point de vue observatif qui relate à la perspective constructiviste. Ici, le changement est un phénomène émergeant cumulatif pouvant être positif ou négatif, on veut changer en communiquant. La communication elle, est une composante de l’organisation et du changement qui vise la négociation des objectifs et des pratiques. Le processus de changement relevant de cette perspective consiste en l’émergence, la variation, la contradiction, l’improvisation et au sensemaking collectif.
Évidemment, il existe de nombreux autres auteurs qui décortiquent le changement organisationnel utilisant d’autres perspectives. Et, ils sont tellement nombreux qu’il a bien fallu se limiter à ce qui semblait les plus appropriés dans le cadre de ce projet de recherche. Le choix de Giroux (2011) s’explique en quelques points. Dans un premier temps, elle couvre ce qui se rapproche le plus de la totalité des perspectives sur le sujet en un seul ouvrage, lui-même résumé sous forme de tableau. Aussi, grâce aux distinctions et explications qu’elle avance, il est possible de discriminer certaines perspectives sur la base d’arguments. De plus, le fait que les travaux de Giroux ne sont pas apparentés à une étude de cas particulier ou à un contexte immuable, permet de les appliquer plus largement en dehors de son ouvrage précis. Dans un dernier temps, la classification de Giroux (2011) peut servir aux études portraitistes puisqu’elle s’intègre dans la même attitude de description et non pas de jugement, ni de conseil. D’ailleurs, les auteurs et les portraits recensés s’inscrivent dans la classification de Giroux (2011) selon trois de ses quatre perspectives :
1- Perspective objective : Banham (2005), Zain & Kassim (2013), Wiesner & Poole (2011). Les auteurs cités ci-haut s’inscrivent dans la perspective objective principalement de par l’objectif fonctionnel de leurs travaux (mesure de la réalité objective) et par leur approche de projet de changement.
2- Perspective subjective : Michailova (2000), Hafsi, T. & Desmers, C. (1997). Pour ces auteurs, l’utilisation de la perspective subjective est visible dans leurs propres critères d’étude qui comprennent entre autres la culture et l’aspect de signification commune à partager (qualification de concepts dont la culture).
3- Perspective prescriptive : Collerette, P. & Schneider, R. (1996), Burke (2013). Les auteurs s’inscrivant dans cette perspective, tels que ceux identifiés ici, mettent de l’avant dans leur ouvrage leurs recommandations quant à la gestion d’un changement qui comptent, dans ce cas-ci, sur les pouvoirs et relations formels ou informels. Ils fournissent des explications visant à provoquer des modifications dans l’organisation.
Donc, le portrait du changement dans les organisations québécoises de 100 employés et plus s’inscrit dans la perspective objective pour son point de vue fonctionnaliste, sa structure de recherche (questionnaire) et son objet quantifiable, tout comme la thèse de Banham (2005). Le rapprochement entre ce mémoire et les travaux de Banham s’applique principalement dans la méthodologie. Également, l’essence même des objectifs de description et de mesure rapproche les deux ouvrages, de même que le constat d’une multitude de définitions du changement organisationnel.
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