Performance catalytique des catalyseurs à base de
nickel dans le tri-reformage du biogaz
Impact du rapport S/C
Impact du rapport S/C dans le bi-reformage du biogaz (BRB)
Dans un premier temps, le procédé BRB (reformage du méthane par de l’eau et du dioxyde de carbone) a été étudié. Cela correspond au reformage d’un biogaz qui ne contient pas d’oxygène et l’eau est ajoutée pour assurer une quantité suffisante d’oxydants. L’eau est pompée au réacteur par une pompe de précision (pompe utilisée pour la HPLC) dont le débit peut être contrôlé afin d’obtenir des différents rapports molaires S/C de 0,3, 0,6, 0,9 et 1,2. Un mélange de CH4, CO2 et N2 a été alimenté au réacteur. L’azote est utilisé comme standard interne pour l’analyse par µ-GC. Ce mélange est ensuite préchauffé à 120 °C où l’eau est évaporée. Puis le mélange entre au réacteur de reformage à 700 °C. La pression totale dans le réacteur est de l’ordre de 1,4 bar, due à la perte de charge dans le réacteur. Les détails du montage expérimental sont déjà précisés dans la Figure 45 (chapitre 3). Les conditions opératoires sont montrées dans le Tableau 30. L’avancement de la réaction est exprimé à la fois par la conversion et le débit (mmol/min) de CH4 et de CO2 qui ont été consommés pendant la réaction. Pour les produits, comme le débit d’alimentation en eau change, la définition des sélectivités utilisée pour le reformage à sec n’est plus adaptée. Les débits (mmol/min) des produits H2, CO, H2O, Cs en sortie du réacteur sont utilisés pour la comparaison. Les résultats sont présentés dans les Figure 86-Figure 88. l’entrée du réacteur est égal à 1,84 mmol/min. Comme attendu, l’augmentation du rapport S/C s’accompagne par une augmentation de QCH4/consommé. Au cours de la réaction et pour chaque rapport molaire S/C, QCH4/consommé baisse légèrement avec le temps de réaction indiquant une faible désactivation du catalyseur. Cette désactivation (la pente des courbes dans la Figure 86 a) est plus importante aux petits rapports S/C (0,3 et 0,6) qu’aux grands rapports S/C (0,9 et 1,2). Donc le rapport molaire S/C favorise à la fois l’activité et la stabilité du catalyseur pour transformer le méthane en produits. La Figure 86 b représente exactement les mêmes résultats sur l’évolution de CH4 mais sous forme habituelle de la conversion. La Figure 87 montre l’évolution du débit de CO2 converti et de la conversion de CO2. A chaque rapport molaire S/C, le débit de CO2 consommé (QCO2/consommé) ou bien la conversion de CO2 baisse considérablement avec le temps. Cela indique que soit l’activité catalytique globale du catalyseur baisse (désactivation catalytique) soit l’activité catalytique spécifique du catalyseur pour le reformage à sec (entre CH4 et CO2) baisse. Quand le rapport molaire S/C augmente, QCO2/consommé baisse fortement. Une compétitivité entre H2O et CO2 pour le reformage de CH4 existe, en faveur de H2O. Pour expliquer ces résultats, les calculs thermodynamiques du procédé à chaque rapport molaire S/C ont été faits et les résultats sont montrés dans le Tableau 31. Sous les conditions utilisées, la limite thermodynamique pour la conversion de CH4 ne varie que légèrement. Au contraire, la limite thermodynamique pour la conversion de CO2 diminue fortement de 62,0 à 38,1% lorsque le rapport molaire S/C augmente de 0,3 à 1,2. Le méthane réagit donc en priorité avec la vapeur d’eau (la réaction de vaporeformage, eq. 1, Tableau 1, chapitre 1) au détriment du dioxyde de carbone (eq. 3, Tableau 1, chapitre 1) [179] ; ceci s’accompagne par une augmentation du rapport molaire théorique de H2/CO (Tableau 31). Les résultats dans les Figure 86 et Figure 87 montrent que : i) les conversions de CH4 et CO2 ne dépassent pas les limites thermodynamiques, surtout pour CH4, ce qui est nécessaire pour une étude comparative ; ii) la baisse de la conversion de CO2 en fonction du rapport molaire S/C suit bien la prédiction thermodynamique. La formation du carbone solide (calculé par la différence) en fonction du temps de réaction est montrée dans la Figure 88 (c). Quel que soit le rapport molaire S/C, le carbone solide est omniprésent. Mais d’une manière générale, sa formation semble être légèrement limitée par l’augmentation du rapport S/C, sous les conditions utilisées. Cela explique la baisse légère de la conversion de CH4 en fonction du temps de réaction dans la Figure 86. La Figure 88 d montre l’évolution du débit d’eau en sortie du réacteur. Aux rapports S/C de 0,3 et 0,6, les débits d’eau en sortie sont proches de ceux en entrée du réacteur. Cela indique qu’à ces rapports S/C, le méthane réagit davantage avec le dioxyde de carbone (conversion de CO2 élevée, Figure 87) et peu avec la vapeur d’eau. Aux rapports S/C plus élevés (S/C=0,9 et S/C=1,2), les débits d’eau en sortie sont en-dessous des valeurs d’entrée ; le vaporeformage a bien eu lieu dans ces cas. La Figure 89 compare le TOF moyen de CH4 et de CO2 obtenu avec le même catalyseur 5Ni/HAP1,67 pour le RSB et pour le BRB aux conditions suivantes : • Température : 700 °C ; • Pression totale : 1,4 bar ; • Débit du méthane : 45 mL/min à 20 °C et 1 bar ; • Rapport molaire de départ pour RSB : CH4/CO2 = 1,0/1,1 et S/C = 0 ; • Rapport molaire de départ pour BRB : CH4/CO2/N2 = 1,0/1,1/0,5 et S/C : 0,3 à 1,2. Les résultats obtenus dans la Figure 89 ont mis en évidence l’effet positif de l’ajout de vapeur d’eau sur le TOF moyen de CH4. Par contre, l’ajout de vapeur d’eau entraîne une diminution de TOF moyen de CO2 (Figure 89 b). Celui-ci est déjà expliqué au-dessus par la compétition de la vapeur d’eau et du CO2 dans le reformage du méthane et par l’effet de la réaction WGS. En particulier, en présence de vapeur d’eau dans le BRB, la désactivation catalytique est moins importante par rapport à celle observée dans le RSB. Sur la Figure 89 b, il est évident que l’ajout de la vapeur d’eau aux rapports S/C de 0,3 et 0,6 n’a pas d’impact important sur la conversion de CO2. Le TOF de CO2 ne baisse que significativement aux rapports S/C élevés (0,9 et 1,2).
Caractérisation des catalyseurs usés par TGA
Le carbone solide formé dans le BRB a été analysé par l’analyse thermogravimétrique (TGA). Rappelons qu’après le test catalytique, le catalyseur usé se mélange avec la poudre d’alumine et la séparation n’est pas possible. Donc les analyses TGA ont été faites avec un mélange de catalyseur usé et d’alumine. De ce fait, la quantification du carbone solide par la perte de masse n’est pas possible. Seule la nature des carbones solides sera étudiée. Il est remarqué que les grains de catalyseurs usés sont revêtus de carbone avec une couleur noire typique, et d’autres grains ont une couleur plutôt grise. La Figure 91 montre les courbes DTG obtenus (DTG = dérivée de la perte de masse). Dans tous les cas, une première perte de masse à moins de 120 °C est observée qui peut être due au départ de l’humidité lorsque le catalyseur usé est mis sous air. Pour le catalyseur usé récupéré après le test au rapport S/C = 0,3, deux pertes de masses sont observées dont les pics se trouvent à 550 °C et 630 °C, qui correspondent respectivement à la combustion du carbone solide Cβ et Cv. Aux rapports S/C de 0,6 à 1,2, un seul pic à 630 °C est observé. Donc seul des filaments de carbone type Cv est présent dans les catalyseurs usés récupérés de ces tests. Dans tous les cas, le carbone solide Cα n’est pas formé. En fait, les formes Cα et Cβ sont plus faciles à gazéifier par la vapeur d’eau que la forme Cv [180]. Finalement, en plus de ces pertes de masse, un petit gain de masse a eu lieu autour de 450 °C, correspondant à une oxydation des particules métalliques de nickel (et/ou l’oxydation des particules à base de nickel de structure core-shell avec core = partie métallique et shell = partie oxydée).
Impact du rapport S/C pour le tri-reformage du biogaz (Tri-RB)
Cette partie présente la performance catalytique du catalyseur 5Ni/HAP1,67 dans le tri-reformage du biogaz (Tri-RB). Le rapport molaire CH4/CO2 de départ est de 60/40, alors que le rapport molaire O/C est fixé à 1/10. Ces rapports ont été choisis pour représenter la composition typique du biogaz issu de l’enfouissement des déchets (composés principaux : 55-70% CH4, 30-45% CO2 et 1-5% O2) [9]. Le rapport molaire O/C choisi à 1/10 permet non seulement de représenter la teneur d’oxygène dans un biogaz, mais aussi d’éviter l’effet de la combustion du méthane[50], [52] et la ré-oxydation du métal actif du catalyseur [49], [50]. Les paramètres opératoires du Tri-RB sont résumées dans le Tableau 32. Les débits partiels de CH4, CO2 et O2 sont fixés. Seul le débit d’eau et la température de la réaction varient. La pression totale dans le réacteur est de 1,4 bar (en raison de la perte de charge du lit catalytique). Avant le test catalytique, le catalyseur a été réduit in-situ à 700 °C sous 10%H2/N2 pendant 2 h. L’eau est pompée par une pompe HPLC au débit contrôlé. Le mélange d’eau et des gaz est préchauffé à 120 °C avant d’être injecté dans réacteur. Le mélange en sortie passe ensuite dans un condenseur où la vapeur d’eau est condensée, puis le mélange gazeux traverse un tube de gel de silice afin d’éliminer les traces d’eau avant l’analyse par µ-GC.
Tri-RB à 700 °C
La Figure 94 montre le débit molaire de CH4 qui a été consommé, QCH4/consommé (a) et la conversion de CH4 (b) en fonction du temps de réaction à 700 °C aux rapport S/C de 0,6 et 0,9. Pour le même débit partiel du méthane à l’entrée du réacteur de 45 mL/min, la conversion initiale du méthane en Tri-RB atteint environ 61-64%, qui n’est pas mieux que celle en BRB (Figure 86). Une désactivation catalytique non négligeable a eu lieu pendant les 5 premières heures de réaction, qui est plus importante au rapport S/C de 0,6 que 0,9. Tout au long de la réaction, la conversion du méthane au rapport S/C de 0,9 est plus élevée qu’à celle au rapport S/C de 0,6. Cela confirme l’effet positif de l’ajout de la vapeur d’eau pour le reformage du méthane.Le débit molaire (mmol/min) de CO2 consommé, QCO2/consommé (a) et la conversion de CO2 (b) sont montrés dans la Figure 95. Comme observé pour le CH4 (Figure 94), pour chaque rapport molaire S/C, la conversion de CO2 baisse avec le temps de réaction, correspondant à une désactivation catalytique du catalyseur sous les conditions utilisées. A nouveau, l’augmentation du rapport S/C a un impact négatif sur la conversion de CO2 comme déjà observé dans le procédé BRB (Figure 87) ; cela pouvant être expliqué par la réaction WSG qui convertit H2O et CO en CO2 et H2. Quant à l’évolution de l’oxygène, l’analyse µ-GC montre qu’aucune trace de ce réactif ne peut être détectée en sortie du réacteur. L’oxygène est en effet beaucoup plus réactif que l’eau ou le dioxyde de carbone et il est totalement consommé sous les conditions utilisées.