De Villers (2009) définit l’identité comme étant « le caractère essentiel et permanent d’une personne, d’une groupe » (p.89). Dans une perspective communautaire, Legendre (2005) conçoit l’identité comme étant « une structure psychosociale constituée des caractères fondamentaux les plus représentatifs d’une personne ou d’un groupe» (p.750). Circonscrire l’identité qualifiée de professionnelle représente une tâche complexifiée par le fait que chacune des professions définit son identité en fonction de ce qui la distingue des professions apparentées du domaine des services qu’elle offre à une population donnée. Il n’y a donc pas de définition harmonisée de la notion d’identité professionnelle. Par contre, elles présentent des caractéristiques communes. Causer et Engel (2009) définissent les identités professionnelles comme « un ensemble de valeurs propres à un champ professionnel qui incorpore une histoire et une rhétorique légitimant l’action des professionnels concernés» (p.55). Dubar figure les identités professionnelles comme « des manières sociales et reconnues, pour les individus, de s’identifier les uns aux autres dans le champ du travail et de l’ emploi» (cité dans Causer, Durand et Gasparini, 2009, p.7). Il a élaboré une conceptualisation du processus d’appropriation d’une identité professionnelle qui prend en compte des éléments personnels et collectifs qui la constituent. En s’ appuyant sur les travaux de Dubar (2010), Legault (2003 , 2008) a développé un modèle figurant le processus de structuration de l’identité professionnelle.
Le choix d’ associer la conceptualisation de Dubar (2010) et la modélisation de Legault (2003 , 2008) repose sur les motifs suivants. Tout en reconnaissant l’interdépendance des dimensions sociale et personnelle de l’identité, Dubar accorde prédominance aux influences environnementales sur les facteurs psychologiques dans le cours du processus d’ appropriation d’une identité professionnelle distinctive. Quant à Legault, en s’ appuyant sur les travaux de Dubar, il examine les éléments personnels et collectifs dans une perspective interactionniste. De plus, la modélisation qu’il propose a émergé de travaux ciblant plusieurs professions du domaine psychosocial au Québec : les travailleurs sociaux, les psychologues, les médecins, les éthiciens, etc. Enfin, Legault et ses collaborateurs précisent la contribution de l’ ordre professionnel d’ appartenance à la singularité de tel ou tel professionnel.
Conceptualisation de Dubar
Dubar (2010) conçoit l’identité comme étant « le résultat à la fois stable et provisoire, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui conjointement construisent les individus et définissent les institutions» (p.105) .
En référence au processus d’ appropriation d’ une identité sociale (identité professionnelle), l’ auteur définit deux trajectoires interdépendantes: les trajectoires objective et subjective. La trajectoire objective est associée à la dimension sociale (identité pour autrui) et est fondée sur la reconnaissance par autrui des attributs qui caractérisent une personne. La trajectoire subjective est associée à la dimension personnelle (identité pour soi) et est constituée de deux éléments: 1) les interprétations (représentations) que toute personne élabore au sujet des événements intervenus dans le cours de son histoire personnelle et 2) les anticipations relatives à son devenir rapproché ou lointain.
Dubar figure la dualité de l’identité par l’interrelation entre les dimensions sociale (structurelle) et personnelle (biographique) dans le cours du processus de structuration d’une identité sociale. La dimension sociale (identité pour autrui) est fonction de la reconnaissance par autrui des attributs qui caractérisent l’individu. Sur le plan identitaire, elle s’ exprime d’abord par l’ expression ce que l ‘on veut que je sois; puis, par ce que l ‘on dit que je suis. La dimension personnelle (identité pour soi) est fonction à la fois des attentes environnementales (familles, écoles, communauté) et des accomplissements (études, réalisations) de l’individu. Sur le plan identitaire, elle correspond d’abord à ce que je veux être; puis, à ce que je dis que je suis.
Des décalages, des contradictions entre l’identité pour autrui et l’identité pour soi représentent des sources de tension qui entrainent des transactions à la fois avec autrui (externes, sociologiques) et avec soi-même (internes, psychologiques) pour atteindre à une identité professionnelle adaptative (accessible, possible)
Ainsi, sur le plan développemental, l’identité sociale résulte des interactions évolutives entre la représentation que les autres véhiculent à propos d’une personne et les représentations que la personne élabore au sujet d’ elle-même.
Modélisation de Legault
Legault (2003 , 2008) a conçu un modèle figurant le processus de structuration de l’identité professionnelle. Il affirme que ce qui est vrai des identités personnelle et sociale l’ est aussi de l’identité professionnelle.
Legault exprime cette conviction en recourant à la formulation suivante: « qui je suis dans le qui nous sommes? » Autrement dit, qu’ est-ce que qui me rend identique à moi-même dans la multiplicité des formes que pourrait prendre ma trajectoire professionnelle? Qu’ est-ce qui est commun à tous ceux et celles qui revendiquent le fait d’ être des psychoéducateurs et psychoéducatrices? Trouver des éléments de réponse à ce double questionnement repose sur un examen attentif des composantes symbolique et sociale de l’identité professionnelle.
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