Perspectives du miroir résonnant pour une application industrielle
Modification ajustable des profils temporels générés par un miroir résonnant Nous venons de voir dans le chapitre précédent que le miroir résonnant peut jouer le rôle de modulateur spectral de phase dans le but d’une application à la mise en forme temporelle d’impulsions lumineuses ultra-brèves. Un tel composant optique ne remplacerait pas la classique ligne a dispersion nulle associée à un modulateur spatial de lumière programmable en milieu de recherche et développement. Toutefois, sa simplicité d’installation, d’utilisation et son coût de revient en font un outil prometteur en milieu industriel. Son intérêt peut être double : améliorer le rendement et la qualité d’usinage laser ultra-bref. Il a été démontré dans le paragraphe 1 du chapitre 5 que la fonction de phase introduite par un miroir résonnant est toujours de type arctangente de 2π d’amplitude dont la largeur dépend des paramètres optogéométriques de la structure. Actuellement, ces paramètres restent invariables. Les caractéristiques de la résonance et par conséquent la phase spectrale induite sont donc fixes. Dans le cadre d’une application à la mise en forme temporelle d’impulsions lumineuses ultrabrèves, un seul profil d’impulsion est alors possible. Il est souhaitable de rendre le miroir résonnant plus flexible en terme de phase spectrale tout en conservant la simplicité d’utilisation afin d’en faire un outil industriel. Pour ce faire, deux voies sont exploitables : la phase de la partie « miroir » du composant ainsi que la cascade de résonances.
Ajustement de l’épaisseur de la couche tampon
Nous avons vu dans le paragraphe 2 du chapitre 5 que la largeur de résonance varie périodiquement avec la phase de la partie miroir du miroir résonnant. Il y a donc la possibilité de modifier la largeur spectrale de résonance en variant le chemin optique induit par la traversée de la couche tampon. Dans ce but, on peut imaginer d’utiliser par exemple un matériau électrooptique. En modifiant ainsi faiblement l’indice de réfraction de la couche tampon, le chemin optique correspondant à sa traversée pourrait être ajusté. La conséquence en serait une maîtrise du déphasage du miroir positionné sous le guide d’onde en fonction de l’indice de réfraction de la couche tampon. Comme nous l’avons vu par le biais de l’expression (5.7) du chapitre 5, la largeur de résonance varie périodiquement avec cette phase. Par l’utilisation d’un matériau électrooptique dans la couche tampon, il deviendrait donc possible de balayer la largeur spectrale de résonance ∆λ, influant sur la répartition de l’énergie dans les deux sous-impulsions obtenues après réflexion sur un miroir résonnant (voir figure 6.2 p. 132), sur toute la plage de valeurs exploitables pour la mise en forme temporelle d’une impulsion laser ultra-brève définie. Il suffirait pour cela de modifier l’intensité du champ électrique appliqué au matériau électrooptique. Le miroir métallique pourrait dans ce cas précis servir de cathode. Cependant, la modification de cette épaisseur optique peut conduire à une augmentation des pertes énergétiques comme nous l’avons vu dans le paragraphe 2 du chapitre 5. En effet, le guide d’onde n’est plus parfaitement isolé et le champ au niveau du miroir métallique augmente. Cette méthode ne permettra pas de modifier la forme de l’impulsion en sortie mais juste de jouer sur la quantité d’énergie envoyée dans chaque sous-impulsion, comme il l’a été présenté dans le paragraphe 1 du chapitre 6. Le gain en terme de flexibilité est donc minime est une autre méthode est nécessaire. Cependant, une autre utilisation pour ce type de matériau peut être prévue : un ajustement de l’indice de réfraction de la couche tampon permettra d’isoler parfaitement le mode guidé et minimisera ainsi les pertes. Ces pertes devront impérativement être minimales dans l’effet cascade que l’on étudiera dans la suite. Cette deuxième méthode permet d’envisager une plus grande flexibilité du profil de phase généré par un miroir résonnant.
Effet cascade
Une deuxième solution, plus mécanique, permet d’élargir considérablement l’éventail des fonctions de phases induites par le miroir résonnant et par conséquent les profils temporels d’impulsions après réflexion sur la structure. Cette solution consiste à cascader les résonances en réinjectant plusieurs fois le faisceau sur la structure à l’aide d’un deuxième miroir (résonnant ou non). Chaque réinjection permettra d’exciter le guide d’onde et par conséquent, d’introduire un nouveau déphasage de type arctangente d’amplitude 2π. Soit A l’angle entre le miroir résonnant et le miroir de réinjection différant de la valeur nulle. Dans ces conditions, chaque réflexion aura un angle d’incidence décalé de 2A par rapport à la réflexion précédente. Cette translation angulaire se traduit tout d’abord par une translation spectrale du saut de phase, mais également par une variation de la largeur de résonance associée. Une succession de N sauts de phase de 2π centrés sur différentes longueurs d’onde est alors obtenue au lieu d’un saut de phase unique de grande amplitude 2Nπ lorsque les miroirs sont parallèles (A = 0). L’écart spectral entre ces différents sauts de phase est ajustable via l’angle A entre les deux miroirs. En ajustant en plus l’angle d’incidence, il devient possible de translater spectralement la phase totale induite par le système optique. La figure 7.1 montre le principe de base de l’effet cascade. Grâce à cet effet cascade, il est possible de choisir le nombre N de sauts de phases souhaités. La période spectrale peut également être ajustée via l’angle A entre le miroir résonnant et le miroir de réinjection. L’angle d’incidence permet alors de positionner la fonction de phase générée dans le spectre de l’impulsion femtoseconde. Un large éventail d’impulsion peut être ainsi généré à l’aide de notre miroir résonnant. La structure devient plus flexible voire plus dynamique puisqu’il est possible de jouer en temps réel sur le nombre de sauts de phases, mais aussi sur la période spectrale qui les sépare par le biais de l’angle entre le miroir résonnant et le miroir de réinjection. Cette méthode est donc prometteuse en vue d’un élargissement de l’éventail des profils de phases induits par un miroir résonnant. Cependant, le faisceau subit deux réflexions pour chaque réinjection. Cela impose des miroirs de hautes qualités et faibles pertes si l’on souhaite cascader de multiples résonances tout en conservant une quantité acceptable d’énergie dans l’impulsion. Pour prouver l’efficacité de la méthode imaginée précédemment, une démonstration expérimentale de l’effet cascade est nécessaire. Dans la partie suivante, le profil temporel d’une impulsion laser femtoseconde est mesuré après deux réflexions sur un miroir résonnant.
Démonstration expérimentale de l’effet d’une cascade de deux résonances sur une impulsion laser femtoseconde
Une démonstration expérimentale de l’effet cascade de deux résonances est présentée dans la suite grâce au deuxième échantillon représenté sur la figure 7.4 et caractérisé dans le paragraphe 3 du chapitre 6. Toutefois, la taille de l’échantillon rend difficile cette cascade. Seul l’effet de deux résonances a donc été étudié comme le montre la figure 7.2. Les mesures ont été effectuées sous les mêmes conditions expérimentales. L’impulsion centrée sur 800 nm a une durée de 85 fs et une énergie de 3 nJ. Cette impulsion se réfléchit une première fois sur le miroir résonnant avant d’être réinjectée dans la structure par le biais d’un miroir standard. Le réglage de l’angle entre les deux miroirs n’a été effectué que grossièrement à cause des difficultés expérimentales liées à la taille de l’échantillon. L’impulsion en sortie est caractérisée par intercorrélation. Deux exemples d’impulsions obtenues à l’aide de la deuxième structure sont donnés sur la figure 7.3 après deux injections du faisceau dans le miroir résonnant. Seul l’angle entre les deux miroirs est changé grossièrement entre les deux cas. Ceci implique qu’après la première réflexion, l’impulsion est de la forme optimisée comme nous l’avons étudié dans le chapitre précédent (voir figure 6.13). L’énergie est temporellement étalée dans trois sous-impulsions dans les deux cas. La variation de l’angle entre les deux miroirs a pour effet de répartir différemment l’énergie dans ces trois impulsions. Ces résultats confirment expérimentalement l’effet cascade pour deux résonances. Ils valident ainsi la théorie de l’effet de la réinjection d’une impulsion femtoseconde dans le miroir résonnant à plusieurs reprises. Dans la section suivante, une caractérisation en fonction de l’angle d’incidence est menée numériquement afin de caractériser le deuxième échantillon (présenté dans le chapitre précédent) en terme de longueur d’onde et de largeur de résonance spectrale. Cette étude sera à la base des simulations numériques du paragraphe 4 présentant des profils temporels obtenus par effet cascade.
Caractérisation de la structure en terme de largeur spectrale de résonance et de longueur d’onde d’excitation du mode en fonction de l’angle d’incidence Dans cette partie, le miroir résonnant présenté sur la figure 7.4 est étudié sur le plan numérique. Cet échantillon a déjà été caractérisé par AFM et par laser femtoseconde pour une simple résonance dans le chapitre précédent. Il s’agit du même type de structure que sur la figure 6.4 mais avec l’épaisseur de couche tampon wb et la profondeur de réseau σ trouvées après caractérisation. L’étude présentée ci-après vise à déterminer la largeur spectrale ainsi que la longueur d’onde de résonance de la structure suivant l’angle d’incidence. Une fois ces deux quantités caractérisées angulairement, il sera possible de définir la fonction de phase induite par effet cascade sur la structure en fonction de l’angle d’incidence θi, du nombre de résonance N et de l’angle A entre le miroir résonnant et le miroir de réinjection. Les profils d’impulsions femtosecondes obtenus en sortie du système de mise en forme temporelle pourront alors être simulés numériquement. Les calculs des profils de phase sont toujours effectués à l’aide du programme élaboré par N. Lyndin [Lyndin 2006]. Pour différents angles d’incidence autour de l’angle d’excitation de la résonance à 800 nm (± 15°), la phase spectrale est calculée avec une période de l’ordre de 0,1 nm. Les données sont ensuite exportées puis traitées sur plate-forme MATLAB à l’aide d’un simple algorithme qui calcule la dérivée de la phase. Suivant les propriétés mathématiques de la fonction arctangente, cette dérivée de la phase admet un maximum pmax obtenu pour la longueur d’onde centrale de résonance. La largeur spectrale de résonance vaut alors 2/pmax