Pénétrance des mutations de la D-Loop et du Cytochrome b dans l’occurrence des carcinomes ovariens
INTRODUCTION
L’organisme humain renferme des millions de cellules qui contiennent le support del’information génétique, l’ADN. Chaque jour, ce dernier subit des millions d’agressions, mais dans la très grande majorité des cas, celles-ci sont réparées de manière très efficace. Néanmoins, il suffit d’une défaillance dans la réparation d’un gène important pour enclencher ou continuer un processus de transformation cellulaire, aboutissant à un cancer. Maladie intime de la vie, le cancer est une tumeur maligne pouvant mettre 5 à 10 ans avant de gagner un stade clinique 1. Il représente un challenge majeur de la connaissance, un défi à notre intelligence en même temps qu’il est une urgence thérapeutique. C’est un fléau qui impose l’humilité puisque selon l’OMS (2014), il est une cause majeur de décès avec 8.2 millions de décès en 2012, soit près de 15% de la mortalité mondiale et en Afrique l’incidence annuelle des cancers y est en pleine croissance (environ 100 à 120/100 000 actuellement en Afrique subsaharienne) d’après Ly et al. (2010). Dans le monde, environ deux millions de cancers gynécologiques apparaissent chaque année (Garnier, 2013). Au Sénégal, ils sont aujourd’hui au sommet des causes de décès et à l’opposé de la tuberculose ou du Sida, la majorité des patients atteints de ces cancers meurent faute de moyens.L’avancée de la biologie moléculaire a permis de classer le cancer parmi les maladies du matériel génétique et de son expression qui découlent de l’accumulation d’événements mutationnels successifs (Sobol et al., 2004). En effet, la transformation tumorale d’une cellule est un processus clonal, procédant par des étapes successives constituées, en général, de mutations ; la cellule ayant franchi l’une de ces étapes a acquis un avantage sélectif par rapport à ses congénères.Ces mutations sont, dans la majorité des cas, associées à une inactivation du second allèle tumoral, le plus souvent par perte de la région chromosomique contenant le gène en question, un phénomène mis en évidence par la recherche de perte d’hétérozygotie au niveau tumoral (Lyonnet, 2010). Les gènes cibles de ces mutations inactivatrices sont des gènes « suppresseurs de tumeurs ». L’acquisition de mutations dans les oncogènes ou suppresseurs de tumeurs peut être secondaire aux erreurs de réplication de l’ADN (Lyonnet et Lenoire, 2005) et expliqueraient ainsi les prédispositions génétiques aux cancers. En moins de 20 ans, une quarantaine de gènes de prédisposition aux cancers ont été identifiés (Lyonnet et Lenoire, 2005). Parmi ces cancers, se trouve celui de l’ovaire qui est une tumeur maligne qui atteint un ou les deux ovaires (Shibata et al., 2003).Le cancer de l’ovaire est essentiellement un adénocarcinome, c’est-à-dire une tumeur qui s’organise en formant des structures glandulaires dans cet organe. Le cancer de l’ovaire reste, malgré les progrès de l’imagerie, de la biologie moléculaire et de la thérapeutique, de mauvais pronostic avec 48,4% de survie en cinq ans tous stades confondus (Bernard, 2002). Il est responsable de 5,8%des décès par cancer, représente 4% des cancers de la femme et est au 5ème rang des causes demortalité par tumeur maligne (Arbre, 2011). Aujourd’hui, l’âge moyen des tumeurs malignes de l’ovaire est de 40,9 ans, celui des tumeurs bénignes de 30 ans (Perrin, 2011). Au Sénégal, le cancer de l’ovaire représente 6,9% des cancers féminins, ces patientes ont en moyenne 49,5 ans (Dem et al.,2008) et le nombre de femmes qui en périssent est devenu remarquable, d’ailleurs en 2008, 106 décès ont été notés dans le pays (GLOBOCAN, 2012). Les plus forts facteurs de risque actuellement impliqués dans l’étiologie du cancer de l’ovaire sont ceux d’ordre génétique, avec des mutations spécifiques et, de façon plus large, le rôle du terrain familial (Ateilah, 2008). La mise au point de ces méthodes de diagnostic passe tout d’abord par une compréhension des mécanismes génétiques qui sont à la base de la transformation cancéreuse et de la recherche de gènes de prédisposition.L’objectif général de cette étude est de rechercher l’implication de deux marqueurs mitochondriaux(D-Loop et Cyt b) dans l’occurrence des cancers de l’ovaire chez les femmes sénégalaises. De cet objectif général, il en résulte comme objectifs spécifiques :
Rechercher des mutations d’intérêts de la D-Loop et du Cyt b dans les tissus cancéreux ovariens ;Évaluer la diversité et la structure génétique des tissus cancéreux ovariens. Cette étude comporte trois chapitres. Le premier chapitre, consiste à passer en revue lesdifférentes caractéristiques du cancer notamment celui de l’ovaire. Dans le second chapitre, nous exposerons le matériel et l’approche méthodologique utilisés pour atteindre les objectifs de cette étude. Les résultats obtenus seront présentés dans le troisième chapitre suivi d’une discussion. Cette Étude sera bouclée par une conclusion où des perspectives seront émises.
Biologie des cancers
Typologie
Les cancers sont des tumeurs malignes dues à un dérèglement des mécanismes de régulation du corps humain autrement dit à une absence de la mort cellulaire programmée qui participe à l’homéostasie cellulaire, ainsi qu’à l’élimination des cellules dont le génome est endommagé. On Distingue 4 groupes de cancers :Les carcinomes ou cancers des cellules épithéliales (cellules de revêtement, peau par exemple) ;Les sarcomes ou cancers du tissu conjonctif (tissu de soutien présent dans l’organisme, os et muscles par exemple) ;Les blastomes ou cancer des cellules embryonnaires (exemple néphroblastome neuroblastome) (Mosnier et al., 2005) ;Les hémopathies malignes qui sont formées de trois types : les leucémies, les lymphomes, les myélomes (Sow, 2013).
Génétique et cancers
Après avoir été successivement une maladie des humeurs mélancoliques, puis de la cellule, le cancer est désormais considéré comme une maladie des gènes (Institut National du Cancer). La première étape concrète de cette évolution étant l’identification des oncogènes (Vogelstein b Kinzler 1998). Pour simplifier, on pourrait considérer qu’il s’agit d’une maladie de l’ADN ou des altérations germinales et/ou acquises perturbent le fonctionnement normal de certains gènes(Inserm, 2006). Plusieurs catégories de gènes sont impliquées (Bernard, 2002). Parmi eux :Les proto-oncogènes et les oncogènes : Physiologiquement, les proto-oncogènes ont une action stimulatrice sur la division cellulaire, mais leur expression est soumise à une régulation fine durant le cycle cellulaire.Les gènes suppresseurs de tumeurs ou anti-oncogènes : Ces gènes ont été identifiés grâce aux formes héréditaires de cancer. À l’état normal, les gènes suppresseurs se comportent comme des inhibiteurs de la division cellulaire.Les gènes intervenant dans les systèmes de réparation de l’ADN : Il existe dans nos cellules,des systèmes permettant de réparer les altérations génétiques soient induites par les carcinogènes, soient survenant lors de la réplication normale de l’ADN.
Type du cancer de l’ovaire
Généralités et pronostic
Le cancer de l’ovaire est une tumeur maligne qui se forme à partir des cellules de la surface de l’ovaire (épithélial ovarien) (voir figure 1), sous une forme nommée cancer épithélial de l’ovaire qui représente environ 90% des tumeurs ovariennes ou à partir d’autres tissus de l’ovaire (cancers non épithéliaux de l’ovaire) (Kurman et al., 2005). Ces deux termes désignent deux groupes de cancer de l’ovaire. Des sous-types très divers sont retrouvés au sein de chaque groupe. Dans le groupe des cancers non épithéliaux rares, deux sous-types apparaissent plus fréquemment : les tumeurs germinales malignes et les tumeurs des cordons sexuels et du stroma (Billiau et al., 2014).Ces tumeurs surviennent à un âge plus précoce que le cancer de l’ovaire.
Classification histologique et pathologie moléculaire
L’ovaire est revêtu par un épithélium pavimenteux ou cubique simple. Il comprend deux zones : la corticale et la médullaire. La zone corticale, épaisse, est située à la périphérie. Elle comporte des follicules ovariens contenant les ovocytes et le stroma ovarien (figure 2).Les tumeurs ovariennes les plus fréquentes sont les tumeurs stromales-épithéliales (Seidman et Kurman, 2003). Elles proviennent de l’épithélium de surface de l’ovaire ou de ses dérivés. Elles surviennent essentiellement chez des femmes en période d’activités génitales ou plus tardivement. Le Pronostic dépend du type histologique mais dans l’ensemble il est mauvais. Ce mauvais pronostic estlargement lié à une découverte à un stade tardif de la maladie, du fait du caractère peusymptomatique des stades débutants. Les cancers de l’ovaire représentent environ 30 % des cancers du tractus génital féminin (Seidman et Kurman, 2003).
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