PÉTROLOGIE ET GÉOCHRONOLOGIE DES GRANULITES DE ULTRA-HAUTES TEMPÉRATURES
Le métamorphisme de UHT
Dans ce chapitre, nous reprenons les points fondamentaux du métamorphisme de Ultra-Hautes Températures (UHT) développés dans deux articles de revue de Harley (1998) et Hensen et Harley (1990).
Définition
Le métamorphisme de UHT correspond à des conditions extrêmes du faciès granulites, de l’ordre de 900-1100°C pour des pressions modérées d’environ 7-13 kbar, qui ont lieu dans la croûte continentale. Ces conditions anormales impliquent des gradients géothermiques très élevés dans la croûte continentale, qui ne peuvent s’expliquer, à priori, que par un apport de chaleur magmatique et/ou mantellique. Même si ce type de métamorphisme reste exceptionnel, le nombre grandissant de localités où des conditions de UHT ont été répertoriées montre que ce n’est pas un épiphénomène, au même titre que la Ultra-Haute Pression dans la croûte continentale. Harley (1998) fait une revue non-exhaustive des différentes localités où ont été décrites des granulites de UHT. On citera en exemple les plus caractéristiques et mieux connues: – Napier Complex, Rauer group, Antarctique (Ellis, 1980; Grew, 1980; Sandiford, 1985; Harley, 1985, 1986, 1998; Harley et al., 1991, 2000) – Wilson Lake, Canada (Arima et al., 1986; Currie et Gittins, 1988) – Eastern Ghats, Palni Hill Ranges, Inde (Lal et al., 1987; Dasgupta, 1995; Raith et al., 1997, Bose et al., 2000; Rickers et al., 2001) – In Ouzal, Algérie (Kienast et Ouzegane, 1987; Bertrand et al., 1992) – Labwor Hills, Uganda (Sandiford, 1987) -131- Evolution P-T-t des granulites de UHT et de leurs roches associées – Highland Complex, Sri Lanka (Kriegsman et Schumacher, 1999) – Barro alto complex, Brasil (De Moraes et Fuck, 2000) – Limpopo belt, Zimbabwe (Droop, 1989) – Central Alps, Italie (Droop et Busher-Nurminen, 1984) – Madagascar (Nicollet, 1990) Il faut noter que, même si la majorité des granulites de UHT sont Archéennes, le métamorphisme de UHT ne témoigne pas d’une période particulière de l’évolution thermique de la Terre, puisqu’il est connu depuis l’Archéen (Napier complex, Antarctique: 2840 ou 2530-2480 Ma (Harley, 2000)) jusqu’au Tertiaire (Central Alps, Italie (Droop et Busher-Nurminen, 1984)).
Composition chimique des granulites de UHT
Une autre caractéristique majeure des granulites de UHT est leur composition chimique particulière qui pose le problème de la nature originelle de leur protolithe. Ces granulites montrent des teneurs en Al et Mg très élevées (d’où le nom commun de « Al-Mg granulite ») et de faibles teneurs en H2O. Cette composition réfractaire et anhydre va permettre de préserver les paragenèses de UHT. Les caractéristiques chimiques générales des granulites de UHT peuvent être discutées sur la base de la composition en éléments majeurs et traces de quatre échantillons de UHT de l’unité d’Andriamena (Tab. III-1). Les compositions de ces échantillons sont représentatives des compositions moyennes des granulites de UHT. L’échantillon C43 correspond à une granulite à saphirine préservant les paragenèses de UHT alors que les 3 autres échantillons sont des granulites partiellement rétromorphosées en orthoamphibole – cordierite. Les teneurs en Al2O3 pour l’ensemble des échantillons varient de 9.1 à 14.4 wt%. Les teneurs en SiO2 et MgO sont significativement différentes entre les granulites à orthoamphiboles (C1, C6 et An6e) et la granulite à saphirine (C43). La composition pauvre en SiO2 (~48 wt.%) et riche en MgO (~20 wt.%) de la granulite C43 est compatible avec l’absence de quartz et la forte abondance de minéraux magnésiens comme la cordierite, saphirine et orthopyroxene (voir chap. III-2). Une caractéristique majeure commune à l’ensemble des échantillons et plus généralement à l’ensemble des granulites de UHT est la très faible teneur en CaO, Na2O et K2O (< 1.0 wt.%).Des éléments traces comme le Cr, Co, Ni, V, Cu et Zn, réputés très résistants au phénomène d’altération, sont parfois abondants dans ces granulites et tout particulièrement dans la granulite à saphirine C43, où les teneurs en Cr, V et Zn sont de 265 ppm, 295 ppm et 214 ppm respectivement (Tab. III-1). Le Rb et Sr, qui sont des éléments très mobiles au cours de l’altération et du métamorphisme, ont des teneurs très faibles, souvent en deçà des limites de détection. Les spectres de Terres Rares (Fig. III-1), et plus particulièrement les HREE, permettent de distinguer la granulite à saphirine (C43) des granulites à orthoamphibole – cordierite (C1 et C6). L’ensemble des spectres de REE montre un enrichissement en LREE et une anomalie négative très marquée en Eu. Les spectres de REE des granulites C1 et C6 se caractérisent par des rapports (Gd/Lu)N inférieur à 1 (= 0.83 à 0.90), alors que la granulite à saphirine montre un appauvrissement significatif en HREE ((Lu/Gd)N = 3.5). On peut noter, pour l’échantillon C43, une forme convexe du spectre pour les LREE due à un léger enrichissement en Nd et Sm. Ces spectres de REE sont très semblables aux spectres obtenus sur des granulites de UHT du complexe de l’In Ouzzal, Algérie (Bernard-Griddiths et al., 1996). et Na) et en H2O des Al-Mg granulites résulterait de l’incorporation préférentielle de ces éléments dans le liquide silicaté. Si l’origine de cette composition est anté-métamorphique, ceci implique que les AlMg granulites se sont formées selon un métamorphisme isochimique de roches de composition très particulière. Quel est le type et l’origine de ce protolithe? La composition des Al-Mg granulites est comparable à des sédiments composés d’argiles et chlorites, latérites, bauxites, évaporites, argiles riches en Mg et roches volcaniques altérées de composition basique et ultrabasique de type komatiite ou basalte magnésien (BernardGriffiths et al., 1996). Pearton (1981) décrit la chimie d’un ensemble de sédiments issus de l’altération hydrothermale de komatiites provenant de la ceinture de roches vertes de Murchison (Afrique du Sud). Ces sédiments correspondent essentiellement à des magnesiopélites composées de quartz et chlorite en proportions variables. Ces sédiments ont des caractéristiques géochimiques très semblables à la granulite C43, c’est-à-dire de fortes teneurs en Mg, Fe, Cr, Ni et Co et de faibles teneurs en K, Ca, Na, Mn et Sr. Les fortes teneurs en ferromagnésiens sont compatibles avec un protolithe ultrabasique, alors que les faibles teneurs K, Ca, Na, Mn et Sr sont associées à un phénomène de lessivage durant le processus d’altération. Les fortes teneurs en Ni, Co et Cr sont caractéristiques de sédiments Archéens dû à la présence de komatiites et de basaltes ultra-magnésiens dans la croûte continentale (Condie, 1993). Cependant, cette hypothèse d’altération de roches ultrabasiques n’est pas applicable aux granulites à orthoamphibole – cordierite (échantillon C1, C6 et An6e). En effet, leurs teneurs en Mg, Ni, Cu, Cr, Co sont significativement plus faibles par rapport à l’échantillon C43 et incompatibles avec cette hypothèse. Comme le suggère Bernard-Griffiths et al. (1996), la géochimie de ces Al-Mg granulites peut être héritée d’un protolithe sédimentaire composé d’un mélange en proportions variables de sédiments quartziques d’origine détritique et d’une composante chloritique formée par altération hydrothermale de roches ultrabasiques.
Assemblages minéralogiques et relations de phases dans les systèmes MAS, FMAS et KFMASH
Les assemblages minéralogiques et textures réactionnelles observées dans les granulites de UHT peuvent être décrites pour la plupart à partir de grilles pétrogénétiques dans le système FeO-MgO-Al2O3-SiO2 (FMAS) (Hensen, 1971; Hensen et Green, 1973; Bertrand et al., 1991). Ces grilles sont applicables aux granulites composées de grenat, saphirine, orthopyroxène, sillimanite, spinelle, cordiérite, quartz. Néanmoins, certaines granulites de UHT se caractérisent par la présence de phases potassiques comme la biotite, le feldspath potassique et l’osumilite. Les grilles pétrogénétiques proposées dans le système K2O-FeO-MgO-Al2O3-SiO2-H2O (KFMASH) permettent de rendre compte des phases potassiques et de la présence éventuelle d’un liquide silicaté (Hensen et Harley, 1990; Carrington et Harley, 1995; Holland et al., 1996; Mouri et al., 1996; McDade et Harley, 2001). Le système MAS Les grilles pétrogénétiques dans le système MgO-Al2O3-SiO2 (MAS) sont une première approximation des systèmes naturels qui permettent de comprendre les relations de phases dans les systèmes plus complexes (FMAS ou KFMASH). Les phases minérales utilisées dans ce système correspondent aux pôles pures des phases observées dans la majorité des granulites de UHT, à l’exception du spinelle. Six phases sont utilisées dans ce système à 3 constituants: pyrope (py), saphirine (spr), enstatite (en), cordiérite (crd), sillimanite (sil) et quartz (qtz). Hensen et Essene (1971) proposent une grille hypothétique dans ce système (Fig. III-2) que nous avons reconstruit sur la base de nouvelles données thermodynamiques (Holland et Powell, 1998) (Fig. III-3).
Résumé |