Parentalité et accompagnement des bénéficiaires du don de gamètes
Vécu et ressentis après la naissance de l’enfant
Toutes les mères ont pu accoucher par voie basse. Pour la plupart des couples, il y a un « bon vécu » de l’accouchement : « Je pense que j’ai eu beaucoup de chances, c’était vraiment du début à la fin c’était top » (Virginie, L466 à 467). Cependant, ce dernier a pu avoir également des aspects « stressant » soit seulement pour l’un des deux conjoints soit pour le couple : « C’était quand même moi qui ai suggéré qu’il n’y ai pas la césarienne, là je me suis senti seul quand même ! » (Paul L369). Il est important de noter qu’une étude soulève que l’accouchement peut paraître stressant voir traumatique également pour les personnes ayant des grossesses spontanées : « […] l’accouchement peut se révéler être un événement traumatique […] » (Denis, 2009). Lors du séjour à l’hôpital, tous les couples furent « heureux d’être entouré » : « Non, j’ai trouvé qu’à l’hôpital, ils étaient assez prévenants et disponibles pour nous expliquer tout ce qu’il fallait » (Amanda, L292 à 293), de pouvoir bénéficier d’explications et de conseils de la part du personnel soignant mais à la lecture de l’article suivant, il est fort de constaté que le soutien est important pour tout type de parents : « Ainsi ces éléments nous indiquent à quel point le soutien social des femmes en transition vers la maternité est nécessaire » (Capponi, 2007). Cependant trois d’entre eux relatent un « stress dû à un professionnel de santé », par exemple en inscrivant par erreur le nom de la mère au lieu de celui du père sur le carnet de santé : « En plus c’est un don de sperme ! Enfin, pour le gamin, déjà c’est compliqué, on ne sait pas comment elle va vivre ça en étant ado, et déjà on commence avec un carnet de santé où est barré le nom de famille et on en a écrit un autre » (Martha, L67 à 68), ou encore parfois des conseils du pédiatre : « Et en fait le pédiatre s’en va, il nous donne le… Carnet de santé. Et avant de partir il nous dit « Bon pour finir : la mort subite du nourrisson. » C’est chaud ! » (Martin, L647 à 649). Ceci est effectivement soutenu par l’extrait : « certains d’entre eux bien que fournis à titre préventif ou thérapeutique peuvent se révéler source de mal-être […] » (Capponi, 2007) mais, de même que précédemment, cet argument s’applique à l’ensemble des parents et n’est pas spécifique du don de gamètes. On peut aussi remarquer qu’il y a une angoisse autour de la période de l’adolescence justifiée par l’article : « l’adolescent va aussi questionner ses identifications masculines et féminines ainsi que sa place dans la lignée familiale » (Beauquier-Macotta, 2010) Pour la quasi-totalité des couples le retour à la maison fût « heureux » : « Donc du coup le retour à la maison, moi j’étais contente de rentrer […] » (Sarah, L948). Seuls deux couples ont décrit également une « impression de solitude » : « Moi j’ai réalisé que c’était dur : il n’y avait pas les sages-femmes pour m’aider » (Mélanie, L686) ou encore une « appréhension » : « [en parlant de sa sage-femme du PRADO] j’avais besoin qu’elle reste 2h avec moi, qu’elle me rassure sur pleins de choses » (Virginie, L832 à 833). Quatre couples décrivent des « difficultés » importantes lors des premiers mois de vie de l’enfant : « Et du coup, c’était plus difficile. Pour lui, c’était beaucoup plus dur pour le sommeil » (Amanda, L548 à 549). La plupart décrivent des problèmes au niveau du sommeil.
Mise en place de la parentalité pendant la grossesse
De nombreux parents ont trouvé l’échographie « utile pour se projeter » en tant que futur parent : « Oui moi aussi le fait de voir ces échos pendant 9 mois ça m’a permis de me préparer, de préparer des choses à la maison… Avec les échos je pouvais mettre un visage sur notre enfant […] » (Lucas, L288 à 290). Il est important de noter que ces phénomènes semblent spécifiques des patient-es ayant suivi un parcours d’aide médical à la procréation : « Les femmes présentent l’image échographique comme la preuve de l’existence de l’enfant. Ainsi, la visualisation du fœtus semble permettre une mise en relation avec les parents » (Michel, 2014). Cependant trois d’entre eux ont trouvé cela « inutile » dans leur processus de mise en place de la parentalité. L’utilité était autre : « Savoir le poids, la taille, c’était vraiment pour savoir que tout aille bien et qu’elle soit en bonne santé. Mais pas pour me projeter d’être parent » (Sarah, L588 à 589), comme le souligne l’extrait : « l’échographie […] rassure les femmes sur la bonne vitalité et la bonne croissance du fœtus » (Michel, 2014). Il en va de même pour la préparation à la naissance et à la parentalité, certains ont trouvé cela « utile » pour se projeter et se rapprocher de l’enfant à venir. Notamment les parents qui ont fait de l’haptonomie : « […] je me suis senti investi dès le départ après c’était mental. Après au-delà du mental quand il y a eu déjà la possibilité de plus sentir les enfants bouger c’est passé plus sur le côté affectif » (Paul, L258 à 260), comme le souligne l’extrait suivant : « l’haptonomie, par l’intermédiaire du contact affectif, permet aux parents et à l’enfant de nouer des liens affectifs dès le début de la grossesse » (Rossigneux-Delage, 2004). A noter que quatre couples avaient un « projet de naissance », ces derniers pouvant être le souhait de favoriser un maximum l’accouchement voie basse : « J’avais un objectif, qui était que je voulais absolument accoucher par voie basse » (Juliette, L290), à des demandes plus spécifiques : « J’avais demandé si je pouvais la sortir moi, si j’en étais capable. Donc ça aussi ils étaient d’accord. Et puis, qu’ils me la mettent sur le ventre, qu’elle puisse ramper pour faire la première tétée, et de pas me l’arracher tout de suite, et aller lui aspirer tout partout » (Sarah, L611 à 614). Cela laisse entendre que les parents ont besoin d’être acteur de leur accouchement, de se sentir reprendre le contrôle : « Ces femmes nous semblent vouloir être actrices de leur grossesse et de leur accouchement, elles sont à la recherche d’une maîtrise de leur vie. Au cours de leur parcours de FIV, elles ont dû s’en remettre à une équipe médicale pour mener à bien les tentatives ; une fois libérées des contraintes de l’AMP et rassurées sur la bonne évolution de la grossesse, les femmes cherchent à compenser le manque d’investissement qu’elles ont pu ressentir » (Michel, 2014). Enfin un seul père était « toujours » présent aux rendez-vous médicaux : « J’ai de la chance il a été là tous les examens même quand il n’y avait pas besoin d’y être » (Lucile, L172) car ce dernier se sentait directement responsable. Les autres pères étaient « parfois » présents aux rendez-vous, leurs absences étant justifiées soit pour des raisons matérielles, souvent le travail, soit car leur conjointe ou eux-mêmes n’en voyaient pas l’utilité ce qui semble en contradiction avec les conclusions de l’article : « […] plusieurs études ont démontré que l’engagement des pères est lié à leur implication dans le processus périnatal » (Normand, 2010).
Parentalité au cours des premières années de vie de l’enfant
Tous les pères ont eu un « coup de foudre » au moment de la rencontre avec leur enfant : « Et quand on dit que c’est le plus beau jour de sa vie moi c’est le plus beau jour de ma vie. Je suis tombé amoureux d’un mec ! » (Martin, L521 à 522), ce qui en contradiction avec l’extrait : « Si bien qu’un « traitement » leur permettant de devenir pères grâce au don d’un autre homme, vécu lui comme super viril, ne restaurait leur puissance qu’en apparence et que la rivalité avec cet homme, identifié souvent à leur père, pourra gâcher leur paternité » (Faure-Pragier, 2011). Trois mères ont eu un « coup de foudre » tandis que quatre ont eu « un lien qui s’est créé au fil du temps » : « Ouais c’est ça. C’est une relation qui s’est construite et qui se construit encore. Nan, pour moi il n’y a pas ce côté de l’évidence » (Juliette, L502 à 503). Cet article, qui concerne l’instinct maternelle en général énonce : « Au final, la thèse centrale de l’auteur est que l’instinct maternel n’agit pas comme un programme infaillible. Il opère plutôt par une série continue de détonateurs, qui peuvent ou non s’amorcer, selon les circonstances ou les réactions à l’environnement. ‘’ Au lieu des vieilles dichotomies entre nature et culture, il faut s’intéresser aux interactions complexes entre gènes, tissus, glandes, expériences passées et signes de l’environnement, y compris les signaux sensoriels lancés par les nourrissons et les individus proches.’’ » (Dortier, 2003). Ce comportement renvoie donc à la complexité de l’instinct maternelle est ne semble donc pas lié à la technique du don de gamète. Dans les premiers jours de vie de l’enfant, quatre femmes ont ressenti le « besoin d’allaiter » : « Oui je savais que c’était important pour lui et pour moi » (Mélanie, L665) si nous mettons la remarque en lien avec l’article suivant : « Il est communément admis que l’allaitement maternel est bénéfique pour l’enfant, pour sa mère et pour la relation mère– enfant » (Picaud, 2008), nous pouvons en déduire que cette importance réside de ces bénéfices. Deux pères ont eu « besoin d’autonomie dans les soins » : « Je n’ai pas voulu qu’on l’habille, j’ai voulu l’habiller moi » (Martin, L524). Quatre mères ont eu « peur de mal faire » : « J’avais peur de pas savoir-faire […] » (Sarah, L873) notamment au niveau des soins ou de l’allaitement : « Une telle représentation du rôle maternel explique des sentiments de culpabilité diffuse qui se manifestent avant même qu’une action soit entreprise. Si l’on estime pouvoir être à l’origine d’un malaise chez l’enfant, un sentiment de faute se développe » (Cicchelli, 2002), il est important de préciser que l’article n’est pas ciblé sur les parents ayant bénéficié du don de gamètes. Cette angoisse pourrait donc être expliquée plutôt par la vision de la maternité que donne la société plutôt que par le processus du don. Quatre mères ont eu des « difficultés d’allaitement » : « En plus c’est culpabilisant car l’allaitement ne se passait pas super bien » (Lucile, L661 à 662). L’article suivant : « Nous avons pu confirmer que les facteurs reconnus pour influencer la décision initiale d’allaiter étaient aussi déterminants pour la poursuite de cet allaitement. Cette constatation, loin d’être démobilisatrice, doit au contraire servir à repérer la population des femmes jeunes, primipares, au niveau d’études limitées qui sont particulièrement à risque d’échouer dans leur projet d’allaitement » (Ego, 2003) montre donc que le fait que l’enfant soit issu d’un don de gamète ne semble pas influencer sur les difficultés d’allaitement. Nous pouvons également prendre en compte que les patientes concernées étaient primipares. Deux couples de parents ont eu des « inquiétudes pour la santé » de leur enfant : « Oui, à posteriori, on se dit qu’on s’est inquiété pour rien, mais bon, quand vous y êtes, que c’est un premier, que le contexte est que cet enfant s’est fait désirer, du coup, vous n’avez pas envie de passer 30 à côté de quelque chose » (Pierre, L249 à 251) qui semble être une inquiétude fréquente confirmée par l’extrait suivant : « Une autre raison souvent évoquée pour lever l’anonymat est l’intérêt de pouvoir accéder à des données médicales concernant le donneur si la santé des enfants le nécessitait » (Jouannet, 2013). La répartition des soins pour les parents s’est faite de deux manières : « naturelle » comme pour Mélanie (L719) « On s’est un peu réparti les tâches au début quand je l’allaitais. Donc c’était plus lui qui se levait pour la couche » ou « compliquée » comme l’explique Virginie (L756 à 758) « Paul partait du fait que la maman c’était une warrior et qu’elle devait pouvoir tout faire toute seule et que l’homme était là quand il avait décidé d’être là. Ça caricature un peu mais on n’est pas loin de la vérité ». Au niveau de l’éducation et de leur manière de fonctionner avec leurs enfants, deux comportements vis-à-vis de l’entourage ont été abordés. Celui de « besoin des avis et de la présence de l’entourage » : « […] je lui ai dit : « Moi ta mère s’installe quand elle veut ! ». » (Paul, L467) ou « refus d’écouter les avis » : « De toutes façons, j’ai mis tout le monde d’accord, je ne voulais de conseils de personne. Alors ça, tout le monde a respecté. Tout le monde savait que j’allais me mettre en furie sinon » (Martha, L272 à 273) afin de faire sa propre éducation.
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