« Il est injustifiable que les 20% les plus riches de la population mondiale accaparent plus de 80% du revenu mondial. Il est injustifiable que 10% de la population absorbent la moitié du revenu national comme c’est aujourd’hui le cas dans un trop grand nombre de pays. Il est injustifiable que le revenu des 20 pays les plus riches soit 37 fois plus élevé en moyenne que celui des 20 pays les plus pauvres. Il est injustifiable que 1,2 milliard d’être humains vivent encore avec moins de 1 dollar par jour, que 2,8 milliards de personnes subsistent avec moins de 2 dollars par jours ». Cette affirmation traduit parfaitement le fait que la pauvreté constitue actuellement un des problèmes les plus graves du monde contemporain. Les pays en développement qui représenteraient environ les trois quarts de l’humanité ne constitueraient que le cinquième de la production mondiale . Une telle situation semble paradoxale à l’heure même où jamais autant de richesses n’a été produite dans le monde .
Les répercussions de la pauvreté sont multiples (faiblesse de l’espérance de vie, insatisfaction des besoins fondamentaux, faible urbanisation de la population …). Mais surtout, elle a provoqué une situation désastreuse au niveau de l’emploi. Ainsi, en Afrique subsaharienne, la précarité des moyens de subsistance est caractéristique de la population. Parallèlement, l’Ajustement, survenu tardivement dans les années 80 de ces économies n’a fait qu’exacerber la situation. Certains analystes parlent de millions de chômeurs sans ressources.
Progressivement, et en réponse à cette dégradation des conditions de vie, des petites activités ou entreprises vont émerger un peu partout. Elles vont alors susciter l’intérêt du plus grand nombre par leur capacité à pourvoir des emplois et à s’adapter à la crise économique. Ainsi, de nombreux programmes d’appui vont voir le jour, notamment sous l’impulsion des bailleurs de fonds. Les MEPE (Micro et Petites Entreprises) constituent dorénavant une composante reconnue dans la lutte contre la pauvreté.
LES MEPE : ORIGINE ET ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE
Le contexte d’apparition des micro-activités est étroitement lié à l’aggravation de la pauvreté dans la région de l’Afrique subsaharienne . Cette pauvreté touche de nombreux domaines de la vie économique comme le niveau de vie (croissance économique faible, revenus précaires), la santé (malnutrition, mortalité infanto-juvenile élevée…), les conditions de vie (logements précaires, vulnérabilité accrue…) mais surtout elle réduit de façon très significative les opportunités d’emploi de chacun. Dès lors, il apparaît que les MEPE constituent une réponse rationnelle à cette dégradation de l’emploi. Deux sections seront abordées ; la première « Crise de l’emploi dans les pays en développement» fait état de l’importance du problème de chômage dans les pays en développement et en explique les causes. La seconde, intitulée « Evolution de la perception des petites entreprises dans la politique économique» retrace quant à elle, l’historique de la prise en considération des MEPE dans les politiques de développement.
Crise de l’emploi dans les pays en développement
L’importance du chômage et du sous emploi urbains est désormais caractéristique de l’ensemble des pays africains, deux variables explicatives nous semblent essentielles à ce niveau de l’analyse. L’éducation car d’une part elle constitue un moyen non négligeable d’accumulation de connaissances et d’autre part elle possède un impact direct sur la productivité et la hausse des revenus des hommes. Or cette éducation est empreinte de sérieux problèmes dans les pays en développement. L’urbanisation car la capacité d’absorption du secteur agricole étant de plus en plus limitée alors que l’offre de travail est en hausse continue.
Une éducation en panne
De nombreuses études montrent l’existence d’une corrélation positive entre le niveau d’éducation d’une personne et le revenu qu’elle gagnera ultérieurement . Partout, dans le monde, il est reconnu que l’éducation influe positivement sur le niveau de vie et qu’elle constitue un signal pour les employeurs. Pourtant le système éducatif africain laisse beaucoup à désirer et n’arrive pas à produire le capital humain dont les économies ont besoin. Les descriptions , qui suivent, éclairent sur les réalités de l’éducation en Afrique :
– Elèves : insuffisance et disparité des taux de scolarisation en zones rurales, effectifs pléthoriques dans les classes urbaines, redoublements et abandons excessifs, situation encore plus défavorisée pour les filles…
– Maîtres : Formation insuffisante, sous qualification, mauvaises conditions de travail, absence de contrôle et d’encadrement pédagogique, rémunération précaire, manque de suivi de carrières, faible considération sociale…
– Enseignement : programmes et méthodes inadaptés, inadéquation formation – emploi, absence ou insuffisance de manuels scolaires, guides pédagogiques…
– Moyens : locaux insuffisants et en mauvais état, manque d’entretien, absence ou délabrement du mobilier, fourniture et livres scolaires mal gérés et non entretenus, manque de matériels didactiques…
– Familles : doute en l’utilité de l’école, perte de confiance en la capacité de l’Etat pour éduquer la jeunesse, grands sacrifices pour scolariser les enfants, …En effet, si le revenu national par habitant est de 260 USD en 2002, soit 342784 Ar et que les dépenses annuelles d’éducation sont estimées en moyenne à 50 000 Ar. Un ménage doit consacrer environ 15% de son revenu pour l’éducation d’un enfant. Or, les dépenses de consommation d’un ménage se composent en général de dépenses alimentaires, de dépenses non alimentaires, de dépenses d’autoconsommation et de dépenses diverses (santé, loyers…). Les coefficients budgétaires de ces dépenses sont respectivement de : 54,8%, 16,7%, 14,7% et 13,8% . De fait pour faire face à l’éducation d’un enfant, il faudrait au ménage compresser certains postes budgétaires. La plupart de ces dépenses étant incompressibles, éduquer un enfant représente un véritable sacrifice pour les parents. D’autant plus qu’un ménage notamment rural a en moyenne plus de 1 enfant .
En même temps, la formation technique et professionnelle subit une forte dévalorisation et est délaissée au nom du « mythe de la fonction publique ». Cette illusion s’entretient alors que du côté de la formation académique, les jeunes diplômés se trouvent dans l’incapacité de faire face au marché du travail.
En effet, le système académique est caractérisé par le « syndrome du diplôme » c’est à dire par la certification et l’octroi de diplômes que par l’acquisition et la diffusion réelles de compétences et de connaissances. Cette défaillance du système éducatif conduit inévitablement à son inefficacité à fournir le capital humain nécessaire. En définitive, intégrer le marché du travail « formel » devient le privilège de quelques uns et les barrières à l’entrée sont très élevées.
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