Paramètres influençant le comportement rhéologique des mortiers
Influence des granulats Roussel et al. [2010] ont schématisé l’impact de la fraction volumique sur le comportement rhéologique d’une pâte de ciment (Figure 58). Il apparaît nettement un impact très important de la fraction volumique. Figure 58 : Impact de la fraction volumique sur le comportement rhéologique d’une pâte de ciment [Roussel et al. 2010]. Dans un mortier, la fraction volumique est modifiée par la présence de sable. Etant donné le caractère non colloïdal de ces particules, leur effet sur le comportement rhéologique est surtout dû à l’augmentation de la fraction volumique solide et donc à l’augmentation des contacts entre grains qu’elles engendrent.
Il a été montré que le comportement rhéologique d’un béton dépend de la quantité d’agrégats : il existe un régime dominé par la friction entre les Paramètres influençant le comportement rhéologique des mortiers Chapitre IV 138 particules d’agrégats et un second régime dominé par les interactions hydrodynamiques [Yammine et al. 2008].
D’après Brumaud [2011], le régime dominé par la friction entre les grains n’est jamais atteint du fait des fractions volumiques et du type de sable généralement utilisés. Ainsi, le comportement rhéologique d’un mortier est similaire à celui de la pâte de ciment, le sable ne faisant qu’amplifier ce comportement. Néanmoins, Bouras et al. [2012] ont relevé des différences importantes de comportement entre pâte de ciment et mortier en présence d’éther de cellulose
Formulation
La formulation d’un mortier a évidemment un impact significatif sur sa rhéologie. Comme cela vient d’être exposé, la quantité de sable, mais aussi la taille des grains utilisés jouent sur le comportement rhéologique d’un mortier en amplifiant le comportement de la pâte de ciment. Le seuil d’écoulement augmente fortement avec la fraction volumique de sable [Yammine et al. 2008; Mahaut et al. 2008] alors que la viscosité varie assez peu [Yammine et al. 2008].
La vitesse de structuration thixotropique de la pâte n’est pas affectée par la présence du sable [Mahaut et al. 2008]. Evidemment, le rapport eau/ciment aura également une influence très importante sur la rhéologie du mortier. C’est le moyen le plus simple pour régler la consistance d’un matériau cimentaire. Néanmoins, l’augmentation du dosage en eau entraîne une diminution de la résistance à l’état durci et de la durabilité en influant nettement sur la porosité finale.
Finalement, le moyen le plus courant pour régler les propriétés rhéologiques d’un mortier est d’utiliser des adjuvants. Ces adjuvants peuvent être de nature minérale telle que des laitiers de haut fourneau, des cendres volantes ou des fumées de silices. Selon leur nature et la quantité introduite, ces additions ont impact sur le seuil d’écoulement et la viscosité [Ferraris et al. 2001; Park et al. 2005]. Dans le paragraphe suivant, l’effet de l’adjuvantation de type organique sera détaillé.
Adjuvantation
Types d’adjuvants
Les forces répulsives seules sont généralement insuffisantes pour éviter l’agglomération due aux forces attractives de Van der Waals. Ainsi, des forces répulsives supplémentaires sont souvent nécessaires pour éviter la floculation et permettre un écoulement correct des matériaux cimentaires. L’ajout de polymères appelés « superplastifiant » permet cela en générant de l’encombrement stérique et/ou des forces de répulsions électrostatiques additionnelles [Roussel et al. 2010].
Ces adjuvants sont souvent appelés aussi « réducteur d’eau » étant donné qu’ils permettent de diminuer le dosage en eau à consistance égale (et ainsi diminuer la porosité à l’état durci et donc améliorer la durabilité) ou d’abaisser le seuil d’écoulement et de diminuer la viscosité apparente à dosage en eau constant (et ainsi d’améliorer la mise en place). Ce sont les adjuvants modifiant la rhéologie les plus couramment employés et de ce fait également les plus étudiés. D’autres adjuvants organiques sont souvent utilisés, il s’agit des « ViscosityEnhancing Admixtures » ou VEA. Les polysaccharides rentrent dans cette catégorie et leur effet sera détaillé dans le paragraphe IV.1.4.
Modes d’actions
Le mode d’action des polymères modifiant la rhéologie des matériaux cimentaires dépend de nombreux facteurs. De manière générale, les polymères peuvent influencer la rhéologie de ces suspensions en jouant sur la viscosité du fluide interstitiel [Lombois-Burger et al. 2008] (et ainsi sur la viscosité macroscopique de la suspension) ou modifier les interactions entre les particules au sein du système à travers différents mécanismes (i.e. électrostatique, stérique, forces de déplétion) [Flatt and Bowen 2003].
Deux cas sont à considérer : le polymère est adsorbé, ou non, à la surface des grains de ciment. Les superplastifiants sont généralement des polymères anioniques qui s’adsorbent à la surface du ciment [Flatt and Houst 2001; Flatt and Bowen 2003; Mikanovic and Jolicoeur 2008]. Ainsi, ils réduisent les forces de Van der Chapitre IV 140 Waals. Etant donné que ces particules sont chargées, ils modifient également la charge de surface des particules en s’adsorbant sur leur surface, entraînant une augmentation des forces de répulsion et donc un effet fluidifiant. Enfin, ces molécules présentent généralement de longues ramifications ce qui induit un effet stérique supplémentaire qui contribue majoritairement à la défloculation (répulsion stérique > répulsion électrostatique).