Pharmacovigilance post-commercialisation et médicaments sous surveillance renforcée

Pharmacovigilance post-commercialisation et
médicaments sous surveillance renforcée

Pharmacovigilance : définition, organisation et outils 

 L’organisation mondiale de la santé (OMS) définit la pharmacovigilance comme la science et les activités relatives à la détection, l’évaluation, la compréhension et la prévention des effets indésirables et de tout autre problème lié à l’utilisation d’un médicament. La pharmacovigilance consiste en la surveillance et la prévention des risques d’effets indésirables des médicaments mis sur le marché que ce risque soit potentiel ou avéré. Les bonnes pratiques de Pharmacovigilance française indiquent que la pharmacovigilance a pour objet la surveillance, l’évaluation, la prévention et la gestion du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments. Un effet indésirable (EI) est défini comme une réaction nocive et non voulue suspectée d’être due à un médicament survenant dans les conditions d’utilisation conforme ou non conforme aux termes de l’autorisation ou de l’enregistrement du médicament y compris en cas d’usage hors-AMM, de surdosage, de mésusage, d’abus, d’erreur médicamenteuse, d’interaction, lors d’une prise pendant la grossesse, l’allaitement et lors d’une exposition professionnelle. [9] L’effet indésirable peut être attendu ou inattendu. Selon l’article 5121-152 du Code de la Santé Publique (CSP) [10], un effet indésirable inattendu est un effet indésirable dont la nature, la sévérité ou l’évolution ne correspondent pas aux informations contenues dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP). L’effet indésirable est caractérisé comme grave ou non-grave, un effet indésirable grave se définissant comme un effet indésirable létal, ou susceptible de mettre la vie du patient en danger, ou entraînant une invalidité ou une incapacité importante ou durable, ou provoquant ou prolongeant une hospitalisation, ou se manifestant par une anomalie ou une malformation congénitale. Peut également être considéré comme grave tout effet indésirable jugé comme tel par le professionnel de santé mais ne rentrant pas dans le cadre de cette définition réglementaire. A noter, que l’Agence Européenne du médicament (European Medicines Agency EMA) a créé, en mai 2007, une liste contenant des termes identifiés comme importants sur le plan médical, indépendamment de la présence des critères de gravité cités ci-dessus. Cette IME (Important Medical Event) liste est mise à jour deux fois par an.  La pharmacovigilance s’intéresse aux médicaments et produits ayant fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) mais aussi aux médicaments bénéficiant d’une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) ou d’une Recommandation Temporaire d’Utilisation (RTU). Le Code de la Santé Publique français précise le champ d’application de la pharmacovigilance en définissant les produits concernés par la pharmacovigilance dans les articles L.5121-150 et L.5121-1 :  Les spécialités pharmaceutiques, y compris les médicaments génériques ;  Les préparations magistrales, hospitalières et officinales ;  Les médicaments immunologiques, y compris les allergènes préparés spécialement pour un seul individu ;  Les médicaments radiopharmaceutiques y compris le générateur, la trousse et le précurseur ;  Les médicaments homéopathiques ;  Les préparations de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique ;  Les médicaments biologiques et les biosimilaires ;  Les médicaments traditionnels à base de plantes ;  Les médicaments de thérapie innovante qu’ils soient ou non préparés ponctuellement ;  Les médicaments dérivés du sang ;  Les produits diététiques comprenant des substances ayant des propriétés thérapeutiques ;  Les produits présentés comme supprimant l’envie de fumer ou réduisant l’accoutumance au tabac. Dans la suite de ce manuscrit, les produits cités ci-dessus seront appelés « médicament » ou « produit de santé ». Les activités de pharmacovigilance assurent la gestion de l’innocuité des médicaments à usage humain sur l’entièreté de leur cycle de vie [14] et, comme mentionné dans la définition d’effet indésirable, dans toutes les situations, qu’elles soient conformes ou non aux conditions d’utilisation décrites dans l’AMM. Ainsi la collecte des informations concerne aussi les situations particulières suivantes avec ou sans survenue d’effet indésirable :  Une exposition en cours de grossesse (maternelle ou via le sperme) avec le cas échéant, enregistrement du suivi (issue de la grossesse et suivi des enfants exposés) ; 22  Une exposition paternelle (altération potentielle des spermatozoïdes) ;  Une exposition au cours de l’allaitement ;  Un effet indésirable ou une suspicion d’effet indésirable en rapport avec un défaut qualité du produit ou de médicaments falsifiés. Le défaut de qualité se définit comme tout défaut de fabrication, dégradation du produit, détection de falsification, nonconformité avec l’autorisation de mise sur le marché (AMM) ou le dossier de spécification, ou tout autre problème sérieux de qualité ; [9]  Une interaction médicamenteuse ;  Un surdosage défini comme l’administration d’une quantité de médicament ou de produit, quantité prise ou cumulée, supérieure à la dose maximale recommandée dans le Résumé des Caractéristiques du Produit ; [9]  Un abus caractérisé comme un usage excessif, intentionnel, persistant ou sporadique de médicaments ou produits, accompagné de réactions physiques ou psychologiques nocives ; [9]  Un mésusage caractérisé par une utilisation intentionnelle dans un but médical et inapproprié, non conforme aux termes de l’AMM ou à l’enregistrement ainsi qu’aux recommandations de bonnes pratiques ; [9]  Une erreur médicamenteuse définie par l’omission ou la réalisation non intentionnelle d’un acte par un professionnel de santé, un patient ou un tiers, au cours du processus de soin impliquant un médicament qui peut être à l’origine d’un risque ou d’un évènement indésirable pour le patient. Elle peut être avérée, potentielle (interceptée avant l’administration au patient) ou latente (observation témoignant d’un danger potentiel pour le patient) ; Une exposition professionnelle correspondant à la mise en contact (accidentelle ou non) d’une tierce personne avec un médicament au cours d’un processus de soin dans le cadre de son activité professionnelle ou non, en effet cette définition comprend aussi les expositions des aidants non professionnels de santé (famille, entourage proche) ; [9]  Une suspicion d’inefficacité thérapeutique (partielle ou totale), en dehors des progressions naturelles de la maladie sous-jacente ; [9]  Une suspicion de transmission d’un agent infectieux par le produit. Il s’agit des effets signalés de façon spontanée par les professionnels de santé, les patients ou 23 tout autre usager du système de santé, ou des effets signalés de façon sollicitée lors d’une étude post- autorisation. Sont concernés les effets indésirables graves ou non graves, attendus ou inattendus ou toute autre situation jugée cliniquement pertinente. Il peut aussi s’agir des effets bénéfiques. Selon l’article R5121-151 du Code de la Santé Publique [16], la pharmacovigilance est une activité comportant le signalement des effets indésirables ainsi que le recueil des informations les concernant ; l’enregistrement, l’évaluation et l’exploitation de ces informations dans un but de prévention ; et la réalisation de toutes études et de tous travaux concernant la sécurité d’emploi des médicaments et produits de santé. L’objectif est de prévenir les effets néfastes résultant de l’emploi d’un médicament, toute situation confondue, et de promouvoir une utilisation sûre et efficace. La pharmacovigilance est l’activité engageant la mise à jour des données de tolérance ainsi que la communication et la diffusion de toute information relative à la sécurité d’emploi du médicament afin de contribuer à la santé publique et à la protection des patients. 

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Historique et organisation

 A la suite du scandale de la thalidomide, c’est en 1963 que l’Organisation Mondiale de la Santé prend l’initiative de promouvoir une politique internationale et demande aux états de diffuser les informations sur les effets indésirables des médicaments, nécessitant alors la mise en place d’une organisation au niveau nationale pour chaque état. [17] Puis en 1968, le Programme OMS de pharmacovigilance internationale est lancé pour mettre en commun les données existantes sur le profil de sécurité des médicaments. 

La pharmacovigilance française

 En France, l’arrêté du 2 décembre 1976 officialise les structures de la pharmacovigilance à la suite d’une expérience pilote conduite depuis 1973 et constituée par la création de centres hospitaliers de pharmacovigilance et d’un Centre National de Pharmacovigilance. En 1976, est créée la Commission Technique de Pharmacovigilance, coordonnant les centres, et ayant pour but principal la surveillance du risque d’effet indésirable résultant de l’utilisation des médicaments et produits à usage humain, et la proposition de mesures permettant la sécurité d’emploi des médicaments. En 1979, les arrêtés du 17 janvier et du 30 mai définissent un réseau de Pharmacovigilance agréant officiellement 15 centres hospitaliers de 24 pharmacovigilance placés sous la responsabilité de pharmacologues ou toxicologues. En 1980, l’arrêté du 10 avril définit la pharmacovigilance et réorganise le système. Le champ d’action est agrandi aux intoxications médicamenteuses et une Commission de la pharmacovigilance est créée. La loi du 7 juillet 1980 donne une structure juridique à la pharmacovigilance qui était jusque-là seulement définie par des arrêtés. Enfin, le décret du 30 juillet 1982 relatif à l’organisation de la pharmacovigilance, met en place et définit les rôles et missions des différentes structures composant le système de pharmacovigilance : une Commission Nationale de Pharmacovigilance, un Comité Technique et des Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV). Aujourd’hui, le système de pharmacovigilance français comprend un échelon national avec l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) et un échelon régional constitué par 31 Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV). Les autres acteurs de la pharmacovigilance sont les professionnels de santé, les patients et/ou associations de patients et les entreprises du médicament. Sont aussi intégrés au système les établissements pharmaceutiques (grossistes-répartiteurs et dépositaires) y compris ceux gérés par des établissements publics de santé pour leur activité de réalisation de préparation hospitalière et de préparation magistrale.  L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé (ANSM) L’échelon national en matière de Pharmacovigilance (PV) en France est représenté par l’ANSM, anciennement Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé), qui a été créée en 2011 par la loi Bertrand dans le but de renforcer la sécurité sanitaire via la prévention des conflits d’intérêt entre les entreprises du médicament et les professionnels de santé. Cette loi est parue au journal officiel en décembre 2011 [23], en réponse au drame du MEDIATOR® afin d’éviter la reproduction d’un scandale comparable. Le MEDIATOR®, composé de benfluorex, est commercialisé par le laboratoire SERVIER® dès 1976 comme adjuvant au traitement des hyperlipidémies et du diabète de type 2 chez des patients en surcharge pondérale. Il sera aussi utilisé en situation de mésusage comme coupefaim car possédant les propriétés anorexigènes de la classe pharmacologiques des fenfluramines dont font partie les médicaments ISOMERIDE® et PONDERAL®. Ces deux derniers médicaments anorexigènes sont retirés du marché en 1997, en raison d’un risque 25 d’hypertension artérielle pulmonaire ainsi que d’atteintes graves des valves cardiaques. Ces risques sont étendus par la suite à l’ensemble de la classe des anorexigènes. Par ailleurs, entre 1997 et 1998, l’Afssaps sera alerté plusieurs fois par des médecins conseils de l’Assurance Maladie sur le mésusage du MEDIATOR® en tant qu’anorexigène mais ce dernier ne sera pas concerné par une quelconque prévention sur les risques d’hypertension artérielle pulmonaire et de valvulopathies. En 1999, en France, le premier cas de valvulopathie sous MEDIATOR® est déclaré ainsi qu’un cas d’hypertension artérielle pulmonaire. En 2003, un cas de valvulopathies multiples en Espagne est notifié. Entre 2003 et 2004, le produit est alors retiré du marché en Espagne et en Italie. Cependant, il faut attendre 2007, en France pour que l’Afssaps demande une réévaluation du bénéfice-risque du médicament avec au final, un arrêt de commercialisation en novembre 2009. L’EMA recommande alors, dès décembre 2009, le retrait des médicaments contenant du benfluorex. Selon les études réalisées, on compte entre 500 et 2000 décès imputables à l’utilisation du MEDIATOR®

Table des matières

Liste des abréviations
Introduction
I. Pharmacovigilance : définition, organisation et outils
A) Définition
B) Historique et organisation
1) La pharmacovigilance française
2) La pharmacovigilance européenne
3) La pharmacovigilance internationale
C) Outils et méthodes de la Pharmacovigilance post-commercialisation
1) La notification spontanée
2) Les rapports périodiques de sécurité (PSUR/PBRER) et la détection de signal
3) Le Plan de gestion des risques et les mesures additionnelles de minimisation du risque
4) Les études de sécurité post-autorisation
5) Les enquêtes ou suivis nationaux
6) Les procédures européennes d’arbitrage
7) La surveillance renforcée
II. La sclérose en plaque
A) Définition et physiopathologie
B) Symptômes
C) Formes et évolution
D) Epidémiologie et étiologie
E) Diagnostic
F) Les traitements
III. TYSABRI® Natalizumab
A) Mécanisme d’action
B) Données d’efficacité
C) Indications et conditions d’utilisation
D) Précautions d’emploi, mises en gardes et contre-indications
E) Données de tolérance et effets indésirables
IV. Evolution des données pharmacovigilance après commercialisation de TYSABRI®
A) Plans de gestion des risques Européen et Français, mesures de minimisations du risque
1) Le PGR Européen
2) Le PGR Français
3) Le suivi national français
4) Etudes générales sur la sécurité d’emploi en conditions réelles d’utilisation : études TYSDEMUS, TOP et TYGRIS.
B) La surveillance renforcée
1) LEMP (leucoencéphalopathie multifocale progressive)
2) Atteintes hépatiques
3) Hypersensibilité et immunogénicité
4) Risque de cancer, notamment de lymphome
5) Grossesses exposées
Conclusion.
Bibliographie
Annexes

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