Personnages joués par Pauline Carton

Personnages joués par Pauline Carton

Les servantes péremptoires 

Péremptoire, elle l’est naturellement, à l’écran comme dans la vie. « Dès qu’un interlocuteur émet une opinion, le farfadet agressif qui loge dans ma cervelle me dicte le contraire. Et je le dis ! » déclare-t-elle. Dans la vidéo qui lui est consacrée, elle n’est guère aimable et elle malmène les journalistes. Dès 1930, un journaliste inconnu cité par Debot gémissait :« Madame Carton n’aime pas les journalistes et lui arracher quelques mots sans se faire attaquer avec vigueur et acidité est un exploit qui mérite de la considération43. » Dans Les Fruits de l’été (Bernard, 1954), Edwige Feuillère, sa patronne, la redoute et la supplie de sourire aux invités. Dans À pied, à cheval et en spoutnik (Dréville, 1958), elle maltraite son patron, le pauvre Noël-Noël. Dans Miquette et sa mère (Clouzot, 1949), elle bouscule toute la famille et tout particulièrement la frêle Danièle Delorme. En bonne de curé, elle n’est guère plus amène (L’Abbé Constantin, Paulin, 1933,Mon curé chez les pauvres, Diamant-Berger, 1956). Dans tous ces rôles, elle est parfaitement à l’aise, bien entendu. 

Les « vieilles filles » farouches 

Elle se garde bien de parler de sa vie sentimentale dans ses interviews alors qu’elle fut amoureuse du même homme pendant 50 ans et elle se vante toujours d’être célibataire. Dans Louise de Gance (1939), elle se plaint de ne jamais avoir été aimée. Dans Gribouille (Allégret, 1937), face à Michèle Morgan qui porte le même nom qu’elle, elle affiche une vertu acidulée et agressive. Elle a pourtant un passé d’amoureuse qu’elle évoque parfois : « Femme, je l’ai été autrefois ! » dit-elle à Raimu dans Les Perles de la Couronne (Guitry, 1937).Dans Ils étaient neuf célibataires (Guitry, 1939), c’est une femme abandonnée. Dans Bonne Chance (Guitry, 1935), elle est sans doute veuve. Dans Le Rosier de Madame Husson (Boyer, 1950) également, et dans Vous n’avez rien à déclarer, son idylle avec Raimu n’est plus qu’un souvenir attendrissant. Debot évoque « cette pudeur sentimentale qui l’empêcha toujours d’extérioriser ses affections les plus vives et les plus profondes44 .» Dans Je n’aime que toi (Montazel, 1949) ayant renoncé à aimer depuis longtemps, elle s’étonne et se scandalise que sa patronne (Martine Carol) soit « folle tordue de son patron ». Elle ignore donc, en général, les transports amoureux, comme on l’exige des domestiques dans la vie, si l’on en croit la sociologue Martin-Fugier : « Le corps des domestiques, pour être acceptable, ne doit pas se manifester. S’il le fait, il ne peut être que source de désordre » Ce que confirme l’historien Louis Chevalier qui constate qu’on fait rimer abusivement « classes laborieuses et classes dangereuses ». Pauline Carton est donc souvent condamnée à ces rôles de timides et de pudibondes pour lesquels il lui suffisait d’exprimer sa pudeur naturelle. 

Les femmes de lettres 

Celles qu’elle interprète nous rappellent la lauréate du prix Femina de 1903 et les deux livres qu’elle écrivit. Par ailleurs, chez Gance dans Le Roman d’un jeune homme pauvre (1935), elle met en scène une pièce écrite par elle, et la joue avec une actrice de la Comédie-Française, la majestueuse Marie Bell. Elle y joue le rôle d’une vierge wagnérienne qui chante faux, comme Pauline prétend le faire dans la vie. Personnage assez balzacien, née riche et aristocrate, devenue hypocrite et revancharde, elle conspire sans cesse et parvient quasiment à détruire la réputation de l’intendant Fresnay qui refuse de comploter pour elle. L’échec de la représentation en plein air de sa pièce, dû à un orage soudain, rappelle les scènes ahurissantes qu’elle raconte dans Théâtres de Carton. Dans un second film, Les Dégourdis de la 11ème (Christian-Jaque, 1937), elle compose une tragédie en vers qui endort le soldat Fernandel, incarnation du poète grec Pétrone. Afin de distraire les soldats de son régiment, le colonel, frère de Pauline, leur fait jouer la dite tragédie. Ces deux films intéressants nous rappellent des éléments de la biographie de Pauline, à la fois l’écrivaine et l’actrice. Guitry pensera également à elle pour jouer, au  héâtre, le rôle de Madame Geoffrin dont les affinités avec Diderot sont bien connues. Enfin, dans une première version de Désiré (Guitry, 1937), elle était cuisinière et femme de lettres. N’oublions pas de signaler que ces intellectuelles sont toujours ridicules. À cette époque déjà lointaine, la valeur littéraire des femmes est encore suspecte et les écrivaines du début du siècle (George Sand ou Gérard d’Houville) devaient emprunter des noms d’homme pour se faire respecter. 

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Les femmes laides

Elle qui prétend être laide comme un pou, elle se l’entend dire, en boomerang, par deux de ses metteurs en scène. Ainsi, dans L’Amour à l’américaine (Claude Heyman,1931), on nous dit et on nous répète qu’elle est fort laide et l’idée de l’embrasser sur la joue fait pousser à Spinelly, sa patronne, des cris d’horreur. Elle est considérée comme laide également dans Gardons notre sourire (Gaston Schoukens, 1937), ce qui fait échouer l’idylle qu’elle espérait avec un vieux jeune homme. Elle est donc souvent conforme au mythe, choisi par elle, de la servante laide attachée à une jolie maîtresse laquelle monopolise le charme et la sexualité. 

Les sportives

 Dans Du haut en bas (Pabst, 1933), elle suit avec passion tous les matchs de Gabin à la radio. Dans Ferdinand le noceur (Sti, 1935), elle fait de l’escrime dans son salon avec son frère le colonel. Les spectateurs de l’époque savent aussi, grâce à la presse, que c’est une marcheuse infatigable et qu’elle a parcouru avec Violette tout le Sud de la France à pied. À 46 ans, elle revient d’un voyage de 500 km à pied et confie à Pierre Lazareff : « Nous avons, par petites étapes, vu toutes les merveilles des Alpes. Parfois 40 kilomètres dans la journée, parfois trois46 ! »

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