Depuis une trentaine d’années, le niobate de lithium LiN bO3 (LN) est devenu l’un des matériaux les plus utilisés pour la réalisation de dispositifs acoustiques, électro-optiques, et optiques non linéaires..
On trouve ce matériau partout dans notre vie quotidienne : par exemple sous forme de modulateur optique dans les systèmes de communication ou sous forme de filtre acoustique de surface (SAW) dans les téléphones cellulaires. A ce jour, on produit des tonnes de niobate de lithium dans le monde. La société Crystal Technology en produit, à elle seule, 60 tonnes par an.
En raison de ses intéressantes propriétés piézo-électriques, optiques non linéaires, électro-optiques et surtout holographiques, le niobate de lithium a fait l’objet de très nombreuses études, thèses et publications. Le but principal des études optiques actuelles est la compréhension de l’interaction entre le matériau et le faisceau laser qui le traverse, en relation avec les défauts présents naturellement ou ajoutés intentionnellement. En fait, même dans les cristaux de LN nominalement purs, apparaissent des effets photo-induits (photoréfractivité, effet photovoltaïque, photoconduction, absorption photo-induite, photoluminescence) principalement dus à la présence de centres intrinsèques (associés à des défauts ponctuels) ou extrinsèques (associés à des impuretés non intentionnelles). Parmi ces défauts, on s’intéresse à l’électron piégé sur un antisite de niobium N bLi et formant un polaron lié, noté N b4+Li . Ce centre peut être qualifié de » superficiel » dans la mesure où son niveau électronique ne se situe qu’à environ 0,8 eV du bas de la bande conduction (ce qui est peu en comparaison de la plupart des centres extrinsèques). Il est responsable d’une large bande d’absorption photo-induite (API) dans le rouge et le proche infrarouge, ainsi que d’une bande de luminescence légèrement décalée en longueur d’onde par rapport à la bande d’API.
Les polarons liés aux antisites jouent un rôle important dans le stockage holographique. Puisqu’ils sont sensibles à la lumière rouge ou proche infrarouge, on peut utiliser cette gamme de longueurs d’onde pour inscrire des hologrammes. Par ailleurs, les polarons (libres ou liés) sont susceptibles de participer aux phénomènes de transport de charges, ce qui remet en question les modèles simples basés sur les centres profonds (en particulier le modèle à un centre de Kukhtarev). Il est donc nécessaire de développer des modèles plus élaborés pour décrire les mécanismes de transport, et pour cela de disposer de nouveaux éléments relatifs aux processus de photo-excitation des polarons.
Des études antérieures menées au laboratoire avaient montré que la photoluminescence (PL) du polaron lié est corrélée au degré de réduction chimique du matériau (autrement dit, à la quantité d’électrons piégés sur des centres profonds), qui joue un rôle essentiel dans les propriétés optiques et électriques du matériau : la conductivité d’obscurité, la photoconductivité (PC) et l’effet photovoltaïque (PV), qui peuvent perturber par exemple le fonctionnement de composants électro-optiques, sont directement fonction de cette quantité. Toutefois, le lien quantitatif entre l’émissivité de PL et la concentration de centres profonds n’avait pas été clairement établi.
Dans un contexte plus général, il est important de souligner que les divers phénomènes photo-induits dans le LN n’ont jusqu’à présent été décrits que de manière essentiellement qualitative en ce qui concerne l’influence de la composition intrinsèque et du dopage, du fait de l’absence d’un modèle suffisamment complet capable de prendre en compte à la fois les centres profonds intrinsèques et extrinsèques et les centres superficiels (polarons liés, polarons libres), et en raison d’une méconnaissance persistante des propriétés de transport de ces derniers. Notamment, le modèle à deux centres proposé par Jermann et Otten en 1993 pour le LN :Fe congruent était un modèle ad hoc destiné à rendre compte de l’apparition, sous forte intensité lumineuse, d’un second palier photoréfractif, ce que ne pouvait évidemment pas expliquer le modèle à un centre. Dans ce modèle à deux centres, le second palier PR était mis sur le compte d’un effet PV gigantesque associé au polaron lié N b4+Li . Ce modèle a été largement repris par la suite, et parfois réaménagé pour l’adapter à d’autres types de LN (LN congruent non dopé chimiquement réduit, LN stoechiométrique ou dopé Mg), mais sans que soient jamais remis en cause ses fondements, selon lesquels tous les phénomènes de transport sous illumination ne seraient imputables qu’aux électrons injectés dans la bande de conduction, d’abord depuis le centres profond (sous faible illumination), et ensuite depuis le polaron lié (sous forte illumination). Malgré l’abondance des résultats expérimentaux accumulés dans les années 90 et jusqu’en 2004, les propriétés optiques et électriques de ce polaron restaient mal comprises de point de vue quantitatif.
Les cristaux de niobate de lithium ne sont généralement jamais totalement caractérisés par la formule LiN bO3. En effet la composition réelle d’un cristal de LN présente un déficit en lithium et ce déficit est à l’origine de la présence de défauts intrinsèques dans le réseau cristallin. La variation de la composition ainsi que l’adjonction de dopants a une grande influence sur les propriétés physiques du matériau. La connaissance de la structure des défauts est nécessaire pour la compréhension des mécanismes de ces propriétés physiques.
Plusieurs méthodes de croissance ont été développées pour synthétiser des cristaux de niobate de lithium. Ainsi il est possible d’obtenir des cristaux de LN dans une large gamme de composition. Cependant l’obtention des cristaux stoechiométriques est encore délicate et cette dernière décennie plusieurs études se sont orientées vers le développement de nouvelles techniques pour obtenir des cristaux stoechiométriques de bonne qualité. Nous présentons ici brièvement quelques une des techniques de croissance.
C’est une technique particulière [10,11] qui utilise initialement un cristal de LN, généralement de composition congruente. Ce cristal est placé à proximité d’une masse importante de poudre de LN riches en Li. L’ensemble est porté à haute température (environ 1100◦C) . Des mécanismes de transport sous forme de vapeur et de diffusion à l’état solide apparaissent/ Au bout d’un certain temps, le rapport [Li]/[Nb] du cristal s’équilibre avec celui de la poudre. Cette technique permet d’élaborer des cristaux dans toute la gamme de composition et particulièrement des cristaux stoechiométriques. La taille de ce type de cristaux n’excédant pas généralement le millimètre , cette méthode est plutôt utilisée dans la fabrication de substrats de LN stoechiométrique (wafer) en optique intégrée (guides d’ondes).
Parmi les méthodes de croissance de cristaux du niobate de lithium, Une méthode originale est la croissance des cristaux sous forme de fibres cristallines [12, 13]. En particulier, la technique dérivée de la technique de la goutte pendante (micro pulling down, µP D) présente l’intérêt de permettre de tirer des fibres cristallines de grande longueur pour des diamètres allant de 300 microns jusqu’au millimètre. Il a été également montré que la qualité cristalline des fibres cristallines [14, 15]est supérieure à celle des cristaux massifs issus des techniques conventionnelles (Czochralski, Bridgman), avec en particulier, la possibilité au moment du tirage d’avoir un contrôle accru de la composition et du dopage. Par ailleurs, la géométrie radiale de la fibre cristalline qui est définie par la forme du capillaire du creuset utilisé lors du tirage permet d’envisager la réalisation de diverses applications sans préparation lourde (découpe, polissage) comme ça pourrait être le cas pour la réalisation de modulateurs électro-optiques (EO) par exemple. Notre laboratoire a fait l’acquisition dernièrement d’un banc de tirage de fibres. Des premières études, effectuées au LMOPS, ont montré que les propriétés EO sont maintenues dans ces fibres en comparaison à celles obtenues dans les cristaux massifs provenant de croissance CZ.
Le niobate de lithium est ferroélectrique à température ambiante et présente une transition de phase à environ 1200◦C (température de Curie Tc) au dessus de laquelle il est paraélectrique.
Dans sa phase ferroélectrique, LN appartient au groupe spatial de symétrie rhomboédrique (R3C) de groupe ponctuel 3m et est donc non-centrosymétrique. La phase paraélectrique de LN est de symétrie R3C de groupe ponctuel 3m et dans ce cas LN est centrosymétrique. Sa structure est formé d’un empilement de plans d’oxygène consécutifs perpendiculaire à l’axe ternaire. Deux triangles d’oxygène pris entre deux plans forment un octaèdre à l’intérieur duquel se loge un ion niobium .
La croissance des cristaux de LN se faisant à une température légèrement supérieure à Tc, LN est initialement dans sa phase paraélectrique. Le long de l’axe C on a un empilement de cations N b5+ au centre d’un octaèdre d’oxygène et Li+ au centre d’un triangle d’oxygène. Dans cette phase, le cristal est neutre et ne possède aucune polarisation spontanée.
Lors du refroidissement du cristal celui-ci passe de la phase paraélectrique à la phase ferroélectrique. La maille cristalline se contracte et les ions lithium n’ont plus assez d’espace pour rester positionnés au centre des triangles d’oxygènes. Les atomes de Li se positionnent donc au centre d’un octaèdre d’oxygène (déplacement le long de l’axe C de ≈ 0.71Å) et laisse un octaèdre vide (lacune structurale). De même les atomes de niobium se déplacent (≈ 0.26Å) dans la même direction que les atomes de lithium.
1 Structures et propriétés du niobate de lithium |