Evaluation des flux de contaminants issus des ruissellements des matériaux de toitures à l’échelle urbaine
Paramètres liés à la mise en œuvre de la toiture
Il s’agit de toutes les spécificités d’une toiture en termes de ses caractéristiques géométriques (inclinaison, dimension, orientation) et ses composantes (gouttière, noue…). a. Inclinaison Pour les matériaux métalliques, une étude menée pour plusieurs inclinaisons de panneaux en zinc (7, 45 et 90°) en conditions réelles a montré que plus le panneau est incliné, plus l’émission du zinc est faible par m² de matériau mis en œuvre (Odnevall Wallinder et al., 2000). Cet écart s’explique par la différence de volume de pluie capté par le panneau. Néanmoins, en considérant la surface projetée de la toiture les effets de l’inclinaison s’estompent (cf. Paragraphe 1.3). b. Orientation L’orientation du toit dicte la quantité de pluie qu’il va recevoir. En effet, la direction du vent non verticale implique que des volumes plus ou moins importants sont captés par les faces d‟un toit, en fonction de son orientation. Une étude sur les matériaux en cuivre et en zinc a montré que le relargage de contaminant est significativement plus important pour les matériaux orientés face au vent dominant (Odnevall Wallinder et al., 2000). c. Elément de toiture Lors d‟un événement pluvieux, les éléments de toitures rentrent en contact avec l‟eau (cf. Figure 66). Chaque élément de toit a une forme, des caractéristiques spécifiques et un emplacement particulier sur la toiture. De ce fait, le mode de contact et le volume d‟eau de pluie reçu par un élément de toit donné va être spécifique ce qui influence le flux du contaminant émis. Ceci est confirmé dans les travaux effectués dans OPUR qui ont montré (Robert-Sainte et al., 2007) que pour un même matériau mis en œuvre sur différents éléments de toit (rampant, gouttière) dans les mêmes conditions expérimentales, le flux d‟émission n‟est pas le même. Par exemple, le flux d‟émission du zinc par un rampant en zinc (3,87 g.m-2 .an-1 ) est supérieur à celui émis par une gouttière en zinc (1,65 g.m-2 .an-1 ) (Robert-Sainte et al., 2009). De plus, le flux d‟émission du plomb par une rive contre mur en plomb (0,88 206 g.m-2 .an-1 ) est très inférieur à celui émis par un rampant en plomb (5,23 g.m-2 an-1 ) (Wilson, 2003). Cette différence est due à l‟emplacement de la rive et l‟effet de l‟abri. Figure 66 : Schéma simplifié de certains éléments de toit entrant en contact avec l’eau : 1) rampant ; 2) éléments d’étanchéité fenêtre et cheminé ; 3) gouttière ; 4) descente d. Dimension Il s‟agit de la surface ou la longueur du matériau employée sur un élément de toit qui est en contact avec l‟eau de pluie. Ce paramètre permet de quantifier l‟émission de contaminant. En effet, les mesures de taux de ruissellement sont exprimées en g.m-2 .an-1 . De plus nous avons montré que l‟émission des contaminants métalliques dépend de la surface projetée (en m²) de matériau mis en œuvre (Odnevall Wallinder et al., 2000).
Paramètres liés aux conditions d’exposition
Il s‟agit des sollicitations que subit une toiture durant sa vie en œuvre liées d‟une part aux conditions atmosphériques (par temps de pluie et par temps sec) et d‟autre part aux traitements qu‟elle subit pendant sa vie en œuvre qui peuvent influencer l‟émission de contaminants. a. Caractéristiques de la pluie Il s‟agit de sa quantité ou sa hauteur, son intensité, sa durée et sa composition chimique notamment son pH. Plus la quantité de pluie est importante plus le taux de ruissellement est élevé. Le pH est un facteur déterminant pour la qualité des eaux de ruissellement de toitures. Le pH des eaux de pluie, souvent acides, favorise la désorption et la solubilisation par l’eau de ruissellement de certains éléments (ex : le zinc). De plus, le pH des eaux de ruissellement est susceptible 207 d’influencer la répartition des différents polluants entre les phases dissoutes et particulaires. Des études ont noté une augmentation du pH lors du ruissellement des eaux de pluie sur la toiture. Cette augmentation est provoquée par la dissolution des particules amassées à la surface du toit et par le matériel composant le revêtement (Mouyon, 2001). Pour le zinc, plus le pH est acide, plus la concentration en zinc dans les eaux de ruissellement augmente (He, 2002). Une faible intensité de la pluie conduit à un contact plus long du matériau avec l‟eau de pluie ce qui permet de dissoudre plus de produits donc une concentration plus élevée en contaminants. Par exemple, plus le temps de contact est important plus la dissolution des produits de corrosion du zinc est facile et donc l‟eau de pluie est plus contaminée (He, 2002). Pour une forte intensité, c‟est les phénomènes d‟érosion ou d‟arrachement qui se produisent. Pour le plomb qui est majoritairement sous forme particulaire (Schultze-Rettmer, 1995), ses produits de corrosion seront arrachés de la surface du matériau sous l‟intensité de la pluie. De la même manière les mousses contaminées par le benzalkonium seront arrachées à la surface du toit et évacuées vers les gouttières (Van de Voorde, 2012). Pour les biocides émis par les peintures, l‟intensité de la pluie ainsi que sa durée sont les principaux facteurs de leurs émissions (Schoknecht et al., 2009; Burkhardt et al., 2011). b. Durée de temps sec précédant la pluie Pour les émissions métalliques, lors d‟une période sèche, la couche de corrosion devient sèche et tend à se craqueler, favorisant la pénétration de l‟eau, et la dissolution de la patine lors de la pluie suivante. De plus, les dépôts de temps sec (dépôts atmosphériques) jouent également un rôle, participant à la formation de nouveaux produits de corrosion au sein de la couche de patine. c. 1 er flot et alternance entre périodes sèches et humides Pour les matériaux métalliques, à l‟échelle de l‟évènement pluvieux, les taux de ruissellement sont d‟abord élevés (premier flot ou effet de chasse (Mottier et Boller, 1992)) puis diminuent assez rapidement (après quelques millimètres de pluie), pour atteindre un niveau constant qui est fonction du matériau. L‟expression « 1 er flot » désigne « un fort pic de concentration en début de pluie » ou « la première période de l‟événement pendant laquelle la concentration en polluants est significativement supérieure à celle observée dans les phases ultérieures » (Gromaire-Mertz, 1998). 208 Il faut noter que le premier flot n‟affecte que le début de l‟évènement pluvieux : quelle que soit l‟intensité de ce phénomène, le taux de ruissellement observé en régime stationnaire est toujours sensiblement le même pour un même matériau (He, 2002). Le phénomène de premier flot est directement lié aux caractéristiques de la couche de produits de corrosion présents à la surface du matériau (porosité, morphologie, épaisseur et capacité à retenir l‟eau de pluie). Par exemple pour le zinc, sa concentration est très élevée au niveau du 1er flot (Joshi et Balasubramanian, 2010). En absence de pluie, selon le taux d‟humidité relative, il y a formation ou non d‟un film d‟eau à la surface du matériau. Ainsi, la durée de mouillage du matériau en fonction de l‟humidité relative influence l‟émission (Schriewer et Horn, 2008). d. Caractéristiques de l’atmosphère La composition de l‟atmosphère est un paramètre important influençant les processus d‟émission de contaminants. En effet, l‟atmosphère renferme de nombreuses particules, résultant de processus naturels (érosion éolienne, émissions foliaires, activité volcanique…), et anthropiques (rejets industriels, trafic automobile, incinérateurs d‟ordure, chauffage domestique) et ces particuliers peuvent s‟incorporer dans le processus d‟émission (cf. Chapitre 1.3). Pour les matériaux métalliques, le taux de SO2 atmosphérique est le paramètre atmosphérique le plus déterminant dans le phénomène de corrosion. Celui-ci étant absorbé dans la couche poreuse des produits de corrosion par temps sec, il facilite, en présence d‟eau, la dissolution et la transformation des produits de corrosion et donc l‟émission de contaminants métalliques (Odnevall Wallinder et al., 1998; Verbiest et al., 1999). e. Entretien de la toiture Certaines pratiques d‟entretien des toitures représentent une source de contamination des eaux de ruissellement des toitures (cf. Chapitre 1.3). Les principaux contaminants dont l‟émission par ces produits a été documentée sont des biocides (Schoknecht et al., 2003; Miyauchi et al., 2005; Burkhardt et al., 2007; Jungnickel et al., 2008; Miyauchi et Mori, 2008; Schoknecht et al., 2009). Parmi ces contaminants le benzalkonium est une molécule très utilisée dans les produits de démoussage des tuiles (Van de Voorde et al., 2012). Ce type d‟entretien des toitures induit au lessivage de cette molécule dans l‟eau de pluie ruisselée sur une toiture traitée. C‟est un contaminant déclaré comme dangereux pour l‟environnement aquatique. 209 f. Les propriétés physico-chimiques des contaminants Chaque contaminant a un comportement spécifique en contact avec l‟eau et donc des propriétés physico-chimiques différentes sa solubilité, son Kow57, Koc58…Certains contaminants se dissolvent en contact avec l‟eau, d‟autres restent sous forme particulaire et seront entrainés dans l‟eau. Par exemple, certaines études (Mottier et Boller, 1992; Quek et Förster, 1993; Gromaire-Mertz et al., 1999) montrent que le plomb est majoritairement sous forme particulaire, le zinc est principalement sous forme dissoute le cuivre se répartit quasiment équitablement entre les deux phases et le cadmium est présent pour environ 80% dans la phase dissoute. 1.2.4. Synthèse sur le phénomène d’émission de contaminants à l’échelle du toit Les processus d‟émission d‟un contaminant sont des phénomènes très complexes qui se produisent à l‟interface du matériau et de l‟environnement extérieur (cf. Figure 67). A cette interface des réactions chimiques et physiques s‟établissent entre les composantes du matériau et les composantes de l‟environnement extérieur que ce soit en temps sec ou en temps de pluie. Pour aller plus loin dans la compréhension de ces phénomènes microscopiques, des études poussées devront être développées pour différents contaminants et différents matériaux. – Composition – Age – Rugosité – Traitement ..de surface … Zinc Ardoise Tuile Cuivre Matériau – Inclinaison – Orientation – Dimension (surface, …longueur) – Elément de toit ..(rampant, noue…) Noue Rampant Gouttière Toiture Mise en œuvre Environnement extérieur Processus de .. .mobilisation (érosion, dilution) Contaminant émissible – Durée – Intensité – pH – Hauteur Temps de pluie – Durée – Humidité de l’air -Composition de …l’atmosphère – Pratiques d’entretien Temps sec Processus de .. Formation (dépôt, corrosion ) – Composition – Age – Rugosité – Traitement ..de surface … Zinc Ardoise Tuile Cuivre Matériau – Composition – Age – Rugosité – Traitement ..de surface … Zinc Ardoise Tuile Cuivre Matériau – Inclinaison – Orientation – Dimension (surface, …longueur) – Elément de toit ..(rampant, noue…) Noue Rampant Gouttière Toiture – Inclinaison – Orientation – Dimension (surface, …longueur) – Elément de toit ..(rampant, noue…) Noue Rampant Gouttière Toiture Mise en œuvre Environnement extérieur Processus de .. .mobilisation (érosion, dilution) Contaminant émissible – Durée – Intensité – pH – Hauteur Temps de pluie – Durée – Humidité de l’air -Composition de …l’atmosphère – Pratiques d’entretien Temps sec Processus de .. Formation (dépôt, corrosion ) Figure 67: Schéma représentatif du phénomène d’émission d’un contaminant à l’échelle du toit 57 Kow le coefficient de répartition octanol-eau : est une mesure de la solubilité différentielle de composés chimiques dans deux solvants 58 Le Koc, coefficient de partage carbone organique/eau, donne une indication sur l‟aptitude de la molécule à être adsorbée ou désorbée sur la matière organique. 210 Dans notre travail l‟objectif est d‟évaluer l‟émission d‟un contaminant donné par les matériaux de couverture à l‟échelle urbaine. La question qui se pose alors : « Jusqu’à quel niveau de détails faut-il aller pour décrire le phénomène d’émission pour le quantifier à l’échelle urbaine? ». Pour y répondre, nous allons étudier l‟interdépendance des deux échelles vis-à-vis du phénomène d‟émission. Ceci nous permettra de retenir à partir des paramètres listés précédemment ceux à prendre impérativement en compte à l‟échelle urbaine. 1.3. Quels paramètres reliés au toit sont-ils pertinents à l’échelle urbaine? L‟évaluation des émissions à l‟échelle du toit fait intervenir des paramètres spécifiques à cette échelle. L‟objectif de ce paragraphe est d‟identifier à partir des différents paramètres retenus à l‟échelle du toit ceux pertinents à l‟échelle urbaine. Nous sommes devant une problématique de changement d‟échelle. Or, chaque échelle suppose de poser le problème d‟émission d‟une façon particulière qui lui est propre et qui ne dépend pas nécessairement de l‟échelle inférieure ou supérieure. Donc, nous assistons à une indépendance relative entre les échelles (Simon, 2004). Ainsi, si nous voulons savoir comment un contaminant est formé puis évacué, il faut que nous nous placions à l‟échelle moléculaire et nous étudions les processus physiques et chimiques pour répondre à cette question. Si notre objectif est de quantifier les émissions des toits d‟une ville, la problématique change : l‟émission du contaminant n‟est plus représentée comme un ensemble de processus d‟échanges entre environnements extérieur (l‟atmosphère) et intérieur (le matériau). En revanche, l‟émission de contaminants par les matériaux de toiture pose le problème de passage entre l‟échelle de la mise en œuvre d‟un matériau de toiture et son émission de contaminant en temps de pluie (celle du bâtiment) et l‟échelle de l‟évaluation « la ville ». Donc, il faut étudier l‟interaction entre toit et ville, les différents aspects d‟intégration du toit dans une ville : comment est-il choisi, quelle caractéristiques lui attribue-t-on, en fonction de quoi… ? La définition des paramètres sera donc définie par rapport à la toiture et à l‟échelle urbaine. Dans ce paragraphe nous allons, tout d‟abord, identifier les paramètres relatifs à la toiture à partir des paramètres décrits précédemment. Dans le Chapitre 2.3 suivant nous allons identifier les paramètres relatifs à l‟échelle urbaine.
Paramètres liés au toit influençant le flux d’émission à l’échelle urbaine
L‟émission d‟un contaminant donné dépend d‟une part des caractéristiques du matériau (composition, âge, traitement de surface) (Odnevall Wallinder et al., 2001; Bertling et al., 2006) et d‟autre part des caractéristiques du toit le contenant (orientation, inclinaison, entretien,…) (Odnevall Wallinder et al., 2000; Robert-Sainte et al., 2009). A l‟échelle urbaine, les caractéristiques du matériau doivent être identifiées. En effet, pour un contaminant donné son émission dépend de l‟âge, la composition et le traitement de surface subi par le matériau émetteur. Par contre, les effets de l‟orientation et de l‟inclinaison sont lissés. En effet, les toitures d‟une échelle urbaine donnée présentent différentes orientations et différentes inclinaisons. Pour les matériaux métalliques l‟inclinaison du toit influence l‟émission de contaminant par m² de matériau exposé mais n‟a que peu d‟effet sur l‟émission par m² de surface projeté du matériau (Odnevall Wallinder et al., 2000; Berggren et al., 2004; Bertling, 2004). De plus, l‟identification des matériaux de toiture à l‟échelle urbaine sera effectuée à partir des images aériennes qui ne permettent d‟avoir accès qu‟à des surfaces projetées. L‟émission d‟un contaminant diffère en fonction de l‟élément de toit, ceci s‟explique notamment par la différence de volumes d‟eau ruisselée sur l‟élément du toit (Robert-Sainte et al., 2009). Donc, l‟appartenance d‟un contaminant à un élément de toiture est un paramètre important qui doit être pris en compte à l‟échelle urbaine. Les pratiques d‟entretien d‟une toiture sont considérées comme une source d‟émission de nouveaux contaminants n‟appartenant pas au matériau (Jungnickel et al., 2008; Van de Voorde et al., 2012). Il faudra donc identifier les entretiens subis par les toitures à l‟échelle urbaine. La dimension de l‟élément de toit source du contaminant est un élément fondamental dans l‟évaluation de l‟émission à l‟échelle urbaine. De plus, dans notre modèle nous nous intéressons à l‟évaluation des flux moyens annuels de contaminants émis par les matériaux de toiture à l‟échelle urbaine. Donc, les paramètres relatifs aux processus d‟émission tels que les caractéristiques du temps sec (durée, humidité…) et les caractéristiques de la pluie (intensité, durée, quantité, pH) ne seront pas pris en compte directement dans notre modèle. Par contre, ils sont pris en compte indirectement puisqu’ils participent aux conditions de production des ratios unitaires moyens annuels. A l‟échelle du toit, l‟émission d‟un contaminant se traduit par l‟évaluation soit de sa concentration soit de son flux. Dans la littérature des données de flux unitaires d‟émission d‟un contaminant par un matériau de toiture ont été élaborées à l‟échelle de bancs d‟essai ou 212 celle de toitures. Ces données quantitatives permettront l‟évaluation de l‟émission à grande échelle.
Intégration des paramètres pertinents à travers la définition de la notion « situation-type »
Les différents paramètres retenus influençant l‟émission à l‟échelle du toit et à l‟échelle urbaine devront être analysés de manière à créer un moyen de passage de l‟échelle du toit à celle urbaine. Nous avons défini alors une nouvelle notion appelée situation-type d’émission d’un contaminant par les matériaux de couverture à l’échelle du toit pour laquelle nous associons un flux unitaire unique d‟émission d‟un contaminant. Il s‟agit du flux annuel par m² projeté ou par ml projeté de matériau. La notion de situation-type est une notion générale applicable pour tout contaminant. Elle permet le passage de l‟échelle du toit à l‟échelle urbaine, c‟est une nouvelle définition de l‟émission à l‟échelle du toit incluant uniquement les paramètres pertinents à l‟échelle urbaine.
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