Patients et Critères de jugement
Il s’agissait d’une étude observationnelle prospective multicentrique de cohorte réalisée au sein de deux unités de cardio-oncologie d’hôpitaux universitaires français : l’Hôpital Nord (Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille) et l’Hôpital Saint Antoine (Assistance Publique – Hôpitaux de Paris). Ces deux unités fonctionnent selon le même schéma, à savoir, une collaboration étroite avec les services d’onco-hématologie, l’application de protocoles de surveillance standardisés des patients sous traitements anticancéreux présentant une toxicité cardiovasculaire potentielle et des consultations spécifiques de cardiooncologie.
Tous les patients recevant ou devant recevoir de l’ibrutinib entre Janvier 2015 et Janvier 2018 quelle que soit l’indication, adressés en consultations de cardiooncologie étaient inclus de façon consécutive dans l’étude. Etaient exclus les patients n’ayant bénéficié d’aucun suivi après une première consultation de cardiooncologie. Les patients ont donné leur consentement et le protocole a été approuvé par le Comité de Protection des Personnes EST IV.
Données collectées et suivi
Après avoir été adressé par un onco-hématologue via un formulaire standardisé (Annexe 1), chaque patient bénéficiait de consultations de cardio-oncologie. Au cours de ces dernières étaient systématiquement réalisés un examen clinique, un électrocardiogramme douze dérivations (ECG) ainsi qu’une échographie transthoracique (ETT) en utilisant un échographe de type Vivid E7, E95 ou E9 (General Electric, Horten, Norway). Un compte rendu standardisé était ainsi complété à la fin de chaque consultation (Annexe 2).
Sur le plan clinique, tous les cliniciens avaient pour consigne un dépistage de FA par prise systématique de pouls lors des consultations onco-hématologiques et la réalisation d’un ECG lors de chaque consultation de cardio-oncologie. Pour chaque patient le risque thromboembolique systémique, ainsi que le risque hémorragique Patients et Critères de jugement 9 étaient calculés respectivement par les scores de CHA2DS2-VASC (39) et HASBLED (40). Pour les patients sans antécédents de FA, un score prédictif de survenue de FA à 10 ans le « CLL AF Risk Score » (intégrant les items : âge, sexe, hypertension artérielle (HTA), valvulopathies) initialement développé et validé pour les patients porteurs d’une LLC était calculé (41). Les patient étaient classés en quatre groupes selon le score obtenu : [0 ; 1], [2 ; 3], 4, ≥ 5. (Annexe 3).
Les données onco-hématologiques (effets indésirables extracardiaques, progression, suspension traitement) étaient, quant à elles, recueillies lors du suivi par l’onco-hématologue traitant. Concernant les données échographiques : les volumes ventriculaires gauches et la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) étaient mesurés selon la méthode Simpson biplan, le volume de l’oreillette gauche (OG) était mesuré selon la formule surface-longueur et indexé à la surface corporelle, les valvulopathies éventuelles étaient quantifiées selon les méthodes recommandées (42, 43), le strain global longitudinal systolique du ventricule gauche (GLS) était mesuré par « speckle tracking imaging » selon les recommandations (44)
La réalisation et les modalités d’un monitoring du rythme cardiaque
(Holter ECG 24h, enregistrement d’évènements longue durée) n’était pas systématique et laissée à l’appréciation du cardiologue réalisant la consultation. Le délai entre l’introduction de l’ibrutinib et la première consultation cardio-oncologique était laissé à l’appréciation de l’onco-hématologue. Une fois la première consultation de cardio-oncologie réalisée, les consultations de suivi de cardio-oncologie devaient être réalisées si possible tous les 3 mois.
La prise en charge de la maladie hématologique et des évènements cardiovasculaires n’était pas prédéfinie par un protocole et effectuée en fonction d’une discussion pluridisciplinaire entre cardiologues et hématologues. 10 Le critère de jugement principal était l’incidence et le délai de survenue d’un épisode de FA (ou flutter atrial) d’une durée ≥ 30 secondes sur un ECG, un Holter ECG ou enregistreur d’évènements de longue durée. L’épisode de FA sous ibrutinib était retenu en cas de documentation après la première prise d’ibrutinib chez un patient sans antécédent d’arythmie, ou en cas de documentation après la première prise d’ibrutinib chez un patient avec antécédent d’arythmie mais en rythme sinusal lors de l’initiation du traitement.
L’excès de survenue de FA était étudié par rapport à celle attendue dans la population générale et à celle attendue chez les patients présentant une LLC non exposés à l’ibrutinib par comparaison aux données issues de deux grandes études épidémiologiques (41, 45). La sévérité des accès de FA était définie selon les classifications CTCAE v5.0 (46) et EHRA.