Permanences et mutations du Faubourg Nord-Gambetta
– De ce quartier des non-corporés à l’indigence actuelle
Ce quartier est depuis tout temps celui des individus en passe d’être intégrés ou qui aspirent à l’être. Sa première dénomination fut celle du faubourg des Frères Prêcheurs, au Nord et à l’extérieur du centre ancien. En 1560, le Discours historial de l’antique et illustre cité de Nismes de Poldo d’Albenas agrémenté de la gravure sur bois ci-après montre les cavaliers franchissant la porte d’Alès qui ouvre sur une deuxième enceinte protégeant le faubourg qui « accueille les nouveaux venus qui n’ont pas encore accès au cœur de la cité, et de ce fait ne figurent pas parmi les métiers corporés »
Gravures sur bois, 1570, Archives départementales et Musée du Vieux Nîmes
Ce faubourg est encadré de collines, ornées de moulins, qui relient le Mont Crémat à l’Ouest et Mont Duplan à l’Est. Au pied de ce dernier se trouve l’Enclos Rey. Sa vocation accessoire dans la deuxième moitié du XVIII siècle est celle de l’hébergement hôtelier sur la route des Cévennes, ce faubourg reste principalement agricole et maraîcher puisque la source de la Crucimèle, toujours présente dans l’enclos des Sœurs de Besançon au début de la rue de la Faïence, en irrigue la pente naturelle. « Lors des fortes pluies, le trop plein de la source s’écoulait par les rues Bachalas3 et Rangueil vers le bas de la colline » 4 .
Au départ des Sœurs a succédé sur cet espace une école primaire privée et cette année des travaux conséquents ont remodelé cette vaste propriété située entre la rue de la Faïence et la rue Bonfa puisqu’un groupe financier protestant entreprend la construction d’un nouvel Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD). Seul subsiste l’Eglise reconstruite au XIX siècle. Sur ce quartier, ce sera le troisième équipement pour les populations vieillissantes. La construction se termine pour l’EHPAD rue de la Garrigue, près de l’église Saint Luc.
L’EHPAD de la rue Enclos Rey est déjà opérationnel. L’enjeu est crucial pour ce quartier ou nombre de personnes âgées en situation très précaire vivent dans des habitations dégradées où le confort est très sommaire. Leurs ressources ne peuvent leur permettre l’entretien des biens et s’ils ne sont pas propriétaires, souvent la logique à l’œuvre de leurs bailleurs est : « ça fait 25 ans qu’on vit comme ça, et pourquoi ça ne pourrait pas continuer ? »
Opportunités du « chamboulement » 13 de la construction de la citadelle
À la requête de Louis XIV une citadelle est érigée sut le mont Crémat14 . Sous couvert de sécuriser la province, la forteresse surveille la ville. L’expropriation de 17 propriétaires, et la destruction de 39 maisons et jardins sur les 285 répertoriées dans le cadastre de 1670, permet d’avoir une connaissance précise de leurs caractéristiques, puisque les biens furent inventoriés pour l’indemnisation seulement à prix coutant. Il s’agissait de maisons de plaisance de bonne taille, dotées pour la plupart de puits et de jardins, où les notables et les commerçants venaient se rafraîchir en famille.
Le 3 mai 1668 commence la destruction des remparts entre le cœur de la ville médiévale et le faubourg Nord-Gambetta qui aurait pu faire obstacle au passage des soldats. L’ingénieur architecte Gabriel Dardailhon propose aux édiles de profiter de cette démolition pour embellir la ville et la doter d’un Cours promenade « consacré à l’hégémonie du regard » 15 . « Le vendredi 25 février 1689, la plantation des 365 ormeaux a été faite sur le cours » 16 . Au sujet de cette entaille dont la résolution initie les premiers projets d’urbanisme de la ville, Line teisseyre-Sallman interroge : s’agit-il «d’un trait d’union ou d’une césure ? » 17 .
En effet, un règlement prévoit qu’en contrepartie du don des terrains remblayés, les nouveaux propriétaires s’engagent à construire des immeubles avec des façades qui devront concourir à une homogénéité esthétique. Le caractère fastueux contraste fortement puisque les maisons dégagées des remparts n’ont pas du tout été construites dans cette optique. Le long du cours les demeures sont imposantes réalisées en pierre de taille et à leurs pieds, juste après les amples frondaisons, les habitations vernaculaires sont entassées et desservies par des ruelles tortueuses.