Choix et acteurs du maintien à domicile
Les personnes vieillissantes, par leurs pertes de capacités fonctionnelles et cognitives,bénéficient d’une majoration de l’aide familial. Le domicile est considéré comme la solution répondant aux besoins de la personne dépendante. Lorsque la mise en institution n’est pas d’actualité, différents prestataires peuvent intervenir pour le maintien à domicile, objectif des plans Alzheimer. Ils permettent d’apporter aux personnes dépendantes, un accompagnement et l’aide nécessaire à la réalisation des gestes de la vie quotidienne, mais aussi tous les soins indispensables au maintien de leur état de santé.
Certaines spécificités de la maladie d’Alzheimer compliquent l’accompagnement des professionnels concernés, dans le secteur sanitaire et médico-social : l’anosognosie, les troubles du comportement et de l’humeur et leur variabilité dans le temps rendent la prise en charge imprévisible. À des stades plus avancés, les troubles de la communication limitent les échanges avec les professionnels. (27)
Par ailleurs, plus que dans d’autres maladies chroniques, l’aidant familial occupe une place privilégiée dans l’accompagnement des malades : il devient, à mesure que la maladie évolue, l’interlocuteur principal des professionnels concernés et peut exprimer également des besoins d’accompagnement ou de prise en charge spécifiques liés ou non à l’aide apportée à leur proche malade. (17) (INSEP) (28)
Choix et compréhension du conjoint, aidant familial
La personne en situation de handicap doit avoir à tout moment la possibilité de choisir son aidant non professionnel dans sa famille. Si elle n’est pas à même d’exprimer ce choix, tout doit être fait pour que sa volonté soit respectée. Réciproquement, l’aidant familial doit pouvoir choisir d’accomplir son rôle d’aidant à temps plein ou à temps partiel en conciliant éventuellement ce rôle avec une activité professionnelle. Ce choix doit être libre et éclairé, et doit pouvoir être réévalué à tout moment. (Charte Européenne de l’aidant Familial). La loi du 11 février 2005 a constitué une avancée majeure dans la prise en charge des besoins de compensation du handicap. Elle reconnaît en outre la place et le rôle des aidants familiaux.
Aujourd’hui, en France 4 million de personnes sont des aidants familiaux et aident un proche dépendant, malade ou en situation de handicap. (29) Selon la Charte Européenne de l’Aidant Familial, il est souvent un conjoint mais peut être à l’occasion un enfant, un parent, cohabitant ou non avec la personne aidée.
La maladie bouleverse l’écosystème familial. « Cet aidant subit les conséquences de la maladie de son parent puisque sa qualité de vie et sa santé s’altèrent. La population des aidants est une population fragilisée… » M.E Joël. La prise en charge familiale repose classiquement sur une seule personne, dans 80% des cas il s’agit des conjointes. (31) Les hommes assurent plus facilement le rôle d’aidant secondaire ou de co-aidants.
La notion de fardeau
Le terme de fardeau est utilisé pour désigner la charge qui pèse sur l’aidant familial. Il existe des outils qui permettant d’en évaluer la sévérité. Le plus répandu est l’échelle de Zarit, soit l’inventaire du fardeau. Il s’agit d’une échelle unidimensionnelle qui permet l’évaluation de la charge matérielle et affective, reflétant ainsi la souffrance de l’aidant, mais sans identifier précisément ses besoins. Elle est constituée de 22 items explorant le retentissement de la maladie sur la qualité de vie de l’aidant : souffrance psychologique et morale, difficultés financières, honte, difficultés dans les relations sociales et familiales, et culpabilité. (33)(Cf. Annexe 4)
La prise en charge quotidienne d’un patient présentant des troubles cognitifs et vivant à domicile est assumée le plus souvent par la conjointe comme nous l’avons vu précédemment. Cette prise en charge a des répercussions importantes sur la santé tant physique que psychologique. Beaucoup d’entre elles présentent des symptômes d’épuisement, de stress et de dépression. L’épuisement de l’aidant familial va conduire le plus souvent à l’institutionnalisation du patient.
L’accompagnement de l’aidant
Selon les éléments de pratique probante de l’ANFE, la majorité des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée vivent à domicile et sont aidées par leur proches, dont la santé psychologique et physique est fragile, en raison des responsabilités qui sont associées aux soins.(37) Les patients atteints de maladies neurodégénératives sont ceux qui pèsent le plus lourd dans la charge ressentie par l’aidant. Néanmoins, le vécu de ces mêmes troubles varie selon la personnalité de l’aidant. La prise en charge du patient présentant une maladie d’Alzheimer ou une pathologie apparentée doit donc impérativement tenir compte de la relation patient-aidant et élaborer des stratégies d’aides adaptées aux binômes. (31) Il est nécessaire pour ces familles de faire le deuil de celui que le malade était et de construire d’autres modes de relations intra-familiales. Certaines informations de prise en charge sont données par le biais des pouvoirs publics ou des associations. L’information se manifeste sous forme d’écrit ou sous forme de groupes de parole.
Depuis 1995, la commission européenne finance un programme de formation et de soutien aux aidants dont l’objectif est de reconnaître la personne atteinte de démence comme un sujet vivant en relation avec son entourage et de trouver des manières d’être et de vivre avec cette personne. En Suède, l’aidant peut être salarié par la municipalité de son domicile.
C’est un concept qui pour l’instant reste unique.
Plan Alzheimer 2015/2019
Face au nombre grandissant de personnes touchées par la maladie d’Alzheimer en France, plusieurs plans nationaux de santé publique ont successivement été lancés en France depuis 2001, pour lutter contre cette maladie.
Les deux premiers plans 2001/2005 puis 2004/2007 avaient pour objectifs de faciliter le diagnostic, la prise en charge et d’améliorer la qualité de vie des patients et de leur entourage.
Ce n’est que depuis le Plan présidentiel de lutte contre la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées 2008-2012, qu’une dimension « recherche » a été associée aux axes sanitaire et médico-social.
En décembre 2014, le plan 2015/2019 a été publié dans sa quatrième version. Ce nouveau plan est dédié aux maladies neurodégénératives, intégrant la maladie de Parkinson et de la sclérose en plaques aux côtés de la maladie d’Alzheimer.
Le rôle de l’ergothérapeute
« L’ergothérapeute en tant que professionnel de santé s’intéresse à la personne dans sa globalité. Plus spécifiquement il aide les patients et les familles à comprendre les conséquences de la maladie d’Alzheimer sur le fonctionnement quotidien de la personne ».
Il contribue à trouver des façons de compenser les limites et de conserver l’autonomie, à favoriser le maintien des capacités de participation aux activités de la vie quotidienne, en stimulant les capacités cognitives restantes et en renforçant les stratégies compensatoires.
L’ergothérapeute doit pouvoir faire preuve de patience, d’empathie et d’énergie pour pouvoir construire une relation de confiance avec le patient. Cette relation ne doit pas s’arrêter à la seule personne âgée mais également à son entourage.
L’intervention de l’ergothérapeute au domicile du patient
75 % des personnes âgées Alzheimer vivent chez elle et le maintien à domicile reste un des objectifs principaux du plan Alzheimer 2014/2019. Cette prise en charge à domicile par l’ergothérapeute est basée sur une évaluation précise des situations de handicap et de dépendance du patient en fonction des troubles qu’il présente, au niveau comportemental et cognitif. Cette évaluation permet une action ciblée sur les déficits observés en mettant en oeuvre plusieurs techniques ergothérapiques.
La perte d’autonomie est trop souvent considérée comme une évolution inéluctable du sujet dément ou en décompensation posturale et motrice. Les techniques développées par les ergothérapeutes sont diverses afin de couvrir tous les facteurs intervenant dans la production du handicap, l’entraînement des fonctions, l’apprentissage de compensations, l’éducation des aidants, les modifications de l’environnement et les aides techniques.
L’ergothérapeute recueille et analyse les besoins et les souhaits, les habitudes de vie et l’environnement. Il établit un diagnostic qu’il est amené à réajuster au fur et à mesure de son accompagnement. Les situations à risque sont évaluées et des solutions sont proposées aux personnes. Cela concerne toutes les personnes âgées, mais aussi les proches aidants.
Plusieurs études exposées par l’ANFE en mars 2017 ont montré l’importance de l’intervention des ergothérapeutes au domicile du patient. Une étude randomisée de Maud Graff en 2006, sur cent trente cinq personnes âgées présentant une démence légère à modéré, démontre que dix séances d’ergothérapie pendant cinq semaines, incluant des modifications de l’environnement, ont eu des effets significatifs et positifs au-delà de trois mois après l’intervention.
De quelle manière l’ergothérapeute peut agir sur l’aidant familial pour retarder le plus possible la mise en institution d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer ?
Programme COTID
Le programme COTID est un programme centré sur la personne, “individu unique”. Il s’appuie sur deux approches : l’approche client-centrée et l’approche systémique. (2) L’approche thérapeutique centrée sur la personne prend les activités comme point de départ. Cette approche permet de rechercher des solutions aux situations vécues comme problématiques par le patient et l’aidant. Elle permet d’inciter la personne atteinte de démence à s’impliquer, à se motiver, à participer à son quotidien en faisant référence à ses propres valeurs, ses habitudes de vie, à son histoire de vie afin de maintenir son engagement dans le quotidien avec l’aidant. L’objectif est bien-sûr d’améliorer sa qualité de vie et celle de l’aidant, de maintenir une autonomie et de développer les compétences de la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer.
L’approche systémique est une technique narrative, axée sur les interactions entre les différents acteurs et par cette approche une personne est déterminée par son environnement.
La perception de l’aidant dans son rôle est aussi en considération, car il permet de comprendre le récit de sa vie en matière d’occupation et de capacité de prise en charge. Il permet aussi à l’ergothérapeute de prendre conscience de la valeur des soins apportés à la personne atteinte de la maladie d’Alzheimer, de ses habitudes de vie et de son engagement dans le quotidien.
L’objectif est d’améliorer les capacités de l’aidant à résoudre des problèmes en les définissant et en limitant les conséquences. L’ergothérapeute apporte son soutien à l’aidant en lui proposant des informations, des conseils, tout en procurant un soutien émotionnel.
L’expérience aidant/aidé est le point de départ pour l’ergothérapeute. Celui-ci a une meilleure vision de la situation d’ensemble. « Quels peuvent être les problèmes, qu’est-ce-qui se passe précisément ? » « Comment faites-vous ensemble cette activité ? » « Que ressentez-vous lorsque vous la faites ? » De ces questions ressortiront en plus du plan de traitement, des stratégies de changements, de nouvelles façons de faire aussi bien pour l’aidé que pour l’aidant, qui seront évoquées lors d’un entretien avec la personne atteinte de démence, de l’aidant et de l’ergothérapeute. Des projets d’aménagements, d’adaptations de l’environnement et d’accompagnements sont aussi partagés avec l’aidant et l’aidé pour qu’ils s’approprient les aides de leur quotidien.
Enquête exploratoire
Pour cette enquête exploratoire, j’ai créé un questionnaire de onze questions destiné aux aidants familiaux de personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer. Mes questions ciblent principalement ce que pensent, ce que ressentent, ce que vivent et ce que possèdent les aidants. Je vais donc analyser les réponses de chaque personne et toutes les mettre en lien par question.
En quoi l’accompagnement des aidants familiaux par l’ergothérapeute est un outil pour le maintien au domicile d’une personne âgée atteinte de la maladie d’Alzheimer ?
Cadre conceptuel
Modèle systémique
Le modèle systémique « est centré sur le système et sur les interactions entre les acteurs du système ». Le système est une totalité organisée. L’individu ne peut pas être abordé seul. Il est forcément en relation avec le système dans lequel il vit. (48) La personne est donc définie par son environnement matériel et humain. (2) Chaque acteur du système a une influence sur l’autre, ils sont considérés comme un ensemble. Il est important de prendre en compte leurs paroles, leurs besoins et leurs souhaits afin que l’ergothérapeute propose une intervention adéquate et pertinente. Le programme COTID est établi sur cette approche (2), le thérapeute reconnaît les compétences de l’aidant et cherche à les développer d’avantage.
L’objectif de ce modèle est de mieux comprendre les interactions entre le patient, sa famille (soit l’aidant familial) et l’ergothérapeute. C’est ainsi que les failles du système peuvent être repérées, ce qui engagera un processus thérapeutique adapté. Ce modèle est particulièrement applicable lorsqu’une maladie grave bouleverse le fonctionnement familial et ses acteurs.
La maladie d’Alzheimer s’avère être la maladie grave. Elle perturbe le cercle familial ; celui-ci est alors remodelé. L’intervention ergothérapique permet dans un premier temps de comprendre l’organisation de ce nouveau système. Ensuite un plan d’action peut être mis en place une fois que le rôle et la fonction de chacun des membres est clairement défini. À travers une démarche d’éducation participative, l’ergothérapeute permet d’adapter son accompagnement aux justes besoins de l’aidant et de l’aidé, de prévenir les troubles du comportement et également de les préserver.