Toute culture nationale est composée d’une série de représentations stéréotypées formant une mythologie, un corpus de légendes qui engendre des topos archétypiques. C’est en s’identifiant avec cet univers de signes symboliques communs à toute une communauté que se définit une appartenance nationale. Ainsi, on ne peut pas être membre à part entière d’un groupe sans participer à cet univers reçu en héritage. Cette participation est indépendante de notre volonté mais un acte de volonté consciente nous le fait accepter comme bien commun.
L’univers commun des signes symboliques s’éteint et se renouvelle en conservant une certaine continuité puisqu’il est le terrain sur lequel se rencontrent les différentes générations. Etant une partie du trésor commun de la patrie spirituelle cet univers suscite des réactions émotionnelles et permet d’opposer une communauté aux étrangers. Cette affection naît avec le sentiment d’appartenance à une nation. C’est pour cela que les membres d’une communauté aiment les figures, les lieux reconnus seulement par eux, tel le Paris polonais, pour la nation polonaise. Si Paris fait partie de l’arsenal de la culture nationale polonaise, c’est qu’il a accompagné, inspiré la nation polonaise et est devenu leur patrie spirituelle. Toutefois, les mythes ne sont pas un matériau figé, sans cesse repris par le langage, les arts, la littérature ; leur évolution suit les changements sociaux et ils s’ouvrent à de nouvelles interprétations du monde et de l’homme.
L’histoire de la Pologne regorge de mythes nationaux et le Paris polonais en fait partie. Le Paris des Polonais reçoit une charge émotionnelle, devient leur patrie spirituelle par laquelle les Polonais s’opposent aux étrangers. Ils y voient leurs héros nationaux, leurs exilés et leurs morts. Cette partie est constituée, en plus d’images historiques, des gens et des terres, des reliques spirituelles conservées dans la mémoire collective. La légende d’une patrie parisienne polonaise s’élargit passant du thème principal à des thèmes annexes tels que la légende de Napoléon, ou la renommée de la langue ou l’Art de Paris. Cet univers des signes symboliques remplit une fonction de ciment liant les Polonais entre eux sur le plan de l’imagination et de l’émotion.
Le démembrement de la Pologne a coïncidé avec la Révolution Française. Les Etats fédéraux qui ont effectué le partage sont aussi les adversaires de la France. C’est pourquoi les espoirs de recouvrer l’indépendance en Pologne peuvent être liés avec ce pays. Il devient le centre d’une pensée nationale romantique. C’est dans cette direction également que se tournent les yeux des réformateurs polonais. Des siècles durant la France a exercé une très grande influence sur la Pologne dans le domaine de la culture, surtout au siècle des Lumières et au XIXe siècle. La société polonaise cherchait alors instinctivement dans la culture française un contrepoids à la pression des cultures des Etats occupants. Cet attrait ira grandissant jusqu’à la fin du XXe siècle. Le Paris polonais construit à partir d’un sentiment national polonais est nourri de faits historiques, d’actions politico-guerrières mais aussi de symboles et de légendes construites autour des héros nationaux. Ainsi, l’insurrection de T. Kosciuszko et les légions du général Dabrowski ont contribué à mythifier Napoléon.
Grâce aux romantiques le mythe du Paris polonais a atteint son apogée. Car, c’est sur les épaules des littérateurs émigrés dans la capitale française qu’a pesé la charge d’entretenir la flamme patriotique et d’incarner le sentiment national. Eux seuls pouvaient encore affirmer la pérennité de la nation polonaise en soutenant son courage et en affermissant son désir de liberté. Même s’ils le faisaient de manière subjective et imaginative, car le mythe littéraire est le fruit d’une individualité, la vision personnelle d’un grand nombre de Polonais demeure l’image de référence et le lieu de reconnaissance d’une nation .
La Belle Epoque constituera la période la plus prolifique d’échanges entre la France et la Pologne. Les Polonais viennent de retrouver leur indépendance et se montreront particulièrement disponibles à l’égard d’un renouveau culturel, artistique plus sensible à Paris que dans d’autres capitales. C’est aussi dans ces mêmes années que se développeront des institutions entreprenant de structurer des échanges délaissés à la veille de la Grande Guerre. La guerre de 1939 ne mettra pas un terme à tous ces contacts. Après la Libération une nouvelle émigration polonaise fera de Paris un lieu de refuge politique et intellectuel. Le but de notre recherche sera de permettre aux apprenants polonais de découvrir, d’analyser les influences franco-polonais dans leurs échanges sociaux, économiques, politiques, artistiques, littéraires, scientifiques et intellectuels. Il ne s’agira pas de raconter l’histoire parallèle des deux pays mais d’accentuer le partage d’idées, d’engagements pour les mêmes causes qui ont permis aux Polonais de faire de Paris leur refuge et leur capitale culturelle. Puisque la notion de représentations incorpore une relation à la réalité sociale, où les rapports de forces géopolitiques et les conflits symboliques sont parlants, celles-ci deviendront un support indispensable dans une classe de Français Langue Etrangère. Elles prendront en compte l’identité des apprenants pour introduire la pluralité des points de vue et pour rendre pluriculturel l’apprentissage de la langue/culture française. Dans le contexte de mondialisation et de libre circulation, l’enseignement du français en Pologne devra explorer et exploiter des méthodes moins traditionnelles, innovantes qui visent les jeunes adultes en formation et ceux qui entrent sur le marché du travail. La sensibilisation aux enjeux socioprofessionnels du français pourrait s’inspirer davantage des représentations qu’ont les apprenants polonais de la France, du Paris des Slaves, des Français et de la langue française.
Les émeutes raciales, la xénophobie, le racisme et la montée des extrémismes poussent les sociologues, les philosophes, les pédagogues à analyser, à redéfinir les rôles, les enjeux de l’école dans les contextes pluriethniques, multilingues et pluriculturels.
Les sociétés modernes sont ancrées dans une hétérogénéité en constante croissance. Elles deviennent multiples non seulement sur le plan culturel, linguistique, social, religieux, régional, mais aussi aux niveaux européen et mondial. Il est impossible à l’individu d’aujourd’hui d’échapper à cette diversité culturelle. Elle est devenue omniprésente, d’une part, par l’ouverture des frontières et la réduction des distances géographiques liée à l’évolution technologique des moyens de transports de plus en plus performants et efficaces ; d’autre part, par le développement des médias, des moyens de communication rapides qui permettent la connaissance immédiate des informations mais qui, en conséquence, banalisent l’expérience de l’altérité. Ainsi, les sociétés d’aujourd’hui sont caractérisées par l’omniprésence de l’Autre, de l’étranger qui désormais en fera partie pour toujours. L’école est devenue un lieu de confrontation directe et/ou symbolique de la diversité culturelle. Sa nouvelle mission l’inscrit au cœur des enjeux culturels pour former l’individu de demain. Cette société sera plurielle dans ses formes de socialisation, d’éducation, de sociabilité, de structuration identitaire, de langages, de communication, de modes de vie et de savoir-vivre avec les autres. «L’apprentissage consiste en un métissage. Etrange et original, déjà mélangé des gènes de son père et de sa mère, l’enfant n’évolue que par ces nouveaux croisements ; toute pédagogie reprend l’engendrement et la naissance d’un enfant : né gaucher, il apprend à se servir de la main droite, demeure gaucher, renaît droitier, au confluent des deux sens; né garçon, il le reste et devient français, en fait métissé ; français il voyage et se fait espagnol, italien, anglais ou allemand ; il épouse et apprend leur culture et leur langue, le voici quarteron, octavon, âme et corps mêlés. Son esprit ressemble au manteau nué d’Arlequin » .
La problématique interculturelle est apparue dans le milieu scolaire sous l’expression « activités interculturelles ». Elles ont été introduites dans le cadre de l’enseignement de la langue et de la culture d’origine en ayant pour objectifs une insertion des enfants étrangers dans le système scolaire et une réadaptation facilitée dans le pays d’origine en cas de retour de la famille.
Dès 1986, l’approche interculturelle a élargi les compétences linguistiques des apprenants aux compétences culturelles. Puisque la compétence linguistique n’est pas suffisante dans la communication des sociétés plurielles, cette nouvelle approche cherche à développer chez les apprenants les compétences spécifiques pour l’apprentissage de l’étrangéité et l’altérité linguistique et culturelle. Apprendre une langue étrangère comprend désormais une capacité à voir l’environnement physique et humain de l’Autre en empruntant une perception différente, la perception de l’Autre. L’enjeu consiste en une relation entretenue avec autrui, en une relation qui renvoie à l’identité propre, identité dans la relation, dans la communication ; mais aussi en la capacité de savoir reconnaître en situation donnée qui on est. C’est un apprentissage ayant pour but d’objectiviser la manière, les manières d’être français, polonais.
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