Plasticité de la paroi chez des écotypes de la plante modèle Arabidopsis thaliana
Contraintes des variations d’altitude chez les plantes
Contexte du réchauffement climatique
La réponse des plantes au réchauffement climatique est récemment devenue un enjeu majeur, en raison de ses effets potentiels à la fois sur la biodiversité (Meehl et al. 2007), sur le secteur agricole et sur les populations. Les manifestations engendrées par ce réchauffement climatique sont diverses : modification des périodes saisonnières, changements de températures, occurrences plus élevées de stress abiotiques (froid, gelée, tempête, sécheresse, inondation, etc.) ; et les conséquences sont multiples : rendements agricoles de plus en plus variables, recrudescence des maladies, redistribution géographique des productions agricoles, etc. L’étude des variations phénotypiques liées à ces changements est donc devenue primordial. En montagne, le déplacement de plusieurs espèces de plantes vers des altitudes plus élevées a déjà été observé parallèlement à l’évolution des conditions climatiques (Beniston 2003).
La montagne, terrain d’étude privilégié
La montagne est un environnement de travail qui permet d’étudier un gradient naturel de stress abiotique. En altitude, les plantes sont exposées à des conditions plus extrêmes qu’en plaine. Elles sont soumises à de plus forts rayonnements UV, accompagnés d’une augmentation de l’intensité lumineuse, de températures extrêmes et d’une réduction importante de la saison végétative. La distribution de la végétation en milieu montagnard est caractérisée par un étagement graduel. On peut distinguer l’étage collinéen, représenté par une dominance de forêts de divers feuillus, l’étage montagnard, caractérisé par des forêts de sapins, hêtres et pins, l’étage subalpin, occupé majoritairement par l’épicéa, puis l’étage alpin, qui ne possède que des herbacées, et pour finir le nival, où l’on retrouve essentiellement des mousses et des lichens. Le niveau de ces étages n’est pas le même partout dans le monde : ainsi, l’étage alpin est situé aux alentours de 4 000 m à l’équateur, 2 200 m dans les Alpes, et au niveau de la mer aux pôles.Cette distribution écologique est notamment due au gradient de température qui décroît fortement avec l’altitude (0,5 à 0,8°C tous les 100 m) au cours de la période de végétation (Körner 2003). Par exemple, les précipitations sont fréquentes sous forme de neige durant la période de végétation à partir du niveau alpin, mais elles se font majoritairement sous forme de neige à l’étage nival. De plus, le climat de ces étages est très contrasté en fonction des latitudes où il est présent. L’hygrométrie est la composante d’altitude la plus variable en fonction des régions : il n’existe aucune tendance ou règle sur le gradient de précipitations en fonction de l’altitude (Fig. 2). On peut ainsi retrouver en région équatoriale (courbe E) une décroissance des précipitations en fonction de l’altitude, un optimum de précipitation en moyenne montagne en région subtropicale (courbe S), ou encore un gradient positif de précipitations en fonction de l’altitude en région tempérée (courbe t). De toutes les composantes climatiques, les précipitations et la saisonnalité exercent la plus grande influence sur la variation climatique d’une région (Körner 2007).
Comportement des plantes face à des changements d’altitude
La graduation des composantes du climat affecte fortement les plantes et leurs phénotypes. Cependant, cette plasticité phénotypique permettant l’adaptation à des environnements très changeants varie selon les espèces. On peut trouver des espèces avec des capacités d’acclimatation très importantes comme Heliotropium curassivicum, qui change son optimum thermique en fonction de la température du milieu où elle se trouve (de 20 à 40°C), tout en conservant sa capacité d’assimilation de l’eau et des nutriments, et donc sa capacité de croissance (Berry & Bjorkman 1980). D’autres espèces possèdent des écotypes ou variétés liés aux différentes conditions climatiques associées à leur répartition géographique. Ainsi, les individus d’une même espèce peuvent montrer des différences morphologiques importantes pour une meilleure réponse aux différentes conditions climatiques. Par exemple, le genre Camelina, montre une variation intra- et inter- spécifique importante de sa cuticule lui conférant une tolérance différenciée à la sècheresse (Tomasi et al. 2017). Une autre étude récente sur différents accessions de la graminée Setaria viridis montre une plasticité physiologique et phénotypique lorsqu’ils sont soumis à des stress hydriques et thermiques permettant de distinguer les accessions tolérantes et sensibles à ces stress (Saha et al. 2016). La graminée Festuca eskia présente une réduction de sa taille et de sa masse, et augmente sa surface foliaire lorsqu’elle est transplantée en altitude (Gonzalo‐Turpin & Hazard 2009). Mais les espèces adaptées à des conditions climatiques extrêmes possèdent une diversité de plasticité limitée. Ainsi Ranunculus glacialis, adaptée au milieu alpin, ne peut survivre en dessous de 2 400 m dans les Alpes (Streb et al. 2003). Ces différents cas ouvrent de nouvelle direction prometteuse en biologie évolutive et en biologie des systèmes grâce à l’étude des variants naturels, jointe à des études moléculaires et climatiques. Les espèces végétales ayant une large répartition géographique sont souvent constituées de populations qui peuvent présenter ces différences phénotypiques dues aux différentes pressions de sélections des divers habitats qu’elles occupent : A. thaliana fait partie de ces espèces possédant une répartition géographique mondiale.
Contexte général |