PERTURBATIONS INDUITES PAR LES ASTÉROÏDES SUR LES MOUVEMENTS DES PLANÈTES
Expressions analytiques des perturbations
Les données les plus précises disponibles pour les éphémérides sont des mesures de distances mutuelles entre planètes. Ainsi dans ce chapitre on va étudier comment les perturbations des différents éléments orbitaux de deux planètes se traduisent en terme d’une perturbation de la distance mutuelle. En plus de considérer les perturbations induites par des astéroïdes individuels, on va également considérer l’effet induit par un groupe d’astéroïdes dont les éléments orbitaux sont similaires et dont la distribution en longitude moyenne est homogène. Un tel groupe d’objet induit une perturbation dont la description est relativement simple et qui est identique à une perturbation induite par anneau solide. Les méthodes qui seront mises en oeuvre dans ce chapitre comme le développement de la fonction perturbatrice ou l’approximation des équations du mouvement au premier ordre en masse sont classiques. Ces approches ont été progressivement introduites depuis les travaux de Lagrange en 1781. On renvoie le lecteur à Laskar (1985) pour un bref historique et l’application des méthodes analytiques au développement d’une théorie planétaire générale. L’objectif est ici plus modeste, il s’agit de poser un cadre analytique simple au problème des astéroïdes et à la perturbation des distances mutuelles entre les planètes. Ce cadre permettra par la suite de mieux appréhender la modélisation des astéroïdes dans INPOP.
Perturbation d’une planète par un astéroïde
Le développement des équations de mouvement au premier ordre en masses permet de dériver les équations régissant la perturbation induite par un astéroïde sur une planète. En s’appuyant de plus sur un développement des équations en excentricités et inclinaisons, il est possible de dériver une expression analytique approchée de la perturbation.
Équations de Lagrange
Dans les sections suivantes, on utilise les notations de Laskar et Robutel (1995). Considérons N planètes notées P1, …, PN en rotation autour du Soleil noté P0. Les équations qui régissent l’évolution du système se dérivent de la force Newtonienne et de la conservation du centre de masse. En notant par mi et ri respectivement les masses et les positions héliocentriques des N corps, on a d 2 ri dt2 = gradri G(m0 + mi) ri + Ri (2.1) où i est un entier compris entre 1 et N. Les paramètres G et m0 correspondent respectivement à la constante gravitationnelle et à la masse du Soleil. Le mouvement est donc décrit par un 27 système de 3N équations du deuxième ordre. La fonction Ri est en général appelée la fonction de perturbation. Elle s’écrit Ri = X j6=i Gmj 1 ∆ij − ri · rj r 3 j ! (2.2) où ∆ij = |ri − rj | correspond à la distance mutuelle entre les corps i et j. Les équations (2.1) peuvent être réécritent comme des perturbations de N problèmes képlériens, qui dans le cas non perturbé évoluent selon d 2 ri dt2 = − G(m0 + mi) r 3 i ri On note pour un corps quelconque ses éléments osculateurs héliocentriques par (a, λ, e, ̟, I, Ω) et son moyen mouvement par n. Le moyen mouvement est donc donné par n = r G(m0 + mi) a 3 Pour rester cohérent avec les notations précédentes, ces variables devraient être indexées par i. L’indice est néanmoins omis afin de faciliter la lecture. Par la suite la position héliocentrique ri sera également notée r. L’évolution des éléments orbitaux dans le cas perturbé est donnée pour chacun des N corps par les équations de Lagrange (Brouwer et Clemence, 1961), da dt = 2 na ∂R ∂λ dλ dt = n − 2 na ∂R ∂a + √ 1 − e 2(1 − √ 1 − e 2) na2e ∂R ∂e + tan I/2 na2 √ 1 − e 2 ∂R ∂I de dt = − √ 1 − e 2(1 − √ 1 − e 2) na2e ∂R ∂λ − √ 1 − e 2 na2e ∂R ∂̟ d̟ dt = √ 1 − e 2 na2e ∂R ∂e + tan I/2 na2 √ 1 − e 2 ∂R ∂I dI dt = − tan I/2 na2 √ 1 − e 2 ∂R ∂λ + ∂R ∂̟ − 1 na2 √ 1 − e 2 sin I ∂R ∂Ω dΩ dt = 1 na2 √ 1 − e 2 sin I ∂R ∂I (2.3) où R correspond à la fonction de perturbation donnée par (2.2). 2.1.2 Perturbation à l’ordre 1 en masses On s’intéresse ici à la perturbation induite par un corps supplémentaire P ′ de masse m′ rajouté au système considéré précédemment. La position héliocentrique de ce nouveau corps est notée par r ′ et les éléments orbitaux associés par (a ′ , λ′ , e′ , ̟′ , I′ , Ω ′ ). On définit de manière générale la perturbation ∆X d’une variable X comme la différence ∆X = X∗ − X (2.4) où X∗ correspond à l’évolution de la variable dans le cas perturbé et X correspond à l’évolution dans le cas non perturbé. Pour la fonction perturbatrice R, on vérifie que l’on a ∆R = R ∗ − R = Gm′ 1 ∆ − r · r ′ r ′3 où ∆ = |r − r ′ | 28 Avec les équations (2.3), on peut écrire la dérivée de la perturbation induite par P ′ sur le demigrand axe d’une planète : d∆a dt = da∗ dt − da dt = 2 n∗a ∗ ∂R∗ ∂λ − 2 na ∂R ∂λ On adopte la masse du Soleil comme unité de masse. Avec les notations des équations (2.1), on a donc m0 = 1 et mi ≪ 1 pour le reste des corps du Système solaire. A partir de maintenant, on considère le développement du problème au premier ordre en masses des corps P1, …, Pn et P ′ . Avec (2.2), on remarque que les fonctions de perturbation sont au moins d’ordre 1 en masses. Par conséquent, dans la relation précédante n ∗ , a ∗ , n et a peuvent être remplacés par leurs développement à l’ordre 0. On peut donc écrire d∆a dt = 2 nkepakep ∂∆R ∂λ où les indices kep indiquent des variables qui correspondent au cas d’ordre 0 en masses, donc au cas keplérien. En ne gardant dans l’expression de ∆R que l’ordre 1 en masses, on obtient ∆R = Gm′ 1 ∆ − rkep · r ′ kep r ′3 kep ! et ∆ = |rkep − r ′ kep| (2.5) Le raisonnement que l’on vient d’appliquer pour ∆a est appliqué à l’ensemble des équations (2.3). On dérive ainsi l’expression des perturbations induites par P ′ sur l’ensemble des éléments orbitaux d’un corps quelconque : d∆a dt = 2 na ∂∆R ∂λ d∆λ dt = ∆n − 2 na ∂∆R ∂a + √ 1 − e 2(1 − √ 1 − e 2) na2e ∂∆R ∂e + tan I/2 na2 √ 1 − e 2 ∂∆R ∂I d∆e dt = − √ 1 − e 2(1 − √ 1 − e 2) na2e ∂∆R ∂λ − √ 1 − e 2 na2e ∂∆R ∂̟ d∆̟ dt = √ 1 − e 2 na2e ∂∆R ∂e + tan I/2 na2 √ 1 − e 2 ∂∆R ∂I d∆I dt = − tan I/2 na2 √ 1 − e 2 ∂∆R ∂λ + ∂∆R ∂̟ − 1 na2 √ 1 − e 2 sin I ∂∆R ∂Ω d∆Ω dt = 1 na2 √ 1 − e 2 sin I ∂∆R ∂I (2.6) Les éléments orbitaux qui interviennent dans les facteurs multiplicatifs ainsi que dans les dérivées de ∆R, correspondent au cas keplérien et devraient donc être notés avec l’indice kep. Dans les équations (2.6), l’indice est omis. Par souci de clarté, il sera en général omis par la suite. Les équations font intervenir la perturbation ∆n = n ∗ − n. Avec la définition donnée pour le moyen mouvement, on vérifie qu’au premier ordre en masses on a ∆n = − 3nkep 2akep ∆a (2.7) Les équations (2.6) semblent donner l’évolution des éléménts orbitaux d’un objet dans le problème restreint à 3 corps où une masse, en orbite autour du Soleil, est perturbée par un troisième corps en orbite keplérienne fixe. Les équations sont néanmoins différentes car l’évolution de la perturbation en longitude moyenne fait intervenir ∆n. Dans le problème restreint à 3 corps, l’évolution de la longitude moyenne ferait intervenir n.
Développement de la fonction perturbatrice
Le développement de la fonction de perturbation en excentricités et inclinaisons permet d’obtenir explicitement les expressions des perturbations en fonction des éléments orbitaux du corps perturbé et du corps perturbateur. Ce développement est donné explicitement jusqu’à l’ordre 4 par Brouwer et Clemence (1961). L’expression est assez volumineuse, ainsi pour éviter des erreurs il est souhaitable de calculer les dérivées intervenant dans (2.6) par ordinateur. Plutôt que de prendre l’expression de Brouwer et Clemence (1961), on préfère ici la dériver à partir de Laskar et Robutel (1995). Le développement pourra ainsi être obtenu à n’importe quel ordre en excentricités et inclinaisons. Un autre avantage est que l’expression sera obtenue directement dans le manipulateur algébrique TRIP (Gastineau et Laskar, 2009) et pourra par la suite être traitée par le même logiciel pour obtenir les expressions des perturbations. On suit ici les calculs de Laskar et Robutel (1995). On va supposer que l’orbite du corps perturbateur est extérieure à celle du corps perturbé, ainsi on a a/a′ < 1. On rappelle qu’avec les notations utilisées jusqu’à maintenant, les éléments osculateurs et les variables en général du corps perturbé sont notées sans prime alors que pour le perturbateur elles sont notées avec un prime. La fonction de perturbation est donnée par (2.5). On sépare l’expression en partie directe RD et indirecte RE. En notant α = a/a′ on a ∆R = Gm′ a ′ (RD + αRE) avec RD = a ′ ∆ et RE = − a ′2 a r · r ′ r ′3 On s’intéresse d’abord au développement de la partie directe. En notant S l’angle entre r et r ′ , on a ∆2 = r 2 + r ′2 − 2rr′ cos S Avec ρ = r/r′ , on vérifie que a ′ ∆ = a ′ r ′ A.
Contexte et motivation |