Phénomène de dégradation du PLA et voies d’amélioration
Le paradoxe à résoudre
Pour être bio-dégradés, les matériaux polymère doivent, subir une première étape de fragmentation (ou dégradation primaire), réalisée par hydrolyse, ou oxydation. Cette étape permet une baisse des masses molaires ainsi que la formation de groupements fonctionnels rendant les structures plus hydrophiles (Müller, 2004). L’assimilation de ces produits de dégradation oligomériques, par des micro-organismes, est alors possible dans une deuxième étape de minéralisation (dégradation totale) (Müller, 2004). Les divers mécanismes de vieillissement (fragmentation – dégradation) des polymères sont abordés dans la suite. On appelle vieillissement tout phénomène d’évolution lente et irréversible de la structure et/ou de la composition d’un matériau sous l’effet de son instabilité propre, de l’interaction avec l’environnement, de sollicitations mécaniques ou physiques (irradiations …) ou de la combinaison de plusieurs de ces causes (on parle alors de couplage). Cette partie décrit uniquement les vieillissements pouvant apparaître en conditions d’utilisation. En pratique, le recours à des essais de vieillissement accéléré est réalisé car il s’agit de processus extrêmement lents. Cependant, ces derniers posent généralement des problèmes de représentativité des conditions opératoires. De façon générale, la stabilité est reliée à la structure chimique du polymère ainsi qu’aux défauts de cette dernière. Les relations structure-stabilité prennent généralement en compte quatre types de facteurs intrinsèques : o l’énergie de dissociation des liaisons o l’aptitude à participer ou non à un processus en chaîne (dépolymérisation, …) o les irrégularités structurales (peroxydes internes, les bouts de chaîne, les enchaînements tête-à-tête…) o l’aptitude à la diffusion des réactifs de dégradation Bien que différentes approches aient été testées pour contrôler l’hydrolyse et/ou la biodégradation du PLA, plusieurs d’entre elles ont des effets secondaires indésirables (pertes de propriétés mécaniques, effets éco-toxicologiques, perte de transparence, diffusion d’additifs et difficulté de contrôler la vitesse d’hydrolyse …). De plus, dans la Phénomène de dégradation du PLA et voies d’amélioration 58 plupart des études rapportées sur l’augmentation de la biodégradation du PLA, le but recherché est de rendre le PLA plus facilement hydrolysable. Toutes choses égales par ailleurs, ce n’est donc pas directement l’étape de biodégradation qui est améliorée mais plutôt la dégradation qui précède cette étape. En effet, tout additif, modification chimique ou traitement susceptible d’augmenter la sensibilité du PLA au vieillissement climatique (thermique, UV, hydrolyse …) est susceptible d’augmenter sa biodégradation ultérieure. L’objectif de cette étude comporte donc un paradoxe. En effet, cette étude vise d’une part à rendre le PLA plus résistant à l’hydrolyse, et d’autre part, à améliorer (voire contrôler) sa biodégradation. Ceci présuppose une étape de dégradation par hydrolyse. De façon générale, les principales tendances observées pour la variation de l’hydrolyse non enzymatique du PLA sont identiques à celles observées en biodégradation, même si l’hydrolyse est, dans ce cas, enzymatique. Le PLA est hydrophobe et sa dégradation par hydrolyse est lente et difficile à contrôler. En résumé, l’objectif de cette étude est de parvenir à développer des matériaux dont la fragmentation en fin de vie est augmentée. Cependant, le maintien des propriétés mécaniques durant la durée d’utilisation de ces matériaux est également recherché. Ces deux aspects sont résumés dans les figures I.16-a et I.16-b. L’une des pistes de recherche pouvant permettre de répondre à cette problématique semble être l’utilisation de catalyseurs d’oxydation.
Dégradation par hydrolyse
Mécanismes et paramètres de la réaction
La dégradation la plus importante du PLA est l’hydrolyse. En effet, ce dernier se dégrade en plusieurs mois si on l’expose à l’humidité (Tableau I. 3). L’hydrolyse du PLA peut être comparée à une dépolymérisation, dans la mesure où les chaînes sont fragmentées en fonction du temps de vieillissement. Il a été démontré que l’hydrolyse non enzymatique du PLA est fonction de plusieurs facteurs relatifs à sa structure chimique ainsi qu’aux conditions expérimentales de vieillissement: o Le ratio L/D lactide (Daniels, 1990; Fukuzaki, 1989; Tsuji 1998-b, Tsuji, 2002) o L’épaisseur de la lamelle cristalline (Pistner, 1994; Migliaresi, 1994; Pistner, 1993) o La cristallinité (Pistner, 1994; Migliaresi, 1994; Pistner, 1993). Les zones amorphes étant plus sensibles que les zones cristallines (perméabilité à l’eau, mobilité des chaînes …) o La masse molaire (Migliaresi, 1994; Maudit, 1996) o L’orientation des chaînes (Joziasse, 1998) o La température (Kaplan, 1998; Weir, 2004; Agrawal, 1997) ainsi que sa valeur relative en comparaison avec les grandeurs caractéristiques du matériau (L’énergie d’activation de la réaction d’hydrolyse du PLA à l’état fondu étant très faible par rapport à celle à T < Tg) (Tsuji, 2007) o Le pH (catalyse acide ou basique) (Go pferich, 1996-a; De Jong, 2001) o La nature des bouts de chaînes (Wiggins, 2006) o La taille des échantillons (Grizzi, 1995) Dans la suite, l’effet du ratio L/D lactide, de la cristallinité, ainsi que l’effet de la taille des échantillons sont développés. Enfin, la variation des cinétiques d’hydrolyse en fonction de la température est également abordée.
L’effet du ratio L/D lactide sur l’hydrolyse du PLA
Tsuji et al. (Tsuji, 1998-b) ont réalisé des essais d’hydrolyse systématiques pour comprendre l’effet du ratio L/D lactide (taux d’acide-D-lactique) et de la morphologie sur la dégradation du PLA. Ils ont montré que l’ordre des cinétiques d’hydrolyse était le suivant : copolymères P(LcoD)LA > homopolymères PLA ou P(D)LA >> mélanges P(L)LA/P(D)LA m/m 50/50. La forte aptitude à l’hydrolyse des copolymères P(LcoD)LA est reliée à leur faible tacticité entrainant de faibles interactions intramoléculaires rendant les groupements esters plus accessibles à l’eau (Daniels, 1990; Fukuzaki, 1989). De même, dans le cas des mélanges P(L)LA/P(D)LA m/m 50/50, la faible cinétique d’hydrolyse est reliée aux interactions stéréo-complexantes existant en phase cristalline entre les chaînes de PLA et de P(D)LA (Tsuji, 2002). Par ailleurs, une attention toute particulière a été portée aux mélanges entre PLA de différentes tacticités : P(L)LA/P(D)LA (Krast, 2006) car ils forment des stéréocomplexes extrêmement stables. Dans ce cas précis, la tenue à l’eau du mélange est améliorée. Au bout de huit mois d’hydrolyse, la perte de masse moléculaire du PLA 61 est de 40% contre seulement 15% dans le cas d’un mélange 50/50 P(L)LA/P(D)LA. Cependant, il faut savoir qu’à l’heure actuelle, le P(D)LA n’est pas commercial ce qui limite son application.
L’effet du taux de cristallinité sur l’hydrolyse du PLA
L’hydrolyse du PLA se produit préférentiellement dans les phases amorphes, entrainant une augmentation du taux de cristallinité global (Hakkarainen, 2002). En outre, des phénomènes de chimi- et physi-cristallisation, en fonction du taux d’hydrolyse, ont également été observés (Fischer, 1973). Bien que la plupart des études de la littérature, observent une diminution de la vitesse d’hydrolyse en fonction du taux de cristallinité (Tsuji, 2004-a; Tsuji, 2004-b), certaines études observent l’effet inverse (Tsuji, 2000-a; Hurrell, 2002) suggérant la complexité de l’influence de ce paramètre. Bien qu’aucun modèle global n’ait été retenu, Tsuji et al. (Tsuji, 2000-b) se sont attachées à comprendre l’effet du taux de cristallinité du PLA (optiquement pur, échantillons de 50 µm d’épaisseur) en suivant les pertes en poids ainsi que les masses molaires par CES _chromatographie d’exclusion stérique_. Les résultats ont montré que les échantillons partiellement cristallisés avaient la plus grande cinétique d’hydrolyse, suggérant que la partie amorphe proche des interfaces phase amorphe/cristaux est le lieu de cette hydrolyse. De plus, les auteurs ont suggéré que les bouts de chaînes acides, susceptibles d’impacter le mécanisme réactionnel d’hydrolyse, sont alors contenus majoritairement dans la phase amorphe, du fait de l’organisation du corps des chaînes dans les phases cristallines (Tsuji, 2000-b).
L’effet de la dimension des échantillons sur l’hydrolyse du PLA
Le phénomène d’hydrolyse peut être lui-même découpé en deux étapes : d’abord la coupure non enzymatique de chaînes avec une diminution de masse moléculaire, puis une diffusion des oligomères formés lors de la première étape. Le phénomène est dit « homogène », c’est-à-dire que la masse moléculaire en nombre diminue avant qu’aucune perte de poids ne soit mesurable. Les premiers tests d’hydrolyse réalisés étant destinés à des applications médicales, ces derniers ont été réalisés in vitro, en immersion, à pH tamponné à 7,4. Les mesures des cinétiques de dégradation ont montré des hétérogénéités entre la dégradation en surface et la dégradation à cœur. Pour les pièces massiques, c’est-à-dire 62 des échantillons ayant des épaisseurs supérieures à 2 mm, la dégradation à cœur est plus importante que la dégradation en surface (Li, 1994; Li, 1999). En revanche, pour des films fins, dont l’épaisseur est inférieure à 150 µm, s’il a été initialement observé que la dégradation était homogène (Tsuji, 2000-a, Tsuji, 2000-c), il est à présent admis que cette dernière s’effectue depuis la surface (Tsuji, 1998-b). Ces observations peuvent être expliquées en considérant les oligomères obtenus par clivage hydrolytique des liaisons esters. En effet, les oligomères solubles qui sont proches de la surface peuvent être élués à l’extérieur des échantillons avant dégradation totale. Cependant, la diffusion des oligomères formés à cœur n’est pas possible. Cela implique une augmentation de l’acidité au cœur des échantillons massiques par rapport à la surface qui est en contact avec des milieux tamponnés. Or l’hydrolyse non enzymatique du PLA peut être catalysée par les acides. Ainsi, peut-on dire que la dégradation du PLA est autoentretenue dans le cas des pièces massiques (Tsuji, 2000-a). Une étude a tenté de modéliser et prédire le type de dégradation hydrolytique (en surface ou en masse) en ne considérant qu’un certain nombre de caractéristiques propres au matériau (ses dimensions, la diffusion de l’eau et la cinétique de d’hydrolyse) (Von Burkersroda, 2002). Ce modèle, qui reste perfectible (prise en compte de la masse moléculaire, du pH …), est assez intéressant puisqu’il identifie des dimensions critiques de taille des échantillons fixant le mode d’hydrolyse (à cœur ou en surface) en fonction de la structure chimique d’un polyester.