La maîtrise du comportement des structures et des assemblages est une nécessité croissante pour nombre de secteurs : nucléaire, aéronautique, ferroviaire, marine, plate-forme pétrolière, etc. Seule une connaissance approfondie des phénomènes intervenant dans le matériau utilisé et des facteurs influençant son comportement permet de choisir la modélisation adaptée aux conditions d’utilisation. Quelques matériaux ont été largement étudiés mais le besoin de modélisation demeure pour des matériaux plus récents ou « exotiques ».
L’acier inoxydable austéno-ferritique est un acier industrialisé de manière significative depuis une trentaine d’années. Il combine de bonnes propriétés mécaniques et une grande résistance à la corrosion. Son comportement mécanique en fatigue oligocyclique est encore mal connu. Des données existent, en particulier, sur son comportement en fatigue uniaxiale [Magnin 1988], [Mateo 1996], [Kruml 1997], [Moussavi 1997], et sur sa sensibilité à la fragilisation à chaud [Le Roux 1999], [Calonne 2001]. L’acier duplex forgé est biphasé, constitué d’environ 50 % d’austénite et 50 % de ferrite. Or plusieurs études ont montré la grande sensibilité du comportement plastique cyclique de l’austénite au trajet de chargement et à l’histoire de celui-ci. L’acier inoxydable austénitique, comme d’autres alliages tel le waspaloy, montre un fort sur-écrouissage sous chargement non-proportionnel. En revanche, les aciers inoxydables ferritiques sont très peu sensibles au trajet et à l’histoire du chargement.
L’objectif est ici d’étudier le comportement en plasticité cyclique d’un acier inoxydable austéno-ferritique afin d’être capable de prédire le comportement d’une structure. L’étude comporte trois étapes : l’observation et la description du comportement cyclique, la compréhension des phénomènes mis en jeu, et la simulation numérique de ces phénomènes. Nous mettrons tout particulièrement l’accent sur l’étude de l’influence du trajet et de l’histoire du chargement.
La compréhension des phénomènes mis en jeu lors de la plasticité cyclique nécessite des études supplémentaires, autres que les essais de fatigue macroscopiques. Deux axes sont possibles : l’étude de l’évolution des propriétés microstructurales du matériau (microdureté, systèmes de glissement, structures de dislocation, etc.) ou l’étude des grandeurs thermodynamiques et de leurs évolutions (variables d’écrouissage, quantité de chaleur, etc.) Nous avons choisi de nous intéresser à l’aspect thermodynamique du problème, en recherchant l’évolution des variables d’écrouissage lors des sollicitations cycliques. Nous avons pour cela mesuré la surface de plasticité à différents instants au cours de sollicitations cycliques.
Dans le domaine de la plasticité cyclique, de nombreux modèles ont été développés au cours des vingt dernières années. Ces modèles comportent souvent plus d’une vingtaine de paramètres. La question du choix de lois adaptées au problème posé et de la méthode de leur identification se pose alors de façon aiguë. Face à cette difficulté, nous confronterons les variables caractéristiques de certains modèles phénoménologiques de comportement aux observations expérimentales.
Les aciers inoxydables austéno-ferritiques sont des aciers récents puisqu’ils ne sont commercialisés en masse que depuis les années 1970. A ce titre, leur comportement en fatigue plastique est encore mal connu. Peu de travaux existent sur leur comportement en fatigue uniaxiale et aucun, à notre connaissance, en fatigue multiaxiale.
Les aciers ont en général une mauvaise résistance à la corrosion. De nombreuses tentatives ont été faites pour les protéger. Elles sont de deux types : ajout d’éléments à l’acier lors de la fusion ou dépôt d’une couche protectrice sur le produit fini. Les aciers inoxydables sont nés au début du 20e siècle. Leur résistance à la corrosion est due à une teneur en chrome d’au moins 12%. Ces aciers permettent de répondre aux problèmes de corrosion sévère (industrie chimique, eau de mer…) ainsi qu’à la corrosion douce lorsque toute contamination est interdite (industrie agroalimentaire, pharmacie, industrie nucléaire…). Ils permettent aussi de résoudre les problèmes d’aspect de surface en milieu atmosphérique (bâtiment, mobilier…).
A la fin du 19e siècle Brustlein et Boussingault ont, chacun de leur côté, mis en évidence le rôle du chrome sur la résistance à l’oxydation des alliages ferreux [Colombié 1991]. Au tout début du 20e siècle, Goldschmidt développe les premières nuances d’aciers inoxydables à bas carbone [Castro 1990]. Les grandes familles d’aciers inoxydables se développent progressivement. Dès 1909, les principales nuances de base d’aciers martensitiques, ferritiques et austénitiques connues actuellement sont élaborées. Il faudra attendre 1931 pour voir apparaître les premières nuances d’aciers austéno-ferritiques. Au contraire des aciers martensitiques qui sont formés par trempe de la phase austénitique, pour les nuances ferritiques, austénitiques et austéno-ferritiques, les transformations de phase ne touchent qu’une partie mineure du matériau. La phase principale reste principale. Leurs propriétés ne peuvent être améliorées par une trempe.
Les aciers inoxydables austéno-ferritiques ont été découverts par hasard, à cause d’une erreur dans la teneur en chrome d’un acier normalement austénitique. Ils ont une structure biphasée, formée d’austénite (γ) et de ferrite (α). Lors de la solidification, il semble que la phase ferritique apparaît d’abord et que la phase austénitique germe ensuite dans la phase . Une bibliographie détaillée peut être trouvée chez [Calonne 2001]. La structure finale se compose donc d’îlots d’austénite dans une matrice ferritique. Chacune des phases est polycristalline. Les fractions volumiques de ces deux phases dépendent non seulement de la composition chimique de l’acier considéré, mais aussi de ses conditions d’hypertrempe. Les aciers duplex subissent habituellement un traitement d’hypertrempe consistant en un maintien d’environ une heure à une température comprise entre 1000 et 1150°C suivi d’un refroidissement à l’eau. Plus la température du traitement thermique est élevée, plus la teneur en ferrite est importante [Desestret 1990]. Pour la résistance à la corrosion comme pour les propriétés mécaniques et la forgeabilité, la proportion optimale de ferrite se situe autour de 50% [Desestret 1990].
Les deux éléments d’addition principaux sont le chrome et le nickel. Le nickel étant un élément coûteux et géopolitiquement sensible, il a progressivement été remplacé par l’azote depuis une trentaine d’années. En effet, des progrès au niveau des procédés d’élaboration ont permis d’augmenter la solubilité de l’azote dans l’acier liquide sous pression partielle d’azote atteignant 50 bars [Lacombe 1990]. La stabilité structurale et la résistance à la corrosion s’en sont trouvées accrues [Desestret 1990]. Les utilisations des aciers inoxydables duplex se sont alors multipliées.
Les propriétés des aciers duplex sont dues, pour la plupart, à la structure biphasée de l’alliage. Ils combinent favorablement les propriétés mécaniques et de corrosion des aciers austénitiques et ferritiques. Ceci se traduit par une limite d’élasticité élevée (entre 200 et 600 MPa) alliée à une ductilité satisfaisante (25 à 15%) [Desestret 1990]. La résistance à la rupture peut atteindre 850 MPa, pour des aciers duplex contenant 80% de ferrite [Desestret 1990]. Contrairement aux aciers ferritiques, ils n’ont pas de transition brutale ductile-fragile, ils peuvent donc être utilisés sans précautions particulières jusqu’à –50°C [Bavay 1990]. Les aciers duplex ont une grande résistance à la corrosion, en particulier en milieu agressif (acide, chloré ou marin). Ils possèdent, de plus, une excellente coulabilité, c’est pourquoi ils constituent la majorité de la production de pièces moulées en acier inoxydable. La production de tôles fortes ou minces, de produits longs ou de tubes est moins développée en raison des précautions particulières à mettre en œuvre, car la teneur en ferrite et la taille de grain visées dépendent étroitement des conditions de refroidissement .
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