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L’origine du stick-slip : la courbe de force d’adhésion en fonction de la vitesse de pelage
Courbes expérimentales
La force de pelage F a eté mesurée en fonction de la vitesse de pelage V dans différentes configurations et pour différents adhésifs. Expérimentalement, la courbe ressemble la plu-part du temps au schéma représent´ sur la figure 1.4. Pour de faibles vitesses de pelage, F (V ) est croissante (branche OA). Pour d’importantes vitesses de pelage, selon les études, F (V ) est soit croissante (branche CB), soit constante (branche CB’). Pour relier ces deux branches, on imagine qu’il existe une branche décroissante F (V ) (ligne tiretée bleue sur la figure 1.4). Une telle branche décroissante est instable : peler plus vite demande une force moins importante, le point de pelage va donc avoir tendance à accélérer. Pour des vitesses intermédiaires (Va < V < Vc), la force en fonction du temps présente de larges fluctuations, typiques d’événements de stick-slip.
La branche croissante à basse vitesse, qu’on va appeler la branche “lente”, peut corres-pondre à une séparation cohésive, c’est-à-dire à l’intérieur de la couche d’adhésif [23,25,29– 31]. Dans certains adhésifs, la branche “lente” est séparée en deux parties [26–28, 30, 31]. Pour de très basses vitesses, la rupture est cohésive. Mais pour des vitesses un peu plus elevées, la séparation devient adhésive. En général, dans de telles expériences, le pelage présente de la fibrillation sur toute la branche “lente”, et F augmente avec V , avec ou sans rupture de pente entre les deux parties. La croissance de F (V ) sur cette branche rappelle l’augmentation de la contrainte en fonction du taux de cisaillement dans le cas de l’écoulement d’un polymère visco-élastique dans son état visqueux, ce qui suggère que l’adhésif se comporte comme un fluide visqueux.
La branche croissante à haute vitesse va ˆetre appelée branche “rapide”. Pour la plupart des systèmes, sur cette branche, la séparation est adhésive à l’interface adhésif-substrat [26, 29] ou à l’interface adhésif-film [27, 30, 31]. Différentes observations montrent que sur cette branche, F (V ) peut ˆetre presque constant [23, 26, 27, 30, 31], ou augmenter fortement avec V [28,29,32,46]. Gent et al. [23] observent, pour un adhésif sur-mesure pel´ selon un test en T, deux pics dans la courbe F (V ), et ainsi deux zones de stick-slip. F augmente avec V pour de très basses vitesses, avec un pelage cohésif, puis F présente une chute brutale, le pelage devient alors adhésif. Ils attribuent ce premier pic à une transition liquide-caoutchouc de l’adhésif, qui a lieu quand le taux de déformation devient trop grand pour qu’il puisse y avoir un écoulement visqueux du polymère. Aubrey et al. [27] observent aussi une légère baisse de la force au passage cohésif-adhésif, mais cette baisse est trop faible pour entraˆıner une zone de stick-slip. Lors de la séparation cohésive, les filaments cassent pour faire avancer le point de pelage, alors que, dans la séparation adhésive, ils se détachent du substrat. Ce changement de comportement est accompagné d’une diminution du nombre de filaments. Les contraintes locales sont alors plus concentrées, ce qui serait à l’origine de la baisse de la force de pelage. Selon les observations de Gent et al., F (V ) augmente ensuite jusqu’à un deuxième pic, puis chute brutalement avant d’atteindre un régime à haute vitesse où F est indépendant de V . Ce deuxième pic correspond à une transition caoutchouc-vitreux de l’adhésif.
Urahama [29] met en évidence la différence de comportement entre des adhésifs réticulés ou non. Les adhésifs commerciaux sont réticulés, mais certains des adhésifs utilisés dans la littérature sont faits sur mesure et peuvent ne pas ˆetre réticulés. Urahama montre que, dans les deux cas, la courbe F (V ) présente deux branches croissantes. Pour l’adhésif non réticul´ le passage d’une branche croissante à l’autre s’accompagne d’une transition de rupture cohésive-adhésive. Cependant, pour l’adhésif réticulé, sur les deux branches croissantes la séparation est adhésive à l’interface adhésif-substrat, avec de la fibrillation. Les théories visco-élastiques ne permettent pas d’expliquer l’existence de deux régions à différentes vitesses et forces de pelage avec le mˆeme mode de séparation. En visuali-sant l’avancée du front de pelage, Urahama montre que l’adhésif se comporte de manières différentes : pour les basses vitesses, il y a des fibrilles d’adhésif en avant du front, alors que pour de hautes vitesses, on observe un motif en dent de scie (cf figure 1.5). Cela suggère des modes de séparation différents.
La forme de la courbe F (V ) est donc accompagnée de différents modes de séparation selon les adhésifs, mais le stick-slip est toujours lié à l’existence d’une chute de la valeur de la force.
Autres origines de la décroissance de (V )
Pour les deux branches stables de la courbe F (V ), on peut appliquer l’équation (1.2). Il existe donc aussi une partie décroissante dans la courbe (V ). Outre les changements de mécanismes de décohésion, d’autres interprétations sont elaborées pour l’expliquer.
Le modèle de la trompette visco-élastique [47]
De Gennes développe un modèle pour essayer d’expliquer la branche décroissante de (V ). Il considère que l’adhésif est un matériau très mou, pour lequel le module basse fréquence 0 est faible, mais le module haute fréquence ∞ est important. Typiquement on peut atteindre λ = ∞ ∼ 100. En prenant en compte un modèle linéaire pour la réponse visco-élastique, le module complexe (ω), avec ω la fréquence de sollicitation, s’écrit :
Usuellement, avec un seul temps de relaxation τ , on considère qu’il existe 2 régimes :
ωτ > 1 et ωτ < 1. Cependant, dans le cas présent, λ ≫ 1, il existe donc 3 régimes :
K0 est associé à l’énergie d’adhésion 0.
La forme de la fissure u(x) peut s’écrire en fonction des paramètres dans les différentes parties :
– Dans la partie solide dur, on a l’équation parabolique classique : u = K0 √x, et σu = K2 0 ∼ 0 . Cette équation reste valable pour x plus grand que la taille microscopique ℓ, correspondant à la taille de la zone “adhésive”, zone où le matériau est fortement déform´ sans rompre, et où les processus non linéaires sont dominants. Comme dans cette région x < V τ , il faut ℓ ≪ V τ .
– ω faible, (ω) = 0 : l’adhésif se comporte comme un caoutchouc ;
– 1>ωτ >λ−1: (ω) ≃ ( ∞ − 0)iωτ = iωη, le module est purement imaginaire, le matériau se comporte donc comme un liquide de viscosité η = ( ∞ − 0)τ ≃ ∞τ ;
– pour des fréquences importantes ωτ > 1, = ∞, l’adhésif est équivalent à un solide fragile.
Pour une fracture se propageant dans le milieu à une vitesse V , de Gennes relie la distance à la pointe de fissure x à la fréquence ω par une simple loi d’échelle : 2πV ω ≃ . (1.5)
Si V n’est pas trop faible (i.e. V τ plus grand que la taille de la fracture), il existe 3 régions en fonction de x (cf figure 1.6) :
– proche de la pointe de fissure, on est à de petites échelles spatiales et donc tempo-relles, l’adhésif se comporte comme un solide fragile,
– dans la région intermédiaire (V τ < x < λV τ ), le matériau se comporte comme un liquide avec une importante dissipation,
– à grande distance, x > λV τ , le milieu est équivalent à un solide mou.
Les corrections visco-élastiques donnent donc un effet multiplicatif sur l’énergie d’adhésion. Le rapport peut ˆetre très grand si le matériau est non réticul´ ( 0 tend vers 0). Cela explique aussi que l’augmentation de avec la vitesse est fortement atténuée quand le polymère est réticul´.
Cette discussion est valable quand la colle est épaisse et casse de manière cohésive. Mais, la plupart du temps, elle est sous forme de couche mince d’épaisseur W . Le processus d’ouverture est alors stoppé à une distance x ∼ W . Dès que λV τ > W , la zone de dissipation est réduite. On est alors dans le cas liquide et on peut écrire σu = VWτ 0, d’où
= V0 Wτ . est alors décroissant avec V et la force de pelage diminue si on augmente V . C’est ce mécanisme de confinement de la trompette visco-élastique qui ici est la cause de la décroissance de (V ) pour des vitesses intermédiaires.
Saulnier et al. [48] vérifient expérimentalement ce modèle pour un adhésif non réticul´. Ils montrent que l’énergie d’adhésion (V ) diminue suivant une loi = 0(1 + VWτ ) pour de faibles vitesses. Pour des vitesses plus elevées, le polymère n’a pas le temps de s’écouler, et a un comportement élastique : (V ) est alors constant. Ces résultats sont en accord avec le modèle de la trompette visco-élastique.
Le raisonnement de de Gennes explique la branche décroissante dans le cas d’un adhésif non réticul´. Or, on observe aussi cette branche dans le cas d’adhésifs commer-ciaux réticulés. D’autre part, il considère une réponse visco-élastique linéaire ; cependant, Barthel et al. [49] montrent qu’il faut prendre en compte les effets du fluage dans l’adhésif, si bien que le modèle de la trompette n’est plus valable.
Prise en compte d’une température inhomogène
Carbone et al. [50] établissent un modèle pour une fracture dans un bloc de caoutchouc. La dissipation visco-élastique f est calculée par une intégrale sur les contraintes et les déformations. En prenant en compte une évolution de la température à l’avant de la fissure, ils calculent numériquement la courbe de l’énergie de fracture réduite γeff/γ0 en fonction de la vitesse réduire V /V0 (cf figure 1.7). Le calcul est fait de deux manières : en prenant en compte ou non une évolution de la température. Il existe 3 régimes différents :
– basse vitesse : les deux calculs donnent le mˆeme résultat (régime “low-speed” sur la figure 1.7), (V ) est alors croissant,
– vitesse elevée, en prenant en compte l’augmentation de T (régime “hot-cracks”), (V ) augmente,
– vitesse elevée, en for¸cant T = T0, la température ambiante (régime “cold-cracks”), (V ) constant.
La courbe (V ), en prenant en compte une évolution de T , peut présenter une partie décroissante dans le régime intermédiaire entre les régimes “low-speed” et “hot-cracks”.
Pour expliquer que (V ) augmente avec la température, on peut considérer le processus suivant : si T = T0 dans tout l’échantillon, quand V est grand, la région proche de la pointe de fissure est dans un état vitreux et contribue peu à l’énergie visco-élastique dissipée. De mˆeme, la région loin de la pointe est dans un état caoutchoutique et ne contribue pas à la dissipation. La plus grande partie de la dissipation a lieu dans la zone intermédiaire de transition (cf figure 1.8). Dans le cas d’une modélisation isotherme, la taille de la zone de transition ne varie pas avec V aux hautes vitesses, d’où une courbe d’énergie de fracture constante. Si on considère l’effet de la température, T augmente surtout dans la région proche de la pointe de fissure. Donc, une partie de la région vitreuse précédente est maintenant dans la région de transition et l’énergie dissipée augmente globalement. En augmentant V , la région de transition devient de plus en plus grande jusqu’à ce qu’elle atteigne la pointe de fissure. Lorsque cela arrive, on passe dans le régime asymptotique “hot cracks”.
Une question reste ouverte : dans quel cas suit-on la branche “hot” ou “cold” crack ? En effet, si l’accélération est trop forte, l’élévation de température n’a pas le temps de diffuser autour de la pointe de fissure, le système peut alors rester dans un état “cold crack”.
Si on suppose que l’adhésif se comporte comme un caoutchouc, on peut appliquer le mˆeme raisonnement dans le cas du pelage d’un film adhésif. Nous avons effectu´ des expériences préliminaires avec une caméra infrarouge, qui ont montré l’existence d’une elévation de température au niveau du front de pelage, ce qui pourrait ˆetre lié au modèle présent´ ici.
Expériences et théories sur le stick-slip lors du pelage d’un adhésif
Différents types de mesures ont et´ effectués pour caractériser le stick-slip : mesure de la force au point de pelage [25, 26, 28, 46, 51–53], analyse des échantillons post-mortem [16, 28, 46, 52], étude des émissions acoustiques [32, 53–55] ou lumineuses [32, 56] et finale-ment visualisation directe [51, 57, 58]. Nous allons présenter les résultats expérimentaux principaux et les modèles théoriques qui tentent de les expliquer.
Mesure de force à angle fixé
Aubrey et al. [26] mesurent les fluctuations de la force pendant un pelage avec stick-slip. Ils montrent que la force moyenne diminue avec V et les maxima et minima locaux de la force en fonction du temps sont compris entre les valeurs aux points A et O de la courbe F (V ) (cf figure 1.4).
Ils décrivent qualitativement les cycles de stick-slip en s’appuyant sur la courbe F (V ) (cf figure 1.4). Pendant l’expérience, on impose une vitesse V telle que Va < V < Vc. Au début d’un cycle, on suppose qu’on se situe au point O. Comme la vitesse de ce point est plus faible que la vitesse imposée, la vitesse du point de pelage va augmenter. Si on suppose la phase de stick quasi-statique, la vitesse va augmenter selon la branche OA, et la force de pelage va aussi augmenter. Au point A, la force ne peut plus augmenter, elle va donc décroˆıtre pour rejoindre à nouveau le point O. Cette description du cycle, très qualitative, explique que pendant le stick-slip la force oscille entre les valeurs du point A et du point O.
Aubrey et al. étudient aussi l’influence de l’angle de pelage θ sur le stick-slip. Ils montrent que lorsque θ diminue, selon la vitesse de pelage, le pelage passe de stick-slip à stable (pour V = 1.7 mm s−1) ou de stable au stick-slip (pour V = 5 mm s−1). Les vitesses d’apparition et de disparition du stick-slip augmentent donc quand θ diminue. Ils montrent que ces vitesses sont toutes affectées par un changement d’angle, la gamme de présence de stick-slip est donc juste décalée vers de plus hautes vitesses quand l’angle diminue, et ne semble ni s’agrandir, ni rétrécir.
Mesures de Barquins, Maugis ET AL.
Barquins, Maugis et al. [28, 46] effectuent des expériences en géométrie rouleau (cf figure 1.2(b)) à vitesse imposée V , avec un adhésif commercial : le Scotch R 3M 602. Ils observent du stick-slip pour Va = 6.12 × 10−2 < V < Vc = 2.1 m s− 1. Ils mesurent la force de pelage F pendant l’expérience à l’aide d’un couplemètre, et calculent le taux de restitution de l’énergie mécanique qui vaut ici G = Fb , égal à l’énergie d’adhésion dans le cas d’un pelage stable. Comme décrit dans la partie précédente (et représent´ sur la figure 1.4), G(V ) présente deux branches croissantes pour V < Va et V > Vc ; une représentation schématique est montrée sur la figure 1.9. Pour l’adhésif etudié, les auteurs indiquent que la branche OA est divisée en deux parties : pour des vitesses faibles la séparation est cohésive, pour des vitesses plus elevées elle est adhésive.
Pour V < 0.65 m s−1, Barquins et al. sont capables d’extraire la fréquence de stick-slip à partir des oscillations des signaux de force. Ces fréquences sont compatibles avec leurs observations post-mortem. En effet, pour chaque cycle, il existe une transition de rupture cohésive-adhésive, qui laisse des traces sur la bande pelée. En mesurant la séparation entre deux traces, ils calculent la fréquence de stick-slip. La période temporelle Tss augmente à peu près linéairement avec la longueur de ruban pel´ L, qui correspond à la distance entre le point de pelage et le point d’enroulement sur le moteur. La fréquence fss = 1/Tss augmente linéairement avec V (cf figure 1.10).
Barquins et al. établissent un modèle expliquant leurs observations expérimentales. Ce modèle est basé sur une approche quasi-statique des cycles de stick-slip, en considérant que l’énergie de fracture est égale au taux de restitution de l’énergie G à tout instant du cycle. La dynamique de pelage suit la courbe G(V ) (cf figure 1.9) : pendant un stick, la vitesse de pelage vp augmente de V0 à Va suivant la branche OA. Au point A, il y a un saut instantané de vitesse de Va à Vb et on entre dans la phase de slip. La vitesse suit ensuite la branche BC avant de sauter de Vc à V0 à la fin du slip. Suivant cette approche, les sauts de vitesse sont supposés instantanés et le temps passé sur la branche BC est très court. On peut donc négliger la durée de la phase de slip devant celle de la phase de stick. Si on suppose finalement que le ruban reste tendu uniformément pendant le stick-slip, Ga est le maximum de la branche stable “lente” lent(vp) de G(V ) (OA sur la figure 1.9). G0 est la valeur minimale au début de la branche stable “rapide” rapide(vp) de G(V ) (CB sur la figure 1.9) et est la valeur supposée au début de la phase de stick.
Le modèle est ensuite comparé aux résultats expérimentaux : l’intégration de l’équation (1.9) est montrée en trait plein sur la figure 1.10. Sur la gamme de paramètres etudiés, il y a un bon accord entre les données expérimentales et le modèle. Ce modèle explique donc les valeurs de fréquence observées, et les marques laissées sur l’adhésif (en parcourant la branche OA on passe d’une séparation cohésive à adhésive), mais il n’ex-plique pas les observations pour V > 0.65 m s− 1. En effet, pour ces expériences à vitesses plus importantes, Barquins et al. remarquent que les oscillations de la force deviennent sinuso¨ıdales, en particulier pour de très faibles longueurs de ruban, et que les marques disparaissent sur l’adhésif pel´.
Pour expliquer le stick-slip pour V > 0.65 m s−1, Maugis et al. [46] développent un modèle prenant en compte l’inertie du rouleau. Ce modèle comporte 2 variables : la force F instantanée au point de pelage et la vitesse vp du point de pelage. Ils considèrent alors que le rouleau a le mˆeme mouvement que le point de pelage, ce qui interdit des sauts instantanés de vitesse. Ce modèle permet de décrire la dynamique sous forme de cycles limites illustrés sur la figure 1.11. Il permet d’expliquer la possibilité d’observer des oscillations sinuso¨ıdales de la force plutˆot que des oscillations de relaxation. D’autre part, selon ce modèle, les valeurs minimales et maximales de la force pendant un cycle peuvent ˆetre différentes de G0 et Ga. Cela explique l’absence de marques sur l’adhésif pel´ : si la valeur minimale de G est plus elevée que celle de la transition de rupture cohésive-adhésive, le pelage sera purement adhésif, et aucune marque ne sera laissée. Ce modèle prédit une bifurcation de Hopf supercritique, avec des oscillations qui apparaissent progressivement dès que V > Va.
En 1997, Barquins et al. [32] effectuent des expériences en géométrie rouleau à force imposée sur un adhésif commercial (Scotch R 3M 600). Ils mesurent la vitesse moyenne de déroulement V et tracent la courbe F (V ). De manière spontanée, trois branches sont obtenues pour différentes masses (cf figure 1.12) : M ≤ 160 g correspond à la branche A ; 160 ≤ M ≤ 500 g correspond à du stick-slip sur la branche B ; M ≥ 500 g correspond à la branche C. Cependant, on voit sur la figure 1.12 qu’une force donnée peut correspondre à trois comportements différents. Expérimentalement, en accrochant simplement une masse M < 160 g à l’extrémit´ du ruban adhésif le pelage est stable. Mais, en for¸cant une accélération brutale en tirant le ruban vers le bas, du stick-slip peut ˆetre déclench´ si bien qu’on se trouve alors sur la branche B. Pour obtenir la branche C pour une masse identique, le protocole suivant est effectu´ : une première masse M1 est attachée proche du ruban, reliée à une masse M2 par un fil de nylon de 10 m ; au début de l’expérience, la masse appliquée est M1 + M2 > 500 g et le pelage se fait sur la branche C ; puis, quand M2 touche le sol, le ruban est soumis uniquement à la masse M1 < 500 g mais avec une importante vitesse. Cela permet d’obtenir les points au début de la branche C. Dans cette expérience à force imposée, pour une masse donnée, le pelage comporte 3 points de fonctionnement. Selon les conditions initiales, le pelage se fera suivant l’un de ces 3 points.
Caractérisation indirecte du stick-slip à partir des émissions acous-tiques
Les émissions acoustiques sont mesurées dans différentes études. Gandur et al. [53] étudient un adhésif commercial en géométrie rouleau, et mesurent la force de pelage à vitesse imposée V , ou les émissions acoustiques dans des expériences à force constante.
Ils montrent que les spectres de la force instantanée F (t) sont très larges, ce qui est ca-ractéristique d’un comportement chaotique. Pour les expériences à vitesse imposée, les pics des spectres aux fréquences fss sont extraits. Gandur et al. calculent ensuite l’amplitude de stick-slip Ass, selon l’expression Ass = V /fss, qui augmente avec V et dépend aussi de la longueur de ruban pel´ L. La courbe de force moyenne en fonction de V est non mono-tone (cf figure 1.13), et ils observent du stick-slip pour toutes les vitesses etudiées. Comme le pelage n’est pas stable, on ne peut pas relier directement F à l’énergie d’adhésion, mais la décroissance de F (V ) est probablement liée à une décroissance de l’énergie d’adhésion. Le signal acoustique présente des bouffées qui semblent correspondre aux evénements de slip. Gandur et al. montrent aussi que le stick-slip présente une transition vers le chaos.
Ciccotti et al. [54] enregistrent les émissions acoustiques dans une expérience en géométrie rouleau à vitesse imposée, avec un adhésif commercial. Ils mesurent l’inter-valle temporel Δt entre deux evénements. Pour V faible, les émissions acoustiques sont composées de bouffées abruptes suivies d’une décroissance lente oscillante. Δt est alors pro-portionnel à 1/V , ce qui est en accord avec le modèle quasi-statique décrit par Barquins et al. [28, 46] (cf partie 1.3.2). Cependant, quand V augmente, les evénements deviennent de plus en plus irréguliers. Ciccotti et al. identifient dans ce signal une cascade de com-plexité, avec des doublements de période, qui suggère une transition vers le chaos. Pour V > 3 m s−1, le stick-slip disparaˆıt.
Un modèle inertiel à 3 variables
Le modèle inertiel de Maugis et al. [46] interdit des sauts de la vitesse du point de pelage, or ces sauts peuvent ˆetre observés expérimentalement dans certaines conditions.
En 1998, Ciccotti et al. [59] reprennent donc ce modèle inertiel. Maugis et al. prenaient en compte l’inertie du rouleau en utilisant un système à deux variables (F , vp). Ciccotti et al. ajoutent une troisième variable : la vitesse de rotation du rouleau, qui n’est alors plus strictement égale à celle du point de pelage. Dans ce modèle à 3 variables, on peut autoriser des sauts de vitesse pour le point de pelage, ce qui rejoint des observations expérimentales. Hong et al. [60] utilisent ce modèle et des simulations numériques basées sur la courbe G(V ) expérimentale trouvée par Maugis et al. [46]. Ils montrent que, pour des vitesses importantes, le stick-slip peut devenir chaotique. Il reste à étudier plus en détail ce modèle pour prédire le type de bifurcation lors de l’apparition et de la disparition du stick-slip.
De et al. [61–64] reprennent le modèle à 3 variables précédemment décrit. Pour résoudre numériquement les équations, ils utilisent une forme F (vp, V ) pour la force de pelage, avec une dépendance ad hoc avec la vitesse de pelage et la vitesse imposée V . Ils trouvent alors un accord qualitatif entre les résultats des simulations numériques et les émissions acoustiques enregistrées durant des expériences.
Une géométrie de pelage particulière
Yamazaki et al. [51] réalisent des expériences avec un adhésif commercial depuis un substrat plan (cf figure 1.14). L’adhésif est pel´ sur son propre dos, et son extrémit´ est connectée à un moteur d’enroulement via un ressort de constante k. L’angle de pelage est θ ≃ 90o. La force de pelage est mesurée, et le front est visualisé à l’aide d’un microscope. Les vitesses de pelage sont suffisamment lentes (0.005 ≤ V ≤ 0.17 mm s−1) pour pouvoir résoudre le mouvement du front.
Table des matières
Introduction
1 état de l’art
1.1 Le pelage d’adhésifs
1.1.1 Géométries de pelage
1.1.2 Lien entre force de pelage et énergie d’adhésion
1.1.3 Influence de différents paramètres sur l’énergie d’adhésion
1.1.4 Différent modes de rupture
1.2 Courbe de force d’adhésion en fonction de la vitesse de pelage
1.2.1 Courbes expérimentales
1.2.2 Autres origines de la décroissance de (V )
1.3 Expériences et théories sur le stick-slip lors du pelage d’un adhésif
1.3.1 Mesure de force à angle fixé
1.3.2 Mesures de Barquins, Maugis et al.
1.3.3 Caractérisation indirecte du stick-slip à partir des émissions acoustiques
1.3.4 Un modèle inertiel à 3 variables
1.3.5 Une géométrie de pelage particulière
1.3.6 Visualisation du point de pelage en imagerie rapide
1.3.7 Fracture transverse dans la phase de slip
1.4 Objectifs
2 Pelage en géométrie rouleau, à vitesse et longueur de pelage contrˆolées
2.1 Dispositif expérimental
2.2 équations cinématiques
2.3 Mesure de la force de pelage
2.4 Mouvement du point de pelage
2.4.1 Observation directe par imagerie rapide
2.4.2 Analyse d’image
2.4.3 Cycles de stick-slip – Moyennes de phase
2.5 Durées et amplitudes de stick-slip
2.5.1 Valeurs instantanées
2.5.2 Valeurs moyennes
2.5.3 Analyse séparée des phases de stick et de slip
2.6 Comparaison à un modèle de pelage quasi-statique
2.6.1 Limite de l’approche quasi-statique : sous-estimation des durées de stick-slip
2.6.2 Une phase de stick quasi-statique
2.6.3 Durées de slip
2.6.4 Discussion
2.7 Mouvement pendulaire du rouleau et intermittence du stick-slip
2.7.1 Mouvement pendulaire du rouleau
2.7.2 Variation de l’angle
2.7.3 Intermittence du stick-slip
2.7.4 Corrélation entre stick-slip et angle de pelage
2.8 Conclusion
3 Pelage sur substrat plan, à angle, vitesse et longueur de pelage contrˆolés
3.1 Dispositif expérimental
3.2 équations du mouvement du point de pelage
3.3 Mesure expérimentale de la cinétique du point de pelage
3.3.1 Imagerie rapide et analyse d’images
3.3.2 Pelage régulier
3.3.3 Pelage saccadé
3.4 Définition des cycles de stick-slip
3.4.1 Amplitudes et périodes instantanées
3.4.2 Moyennes de phase
3.5 Caractérisation de l’instabilité
3.5.1 Une transition de caractère sous-critique
3.5.2 Influence de l’angle de pelage sur les seuils de l’instabilité
3.5.3 Influence de l’angle de pelage sur l’amplitude de l’instabilité
3.5.4 Périodes de stick-slip
3.5.5 Variation d’élongation durant un cycle
3.6 Phases de stick et de slip
3.6.1 Définition des phases de stick et de slip
3.6.2 Rapport des durées des deux phases
3.6.3 Modèle quasi-statique
3.6.4 Discussion : une définition difficile des phases de stick
3.7 Cycles hδui vs. hvpi
3.8 Conclusion
4 Modèle de dynamique de pelage prenant en compte l’inertie du ruban
4.1 Modélisation simple du régime inertiel
4.1.1 Prise en compte d’effets inertiels
4.1.2 Estimation expérimentale de l’inertie
4.2 Régimes quasi-statique et inertiels
4.2.1 Régime quasi-statique
4.2.2 Régime inertiel
4.2.3 Transition entre les régimes quasi-statiques et inertiels
4.3 Comparaison expériences-modèle, cas du substrat plan
4.3.1 Critère pour identifier le régime de pelage
4.3.2 Variation d’élongation et périodes de stick-slip
4.4 Vérification quantitative du modèle dans la géométrie rouleau
4.5 Calcul numérique à partir des équations du mouvement
4.5.1 Résolution numérique
4.5.2 Premiers résultats : présence du stick-slip
4.5.3 Influence de l’inertie μ
4.5.4 Comparaison résolution numérique-expériences : géométrie rouleau
4.5.5 Comparaison résolution numérique-expériences : expérience sur substrat plan
4.6 Conclusion
5 Micro stick-slip
5.1 Dispositif expérimental
5.2 Analyse d’image de visualisation du front
5.3 Domaine d’existence de la micro instabilité
5.4 Caractérisation du micro stick-slip
5.5 Influence des paramètres sur la taille et la durée des micro stick-slips
5.5.1 Influence de la longueur
5.5.2 Influence de la vitesse
5.5.3 Influence de l’angle
5.5.4 Influence du système adhésif-substrat
5.6 Visualisation de cˆoté
5.6.1 Profils du ruban
5.6.2 Extraction de la force de pelage
5.6.3 évolution de la force pendant un évènement de slip
5.7 Modèle
5.8 Signaux acoustiques
5.8.1 Signaux temporels
5.8.2 Spectres
5.9 Conclusion
Conclusion et perspectives
A Pelage sur substrat plan, à angle, vitesse et longueur de pelage contrˆolés
– Figures supplémentaires
A.1 Périodes de stick-slip
A.2 élongation maximale durant un cycle
A.3 Amplitude de l’instabilité
A.4 Expériences aux faibles longueurs
B Forme du ruban
B.1 Calcul analytique
B.1.1 Cas d’un ruban inextensible
B.1.2 Cas d’un ruban extensible
B.2 Simulations numériques
B.2.1 Système d’équations
B.2.2 Résolution numérique
B.3 Comparaison des résultats
B.3.1 Forme du ruban
B.3.2 énergie de courbure
B.3.3 énergie élastique
B.4 Comparaison à des données expérimentales
B.5 Conclusion
C Rubans adhésifs sur-mesure – étude préliminaire
C.1 Propriétés des adhésifs
C.1.1 Rhéologie
C.1.2 Structure de l’interface
C.2 Périodes de stick-slip
C.3 Micro stick-slip
C.4 Mesure de couple
C.5 Conclusion
D Répulsion et attraction entre deux fissures
Bibliographie