Place et rôle des technologies dans l’enseignement et l’apprentissage du calcul soustractif en CE2

Dans cette thèse, nous cherchons à cerner les enjeux de l’enseignement du calcul à l’école élémentaire et à déterminer des conditions qui permettraient d’améliorer son apprentissage. Nous nous intéressons aux techniques de calcul soustractif, mental et posé en colonnes, mises en œuvre par les élèves en CE2. Avant de préciser notre questionnement, et de donner le plan de l’étude, nous présentons les motivations professionnelles qui nous ont incitée à choisir ce sujet et à le traiter, en utilisant principalement le cadre de la Théorie Anthropologique du Didactique (TAD).

Pendant deux années consécutives, de 2008 à 2010, nous avons animé, en tant que formatrice à l’Institut Universitaire de Formation des Maitres de l’académie d’Amiens, un stage de formation continue dont l’intitulé était « lire, écrire, calculer » au cycle 2. Ce stage, répondait à une commande au niveau du plan académique de formation de l’Oise, en lien avec la diffusion des nouveaux programmes d’enseignement pour l’école primaire. Ces programmes (bulletin officiel n°3 du 19 juin 2008), contrairement à ceux de 2002, n’étaient pas accompagnés de documents d’application. Le stage devait, dans ce contexte amener les enseignants à concevoir des programmations éventuelles pour atteindre les objectifs fixés par niveau et les aider à préciser les attentes institutionnelles en termes de contenus d’enseignement. Les enseignants titulaires qui participaient au stage étaient remplacés un jour par semaine sur six mois par des stagiaires affectés en responsabilité dans leurs classes.

Un autre changement, l’arrivée d’évaluations nationales en 2009, en fin de CE1 et début CM2, préoccupait les professeurs des écoles, en particulier ceux qui enseignaient en CE1. Ils se demandaient comment faire pour « finir » le programme dans les temps et enseigner des notions qui auparavant relevaient du cycle 3. Nous nous souvenons avoir été particulièrement interpellée par l’enseignement d’une technique relative à la soustraction en cycle 2 et ce dès le CP ….. . Beaucoup parmi les enseignants se posaient la question du choix de la technique, d’autres se demandaient comment l’introduire, d’autres encore à quel moment de l’année l’introduire.

Ce changement de programme, minime en apparence, focalisait l’attention et la réflexion de tous les acteurs sur un objet d’enseignement isolé et singulier. Une grande difficulté que soulèvent d’ailleurs les programmes, et qui, pourtant, semble inévitable au vu de leur communication à des professionnels et des non professionnels de l’éducation et de leur diffusion à grande échelle, est liée à leur découpage. Pour une même discipline, on trouve plusieurs domaines, et dans chaque domaine, plusieurs thèmes qui rassemblent différents sujets d’étude. Dans cette hiérarchisation, il n’est pas si simple d’établir des liens entre les sujets d’études d’un même thème, et de trouver des liens d’un thème à un autre. L’avancée d’un an de l’apprentissage d’une technique opératoire perturbe les équilibres entre les sujets d’étude propres au calcul mental, et réinterroge les liens entre calcul mental et calcul posé. Donc, un petit changement en apparence, soulève le problème de l’atomisation des savoirs, exprimé en ces termes par Chevallard (2003) :

« Le fait que, comme tel – non par exemple en tant que le noosphérien qu’il peut être par ailleurs –, le professeur de mathématiques ne soit pas amené à situer les thèmes qu’il enseigne dans les secteurs et les domaines que dessine le programme, le conduit à faire défiler ces thèmes, et les sujets qui leur sont associés dans le cours d’études, les uns après les autres, à la queue leu leu : la « statistique », par exemple, n’est alors rien d’autre que la succession des sujets et thèmes de « statistique » ; et de même pour la géométrie, l’algèbre, etc. Une telle atomisation de la matière à étudier contraste déjà formellement avec l’ambition originelle dont pourtant elle procède – enseigner « les mathématiques », « la statistique », « la géométrie », « l’algèbre », etc. » (Chevallard, 2003, p.3)  .

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Pour avancer sur la question de l’enseignement du calcul soustractif, nous connaissions un ensemble de résultats sur l’enseignement et l’apprentissage du calcul mental en France, et d’autres résultats provenant d’études sur l’enseignement et l’apprentissage du calcul posé en colonnes (nous y reviendrons au chapitre 1). A notre connaissance, aucune recherche ne traitait du calcul soustractif dans sa globalité. De là, l’idée de nous documenter davantage, de chercher dans des revues internationales, comment la question était traitée, et, au besoin, d’approfondir le sujet, d’en programmer l’étude.

Les professeurs que nous avons rencontrés conçoivent très bien les difficultés de leurs élèves en calcul posé et voudraient les contourner. D’où leurs hésitations dans le choix de l’algorithme de la soustraction à enseigner. D’un autre coté, leurs demandes propres à l’enseignement du calcul mental sont peu nombreuses. A partir du moment où leurs élèves connaissent les tables d’addition et de soustraction, les compléments, et arrivent à effectuer des calculs simples (soustraire un nombre inférieur à dix, soustraire un multiple de dix), ils ne cherchent pas à questionner les techniques utilisées ni à développer les technologies.

Dans la mesure où nous pensons qu’il n’est pas souhaitable de dissocier calcul mental et calcul posé, et de privilégier (voire négliger) un type de calcul par rapport à l’autre, le choix de l’algorithme de la soustraction arrive en second plan. L’essentiel est d’amener les élèves à utiliser les propriétés des nombres et des opérations, pour mettre en place, puis, peu à peu, maîtriser un ensemble de techniques. Si l’algorithme de la soustraction basé sur la propriété de conservation des écarts est choisi, cela semble cohérent que la propriété de conservation des écarts soit également travaillée en calcul mental.

Table des matières

INTRODUCTION
I. Genèse de la recherche : des constats de formateur
II. Présentation du sujet de la thèse
III. Plan de la thèse
CHAPITRE 1 : Questions initiales
I. Contexte de la recherche
I.1. Les attentes institutionnelles
I.1.1. Au niveau du calcul posé
I.1.2. Au niveau du calcul mental
I.1.3. Au niveau des évaluations nationales CE1
I.2. L’enseignement du calcul posé de la soustraction
I.2.1. Trois techniques opératoires de la soustraction
I.2.2. Les choix des auteurs de manuels et d’ouvrages
I.3. Pratiques des élèves
I.3.1. Au niveau du calcul posé en colonne
I.3.2. Au niveau du calcul mental
II. Questionnement et cadre théorique
CHAPITRE 2: Références épistémologiques sur le calcul soustractif et son enseignement
I. Transposition didactique et TAD
I.1. Notion de savoir savant de référence
I.2. Notion de praxéologie
I.3. Notion d’ostensif
II. Etude des savoirs savants de référence
II.1. Nombres entiers et addition selon Bezout (1764) et Reynaud (1821)
II.2. Nombre entiers et addition dans la théorie des ensembles (fin du XXe siècle)
II.3. Nombres entiers et addition selon Peano (début XXIe siècle)
II.4. Nombres entiers et addition selon Lebesgue (1915)
III. Étude des savoirs à enseigner de référence
III.1. Les raisons d’enseigner le calcul additif et soustractif
III.1.1. La valence épistémique du calcul
III.1.2. La structure des situations additives
III.2. L’enseignement des techniques de calcul mental
III.2.1. Les enjeux de l’enseignement du calcul mental
III.2.2. Notions de flexibilité et d’adaptabilité
III.2.3. Classements des techniques de calcul mental additif
III.2.4. Proposition de classement pour le calcul soustractif
III.2.5. Degré d’adaptabilité du calculateur
III.3. L’utilisation des ostensifs
III.3.1. Les désignations des nombres
III.3.2. Les arbres de calcul
III.3.3. Les droites numériques
IV. L’enseignement d’un algorithme de la soustraction
IV.1. Les raisons d’enseigner un algorithme de la soustraction
IV.2. Etude de différents algorithmes de la soustraction
IV.2.1. Approche historique : étude de Ross et Pratt-Cotter (1997)
IV.2.2. Consultation de manuels anciens
V. Conclusion de l’étude épistémologique et didactique
CONCLUSION

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