Perception et Appropriation du paysage par les différents acteurs du territoire

Perception et Appropriation du paysage par les différents acteurs du territoire

Le paysage : une thématique rassemblant un grand nombre d’acteurs

L’inscription au patrimoine de l’UNESCO permet de développer une vision commune de l’espace paysager grâce à la reconnaissance du « label UNESCO ». Cependant, l’interprétation de cette inscription peut être différente selon les acteurs du territoire. En effet, les acteurs politiques, les agriculteurs et autres gestionnaires, les habitants ou encore les touristes n’ont pas les mêmes fonctions, les mêmes attentes et donc la même vision du territoire. De fait de leur rôle au sein du Val de Loire ou de leur perception de l’espace, les acteurs du territoire s’approprient différemment le paysage patrimonialisé. Novarina G., en 2004, considère que « Les politiques paysagères, malgré les modalités différentes, supposent une implication des différents acteurs institutionnels (administrations, régions, provinces ou départements, communes et leurs groupements) et non institutionnels (organisations professionnelles, associations). Elles sont, comme un grand nombre de politiques publiques, aujourd’hui fondées sur l’élaboration d’objectifs partagés et font appel au consentement plutôt qu’à l’imposition (Novarina G, 2004). On peut également lire sur le site du Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement (thématique développement durable, Aménagement et ressource naturelle) que « le paysage est un sujet partagé et chaque citoyen est associé aux décisions d’aménagement. Aussi, le paysage, dans ses structures matérielles comme dans ses systèmes de perceptions sociales, doit devenir sujet et objet d’une culture générale partagée, débattue avec chacun ». En Val de Loire, beaucoup d’acteurs « gravitent autour des questions relatives aux paysages » (Marchand M., 2008). Le territoire inscrit en tant que patrimoine culturel évolutif vivant est très étendu (745km² plus 400km² de zone tampon, étendus sur 2 régions). Les acteurs agissant sur le territoire sont donc nombreux et divers, ce qui complexifie le processus d’appropriation commune de l’espace dans son ensemble. « Les différentes formes concurrentes d’appropriation […] peuvent être source de problèmes sociaux » (Fabiani J-L., 1999). C’est pourquoi il est important de bien définir les modes d’appropriation et de perception de l’espace patrimonialisé, en fonction du rôle et de la fonction des acteurs. Dans notre de recherche, nous ne portons pas uniquement notre attention sur les caractéristiques/propriétés de l’objet patrimonialisé (le paysage du Val de Loire) mais aussi sur les sujets qui le perçoivent, le gèrent, l’habitent. Perception et Appropriation du paysage par les différents acteurs du territoire 30 Nous cherchons à définir le rôle et les compétences de chacun sur le territoire du Val de Loire. Pour cela, nous définirons trois grandes catégories d’acteurs du paysage : les acteurs institutionnels, les acteurs gestionnaires et les citoyens (habitants et touristes).

La prise en compte du paysage par les acteurs institutionnels

Selon Pitte Jean Robert (Histoire du paysage français, 2003), de la diversité des valeurs paysagères naissent certains conflits entre les différents acteurs spatiaux concernés. Le paysage devient alors une « affaire politique ». De plus, il émet l’idée que «les paysages reflètent largement les principes politiques gérant les sociétés » et que « la réussite du contrôle de l’environnement ne peut être que le fruit d’un dialogue entre de multiples intervenants, sous l’arbitrage du responsable politique, l’usager étant la fin ultime » (Pitte J.-R., 2003). Pitte J-R. place ainsi les politiques publiques et donc les institutions qui les mettent en place, en tant que premiers éléments du processus, en haut de la hiérarchie décisionnelle des questions relatives au paysage. Les responsables politiques seraient les « arbitres » du processus de gestion du paysage. Tandis que les citoyens (en tant qu’usager de l’espace) constituent l’unité créatrice de la demande. 1) Approche du patrimoine Il existe deux types d’approche du patrimoine. La première attitude est noninterventionniste, c’est la position anglaise. La deuxième est inverse de la première, elle est interventionniste, c’est la position française défendue par Viollet-le-Duc, qui consiste à dire que « restaurer un édifice, c’est le rétablir dans son état complet qui peut n’avoir jamais existé à un moment donné » (Viollet-le-Duc). Elle considère que le passé est de toute façon déjà irrémédiablement mort, on ne peut ni le restaurer ni le garder (faussement) vivant, on ne peut que le recréer, même comme il n’a jamais existé. Cette attitude est une attitude active, résolument créatrice, dirigée vers le futur » (Philippe Nys, 1999). Selon Nys P. de nouveau, « Un monument n’a de sens que s’il provoque un comportement spécifique, s’il appelle un culte, c’est-à-dire des cérémonies, des commémorations, des fêtes, des événements, des rencontres inoubliables ». « C’est [cet] aspect qui peut devenir déterminant pour le paysage ». Nous cherchons donc à connaître quels sont les outils et les interventions mis en place, par les différents institutions, politiques publiques. Comment sont intégrées dans le discours et les actions sur le territoire, les notions de sauvegarde et de valorisation du paysage culturel du Val de Loire ? Nous chercherons principalement à mettre en valeur la dimension interventionniste (ou non) de l’ensemble des acteurs institutionnels du territoire d’étude. Pour cela, nous avons choisi de nous concentrer sur l’échelle locale pour la réalisation de nos interviews.

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Rôle des acteurs institutionnels envers le paysage

Les acteurs institutionnels ont une position fondamentale dans la gestion du paysage. Ils ont tout d’abord un rôle régulateur par la définition d’un cadre législatif. Dans un second temps, leur rôle est incitatif. Ceci afin de promouvoir la gestion du paysage et d’assurer sa prise en compte dans les différents documents stratégiques de planification. En marge de l’établissement d’un contexte législatif et de mise en place d’instruments de réglementation paysagère, l’objectif des acteurs institutionnels est de permettre de fédérer de nombreux acteurs locaux dans une même échelle (le Val de Loire) : une échelle intermédiaire et médiatrice. Pour cela, la mise en place d’outils réglementaires ainsi que d’instruments spécifiques de gestion et de protection dessine les contours du contexte législatif et coordonne les efforts à l’échelle locale. Il s’agit également d’harmoniser les décisions et de créer un système d’acteurs où les décisions sont prises dans une échelle de projet. Cependant, à ce niveau, certaines contradictions peuvent exister entre les collectivités locales où les politiques paysagères sont souvent mal implémentées (Novarina G., 2004). 

Appropriation de la notion de paysage par les acteurs institutionnels

Les acteurs institutionnels ont vraisemblablement une conscience développée de la notion de paysage et des effets de sa patrimonialisation. De plus, le Ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement estime que « le développement des connaissances scientifiques sur l’interaction entre paysages et politiques publiques est tout à fait nécessaire ». D’après Walter François(2004), « les références paysagères, les images de paysage, ont joué un rôle central dans la constitution, ou du moins dans la revendication, des identités politiques nationales dans l’Europe moderne ». Le paysage est un « objet » utilisé dans les discours, qui permet de concentrer la conscience de l’appartenance nationale. « Les identités sociales, politiques et culturelles ne sont pas indépendantes des stratégies de fabrication du territoire à différentes échelles, mais surtout que symétriquement, l’analyse des discours et des pratiques territoriales nous en apprend beaucoup sur l’état de développement de la capacité politique d’une communauté » (Walter F., 2004). Le paysage (d’autant plus lorsqu’il est mondialement reconnu comme patrimoine) peut être utilisé pour justifier des choix politiques stratégiques. La population se réfère identitairement à son espace de vie. Les politiques publiques se réfèrent donc à ce même espace pour faciliter l’acceptation par l’opinion publique des décisions stratégiques, prises pour le territoire en question. Le territoire est seulement bureaucratique, il sert au registre d’état civil, au centre des impôts. Le paysage fait apparaître « l’appartenance au territoire, à son climat, à ses disposition naturelles, à son organisation naturelle et humaine » (Walter, 2004). Il « permet de mettre en valeur une logique de classification culturelle » (Walter, 2004). Le paysage apporte une logique permettant aux collectivités « de prendre en compte le vécu des individus et donc d’intégrer [aux politiques publiques] dans l’analyse géographique les dimensions humanistes » (Raffestin, 1977).

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