Qualité de vie
La qualité de vie est un concept subjectif dont chaque être humain a sa propre perception et sa propre définition. Selon la théorie de la gestion des symptômes (Dodd et al., 2001), l’auto-évaluation des symptômes par le patient est considérée comme la référence absolue pour mesurer le symptôme. Toutefois, la représentation variable et subjective de la qualité de vie peut amener les professionnels de la santé à offrir des prestations de soins qui sont compromises et non optimales lorsque l’évaluation et l’interprétation d’un symptôme par le patient ne correspond pas à l’évaluation du symptôme fait par le professionnel de la santé ou par l’entourage du patient. D’une part, cette théorie permet à l’infirmier d’ajuster ses actions et ses comportements en fonction de signes objectifs observés de la pathologie mais également d’organiser ses soins en fonction des expériences et des ressentis vécus par le patient. Ce modèle permet au patient de développer des compétences d’autogestion et d’acquérir une expertise de son problème de santé. En collaboration avec le soignant, des interventions ciblées sur l’impact du symptôme sur la qualité de vie peuvent être mises en place.
Le but final visé par ce modèle de soins étant le maintien ou l’augmentation de la qualité de vie (Baeriswyl et al., 2013). Cependant, malgré l’existence de nombreuses échelles de mesure de la qualité de vie, il n’existe pas de normes définies pour l’évaluer objectivement. Il est donc primordial de spécifier, avec chaque patient, quels sont les facteurs déterminant pour parler de qualité de vie et cela d’autant plus chez des patients atteints de maladies incurables et dégénératives. Concernant la SLA, les patients vont voir progressivement leurs capacités motrices diminuer jusqu’à devenir totalement dépendants. Puis viendront s’ajouter à cela des difficultés à parler, à déglutir et à respirer. Un appareillage important peut devenir nécessaire, tels qu’une ventilation non-invasive, un fauteuil électrique adapté. Des outils de communication et des décisions de dernier recours peuvent également s’imposer, telles que la mise en place d’une gastrostomie ou d’une trachéotomie.
Ces décisions sont délicates, tant pour la personne concernée que pour l’entourage proche qui sera en première ligne dans l’évolution complexe de la situation. Il est, de ce fait, indispensable de bien analyser les désirs du patient : veut-il mettre en place différents appareillages qui permettent de soulager ses symptômes ? Au contraire, veut-il être soulagé des symptômes inconfortables sans aucun appareillage ? Ou ne souhaite-t-il aucun appareillage et aucun soin, qui pourraient être considérés comme de l’acharnement dans une situation sans issue ? Différentes études intégrées dans ce travail abordent ce concept de qualité de vie. La recherche de Van den Berg et al., (2005) avance que la qualité de vie est recensée comme étant meilleure par les patients lorsque la prise en charge est interdisciplinaire. En effet, les participants affirment que leur qualité de vie est meilleure lors de la présence de moyens et appareils auxiliaires et qu’une prise en charge interdisciplinaire permettait la mise en place d’un appareillage plus adapté.
L’étude de Körner et al. (2013) permet d’obtenir des résultats qui corroborent ceux obtenus par Van den Berg et al., (2005). Effectivement, Körner et al. (2013) démontrent que la progression de la maladie entraîne une perte de poids et, de ce fait, des pertes fonctionnelles qui ont des répercussions importantes sur la qualité de vie et sur la santé mentale des patients. Les résultats obtenus dans cette recherche ont démontré qu’après la pose d’une PEG, 84.6% des patients montrent une augmentation de leur qualité de vie. De plus, les auteurs mettent en avant que la malnutrition est peu investiguée et mal prise en charge alors qu’elle fait partie intégrante de la SLA et engage le pronostic vital. Ainsi, l’introduction d’une PEG est souvent tardive et se fait uniquement en présence de dysphagie. Les chercheurs affirment qu’il serait primordial de promouvoir l’introduction précoce d’une gastrostomie afin de prévenir et anticiper la perte de poids et, de ce fait, la diminution de la qualité de vie. Les auteurs Paris et al. (2012) tentent de démontrer, dans leur recherche, la corrélation entre diminution de qualité de vie et dysphagie de telle manière à déterminer les conséquences de la dysphagie sur la qualité de vie des patients atteints de SLA.
Les résultats retenus dans leur étude rapportent que les troubles de la déglutition sont un fardeau et affectent la qualité de vie des patients SLA, car ils impliquent une augmentation de la durée des repas, une diminution du désir de s’alimenter, la peur du risque de dysphagie, des difficultés à communiquer oralement, un impact sur la santé mentale et sur la vie sociale. Ainsi, selon les auteurs, les soignants doivent adapter la prise en charge de la dysphagie en tenant compte des désirs du patient, de ses habitudes et de ses différentes ressources. L’anticipation et la régulation des troubles liés à la dysphagie par le personnel soignant pourraient, selon les auteurs, freiner de manière conséquente l’impact de ce trouble sur la qualité de vie. En effet, l’investigation préalable du statut socio-économique, des comportements alimentaires et habitudes de vie des patients, permettrait de justifier les moyens à disposition pour mettre en place des interventions anticipatives de soins individualisés.
Stratégies d’adaptation
Le concept de stratégies d’adaptation, un des trois fondements de la théorie de gestion des symptômes, est étudié et observé dans différents contextes cliniques dans les articles retenus pour ce travail. De ce fait, il est un thème prédominant pour ce travail. Dans les recherches précédemment énoncées, les conclusions des auteurs relatives aux stratégies d’adaptation vont permettre de redéfinir le concept en tant que tel, ainsi que permettre d’observer la pertinence de la théorie par le biais d’études de cas et par sa transposition dans la pratique clinique. Cette recension des résultats, provenant d’études quantitatives et qualitatives, permettra de déterminer et de développer concrètement le savoir empirique découlant de la théorie de la gestion des symptômes. Les stratégies d’adaptation font, ici, référence à l’adaptation aux symptômes. Les stratégies de gestion des symptômes font intervenir les caractéristiques du patient, tels que son expérience des symptômes et l’environnement dans lequel il se trouve. Les stratégies d’adaptation peuvent être tant des interventions proposées par les professionnels de la santé, que des interventions provenant du patient et de ses ressources adaptatives. Bien que souvent suggérées par le corps médical, les stratégies d’adaptation ne peuvent avoir lieu sans un partenariat avec le patient. En effet, selon Baeriswyl et al. (2013), « les stratégies de gestion des symptômes représentent les efforts fournis par [le patient] pour prévenir, retarder ou minimiser l’expérience de ses symptômes » (p. 58). L’évaluation des besoins du patient, l’adéquation des interventions infirmières offertes et le partenariat avec le patient dans la gestion de sa pathologie composent et interfèrent donc avec les résultats obtenus sur l’état du symptôme, dernier concept clé de la théorie de gestion des symptômes. Baeriswyl et al. (2013) certifient qu’une offre individualisée d’interventions infirmières facilite la survenue des mécanismes d’adaptation chez les patients.
Dans la SLA, pathologie neurodégénérative et, de ce fait, incurable, les stratégies d’adaptation doivent être établies rapidement pour que le patient bénéficie d’une qualité de vie satisfaisante malgré l’atteinte de sa santé. De plus, les interventions infirmières doivent sans cesse être adaptées à la progression de la maladie. C’est, comme le répertorie les postulats de la théorie de gestion des symptômes, un processus dynamique et changeant (Dodd et al., 2001). L’anticipation et la prévention, dans la SLA, sont des compétences infirmières qui préparent le patient aux événements à venir et lui permettent de s’engager dans la prise en charge de sa pathologie. Certaines études analysées dans ce travail ont mis en lumière différentes stratégies d’adaptation et leur efficacité dans la pratique clinique pour la SLA. Portillo et Cowley (2010) mettent en avant que les patients vivent de grands changements dans leur vie engendrés par la maladie. Les patients, fragilisés par la maladie, ont besoin du soutien et de l’accompagnement des infirmiers dans ce processus. Les résultats de cette étude montrent que les infirmiers interrogés, provenant d’un service de neuroréhabilitation, n’ont pas suffisamment d’assurance et de pratique et arrivent difficilement à satisfaire les besoins des patients. De ce fait, Portillo et Cowley proposent à ces infirmiers d’adopter l’approche holistique qui vise une prise en charge globale du patient. Dans l’approche holistique, l’influence des facteurs environnementaux, sociaux et personnels est fondamentale et doit figurer dans la prise en charge infirmière. Ainsi, les besoins et les plaintes des patients doivent être au centre des préoccupations des infirmiers. Cet élément revient également dans la théorie de gestion des symptômes qui a pour gold-standard l’appréciation subjective du patient vis-à-vis de sa pathologie.
Dans leur recherche, Kirton et al. (2010) emploient le terme d’autogestion afin de qualifier l’implication et l’engagement du patient dans la prise en charge de sa pathologie. Cette recherche a montré que l’intervention d’un service externe d’infirmiers spécialisés en maladies neurologiques chroniques a permis aux patients de rapidement devenir experts de leur pathologie et de développer leurs propres ressources afin de s’adapter à celles-ci. Ces deux études soulèvent l’importance de la définition du rôle infirmier dans la prise en charge d’un patient atteint d’une pathologie neurologique complexe. En effet, l’expertise et la maîtrise de l’information et l’éducation thérapeutique ont été évaluées indispensables pour ces patients (Portillo et Cowley, 2010). Rio et Cawadias (2007) rapportent dans leur étude sur les pratiques courantes en diététique que le manque d’uniformisation des plans de soins et des protocoles pour la prise en charge de patients SLA/MND engendre un sentiment d’isolement professionnel chez les diététiciens questionnés. Certes, les professionnels de la santé interrogés estiment ne pas avoir suffisamment de connaissances sur les pathologies complexes tels que la SLA et les MND, ce qui ne leur permet pas d’offrir une prise en charge adaptée. Les diététiciens participant à l’étude, ont montré de l’intérêt pour cette problématique. L’élaboration d’une prise en charge standardisée par la recommandation d’outils et de techniques médicales adaptés, par exemple, permettrait aux professionnels de la santé de se focaliser davantage sur le patient et ses besoins. Cet apport permettrait, selon les études susmentionnées, aux infirmiers de bénéficier de temps supplémentaire à accorder aux patients dans l’objectif d’établir un partenariat avec ce dernier.
1 Introduction |