Physiologie de la mélatonine

Physiologie de la mélatonine

En 1958, Lerner et ses collaborateurs ont montré que des extraits de glande pinéale bovine produisaient un éclaircissement de la peau chez les grenouilles et les lézards, suite à l’agrégation des granules de mélanine. La nouvelle hormone de ce fait fût appelée mélatonine. La mélatonine, ou N-acétyl-5-méthoxytryptamine, est synthétisée et sécrétée par la glande pinéale uniquement la nuit (Pour revue: Borjigin et al., 1999; Cardinali, 1981; Reiter, 1991). Depuis sa découverte, de nombreuses études ont permis d’identifier les cibles cérébrales ainsi que les effets physiologiques associés à la mélatonine. De nombreux rôles lui sont attribués, le principal étant son implication dans la synchronisation des rythmes circadiens et circannuels, en particulier pour traduire au niveau central la durée de la nuit.

L’hormone

Transmission de l’information lumineuse en rythme de sécrétion de mélatonine chez les mammifères

La glande pinéale, ou épiphyse, est une structure cérébrale unique et médiane, innervée par de nombreuses fibres nerveuses. La principale, étant la voie nerveuse multi-synaptique reliant la rétine à la glande pinéale en passant notamment par les noyaux suprachiasmatiques (NSC),sièges de l’horloge biologique interne (Tamarkin et al., 1985). Le parcours de l’information photique peut se diviser en plusieurs étapes. Dans un premier temps, le message nerveux est transmis de la rétine jusqu’aux NSC. Dans un second temps, l’information est véhiculée jusqu’à la glande pinéale via différents noyaux hypothalamiques et extra-hypothalamiques (Figure 1).

Le tractus rétino-hypothalamique

Chez les mammifères, la rétine participe majoritairement à la perception de l’information lumineuse. Le signal perçu par la rétine est alors transmis directement aux NSC principalement via le tractus rétino-hypothalamique (Moore, 1995; Moore and Lenn, 1972). La population de cellules photosensibles qui captent les photons s’est élargie au-delà des cônes et des bâtonnets (Lucas et al., 1999), à une sous-population de cellules ganglionnaires rétiniennes intrinsèquement photosensibles. Ces cellules ganglionnaires rétiniennes expriment un photopigment, la mélanopsine, en réponse à une stimulation lumineuse (Hattar et al., 2002). Ces cellules ganglionnaires rétiniennes intrinsèquement photosensibles participent à la détection de l’irradiance, correspondant à l’intensité de la lumière ambiante mais pas à la détection de l’image (Pour revue: Peirson et al., 2009; Thapan et al., 2001). Les cellules ganglionnaires rétiniennes se projettent vers les noyaux suprachiasmatiques. Les principaux neurotransmetteurs de la voie rétino-hypothalamique sont le glutamate et le PACAP (pituitary adenylate cyclase activating polypeptide) (Pour revue: Hannibal, 2002). Une autre voie nerveuse, permettant le cheminement de l’information photopériodique, relie la rétine aux noyaux suprachiasmatiques via le feuillet intergéniculé latéral du thalamus, appelé tractus géniculo-hypothalamique. Les neurotransmetteurs impliqués sont l’acide γaminobutyrique (GABA), le neuropeptide Y (NPY), l’enképhaline et la neurotensine (Card and Moore, 1982; Moore and Speh, 1993; Morin, 1992; Morin and Blanchard, 2001). Avant d’atteindre les NSC de l’hypothalamus, l’information photique peut également transiter via le noyau du raphé où la sérotonine est le neurotransmetteur principal (Pickard, 1982). 

Les noyaux suprachiasmatiques et les gènes de l’horloge

 Les NSC sont une structure paire de l’hypothalamus antérieur située au dessus du chiasma optique et de part et d’autre du troisième ventricule au niveau du récessus pré-optique. Cette strucuture est considérée comme le générateur central des rythmes circadiens (Reppert et al., 1981). En effet, des lésions des NSC entraînent la disparition de quelques rythmes circadiens, tels que le ryhtme de sécrétion de la MLT (Tessonneaud et al., 1995) alors que la transplantation des NSC fœtaux restaure la rythmicité circadienne des animaux avec les caractéristiques du rythme du donneur (LeSauter and Silver, 1998; Turek et al., 1984). Ces noyaux présentent une organisation caractéristique retrouvée chez tous les mammifères. Schématiquement, la partie dorso-médiane, appelée également coquille (ou shell), est à l’origine de la plupart des efférences des NSC et la partie ventro-latérale, appelée cœur (ou core), est impliquée dans l’intégration des signaux photiques et non-photiques puisqu’elle reçoit les afférences des NSC (Figure 2). Ces deux zones présentent un phénotype neuropeptidique spécifique. Au niveau de la coquille, sont présents des neurones à vasopressine, alors que des neurones à peptide vasoactif intestinal (VIP pour vasoactive intestinal peptide) et à peptide libérant la gastrine sont détectés dans le cœur (Dardente and Cermakian, 2005). Chez les mammifères, il a été montré que les NSC possèdent un rythme endogène circadien (Pour revue: Ralph and Hurd, 1996; Turek, 1998). Le mécanisme générateur des rythmes circadiens est intrinsèque à chaque cellule des NSC. Il est admis que chaque neurone des NSC correspond à une unité rythmique avec son propre rythme d’oscillation synchronisé avec celui des neurones voisins (Reppert and Weaver, 2001; Welsh et al., 1995). Afin de suivre l’oscillation individuelle de ces cellules, les neurones des NSC ont été transfectés avec un gène rapporteur codant pour une protéine « horloge », PER2 fusionnée à la luciférase. Ainsi il est possible de suivre les oscillations circadiennes d’expression de gènes « horloge » mais aussi les oscillations circadiennes de décharges neuronales générées par les neurones des NSC en culture (Liu et al., 2007; Welsh et al., 2010). Des études mesurant l’expression des protéines « horloges » et l’activité électrique des NSC suggèrent, que contrairement au cœur, la coquille possède une rythmicité (Aton et al., 2006). Ces résultats donnent une idée de la complexité des mécanismes mis en jeu lors de la synchronisation des NSC et focalisent l’attention sur l’importance de l’organisation des ces noyaux. La nécessité d’une communication entre les parties ventrolatérale et dorsomédiane dans la synchronisation de l’horloge a été proposée (Yan and Silver, 2002). L’information lumineuse permet de synchroniser cette activité oscillatoire exactement sur 24h. Cette horloge biologique interne repose sur la régulation synchrone de gènes appelés « gènes horloges ». Des études récentes ont permis d’établir un modèle précisant la contribution de ces gènes dans l’horloge (Figure 3). Ce modèle se base sur des boucles de rétro-contrôle positives et négatives qui mènent à l’établissement d’un rythme des niveaux d’expression des ARNm et des protéines de l’horloge. Les facteurs de transcription CLOCK et BMAL1 agissent comme des régulateurs positifs, alors que les protéines PERIOD (PER1, PER2 et PER3) et les protéines CRYPTOCHROME (CRY1 et CRY2) agissent comme des régulateurs négatifs. Un hétérodimère CLOCK/BMAL1 se forme et est transporté dans le noyau où il agit comme stimulateur de la transcription de gènes possédant des motifs ε-box dans leur promoteur. Les gènes Period (Per1-3), Cryptochromes (Cry1-2) et Rev-erbα (codant pour un membre de la famille des récepteurs nucléaires orphelins) possèdent ces motifs particuliers dans leur promoteur. Les protéines PER et CRY s’hétérodimérisent et sont à leur tour transloquées dans le noyau afin de réprimer l’activité transcriptionnelle du complexe CLOCK/BMAL1. La protéine Rev-erbα agit comme inhibiteur de la transcription du gène Bmal1, alors qu’un autre récepteur nucléaire RORα l’inhibe. Les translocations nucléaires ainsi que la stabilité des dimères sont dépendantes des modifications post-traductionnelles, en particulier des phosphorylations par diverses kinases (comme les caséines K Iδ et Iε). Le dimère CLOCK/BMAL1 stimule également la transcription d’autres gènes possédant des motifs εbox dans leur promoteur; l’expression de ces gènes est contrôlée par l’horloge ce qui assurent les sorties physiologiques de celle-ci. Les études sur cette boucle de régulation sont très récentes, et par conséquent, le rôle de certaines protéines reste encore à élucider (RORα, DEC1-2, TIM, NPAS2 et BALM2).

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Le relais hypothalamo-pinéalien

 Les neurones des NSC se projettent d’une part vers la glande pinéale, pour réguler la sécrétion de la mélatonine et d’autre part, vers l’axe hypophyso-surrénalien en vue de moduler la sécrétion de corticostérone. La projection hypothalamo-pinéalienne nous intéresse plus particulièrement puisqu’elle est impliquée dans la régulation de la sécrétion de la mélatonine. Les fibres issues des NSC se projettent donc vers la glande pinéale en passant par les noyaux paraventriculaires hypothalamiques. Ces noyaux paraventriculaires correspondent à un relais essentiel de l’information lumineuse, puisqu’une lésion de ceux-ci entraîne l’abolition, dans la glande pinéale, du rythme de synthèse de la mélatonine. Le GABA, et le VIP sont retrouvés à ce niveau comme neurotransmetteurs (Kalsbeek et al., 1995; Moore and Speh, 1993; van der Beek et al., 1994). Après avoir transité par les noyaux paraventriculaires, le message nerveux est conduit jusqu’aux noyaux intermédio-latéraux de la moelle épinière thoracique, pour revenir ensuite aux ganglions cervicaux supérieurs. Finalement, l’information est transmise via les neurones sympathiques postganglionnaires du nerf marginal, à la glande pinéale. La  norépinéphrine relarguée par ces fibres ganglionnaires active les récepteurs α1 et β1 adrénergiques des pinéalocytes, induisant la production de seconds messagers comme l’adénosine monophosphate cyclique (AMPc) ainsi que l’activation de l’arylalkylamine Nacétyl-tranférase (AANAT), enzyme limitante à la synthèse de la mélatonine (Figure 4). 

La glande pinéale 

La glande pinéale est une évagination du toit du diencéphale. Sa morphologie et sa position anatomique sont assez différentes d’une espèce à une autre mais l’origine embryonnaire est commune (Vollrath, 1979) (Figure 5). Chez les mammifères, elle est composée en majorité de cellules neuro-endocrines, les pinéalocytes, qui ne sont pas directement photosensibles mais qui possèdent de nombreux photorécepteurs, comme la rhodopsine-kinase (Zhao et al., 1999), l’opsine (Foster et al., 2003) et l’antigene-S (Mirshahi et al., 1984). La glande pinéalienne est composée également d’une faible proportion de cellules gliales, de neurones et de cellules phagocytaires.Chez les vertébrés inférieurs, la glande pinéale est photosensible. Ce tissu est hautement vascularisé (Duvernoy et al., 2000). La mélatonine est directement relarguée dans la circulation sanguine et dans le liquide cérébro-spinal. 

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