Calcul hybride de l’opacité lié-lié
Un objectif de notre approche hybride est de garantir le maximum de cohérence dans le calcul des fonctions de partition et de l’abondance des différentes espèces. Mélan-ger niveaux, configurations et supraconfigurations pose un problème de cohérence dès lors que la température est prise en compte dans le peuplement des différents niveaux d’une configuration. Pour plus de simplification, nous considérons un seul état d’ioni-sation Q, ce qui nous permet d’utiliser les fonctions de partition sans s’encombrer d’un facteur contenant le potentiel chimique. L’approche hybride se généralise à des plasmas contenant plusieurs états de charge Q à l’aide de l’équation de Saha-Boltzmann (1.31) p. 18. Cette dernière équation n’a aucune conséquence sur la validité du formalisme que nous présentons ici.
Expression de l’opacité hybride
L’opacité lié-lié totale étant la somme des contributions à l’opacité de chaque proces-sus, son calcul se ramène au calcul de l’opacité de chaque transition, qu’elle soit un suprafaisceau, un faisceau ou une raie, avant pondération par la probabilité de l’espèce de départ. Un calcul hybride d’opacité s’effectue sur un plasma contenant des supra-configurations Ξ non-réduites à une configuration, des configurations C et des niveaux d’énergie γ J. Comme le mélange de configurations est négligé, chaque niveau fait par-tie d’une configuration.
Il y a donc deux types de configurations : celles d’où ne part aucun DTA, qui consti-tuent l’ensemble (S), et celles, regroupées sous l’ensemble (D), d’où part au moins un DTA et dont la structure fine est connue. L’opacité lié-lié contient donc :
• des STA au départ des supraconfigurations ;
• des UTA au départ des configurations ;
• des raies spectrales, rassemblées en DTA.
Cependant, l’approche hybride ne doit pas exclure la possibilité que des faisceaux sta-tistiques et d’autres détaillés puissent partir d’une même configuration. Hors de la plage en énergie spectrale où les faisceaux peuvent être détaillés, aucun calcul détaillé de faisceau de transition ne peut être effectué. Par conséquent, l’ensemble des configu-rations qui font l’objet d’un calcul DTA pour les faisceaux dont l’énergie est à l’intérieur de la grille détaillée peuvent faire l’objet de calculs UTA pour les autres faisceaux de transition.
La somme (6.2) sur les configurations ne se limite pas à (S), car des faisceaux calculés selon des approches statistiques peuvent partir de configurations objets de calculs DLA pour d’autres faisceaux de transition. Il est en revanche évident qu’un faisceau de tran-sition détaillé ne peut partir d’une configuration non-détaillée, d’où la limitation à (D) de la somme (6.3).
Les probabilités figurant dans les équations précédentes peuvent être exprimées à l’aide des fonctions de partition que nous avons construites Chap. 1, 2 et 4.
Cette séparation de l’opacité en une partie détaillée et une partie statistique va être exploitée par la suite. Ce sont justement les expressions des fonctions de partition qui sont à l’origine d’un conflit entre fonctions de partition pour lequel un arbitrage est nécessaire.
Fonctions de partitions détaillées et statistiques
Nous avons établi Chap. 3 l’expression des fonctions de partition Uγ J , UC et UQ et des probabilités conditionnelles PQ(C) et P C (γ J) dans l’hypothèse où tous les faisceaux de transition sont détaillés. L’indexation (D) fait référence au fait qu’une partie au moins du calcul a été faite en DLA. Les mêmes fonctions de partition et probabilités condi-tionnelles ont été établies Chap. 4 dans l’hypothèse où tous les faisceaux de transition sont calculés selon une approche statistique. L’indexation (S) fait référence au fait que la totalité du calcul n’a pas fait usage du DLA.
La probabilité ne peut être obtenue qu’une fois que toutes les supraconfigurations ont été calculées.
Les fonctions de partition et probabilités utilisées dans l’approche hybride à l’état de charge Q sont regroupées Tab. 6.1. Il réutilise notamment la fonction de partition interne IC définie formule (3.51) p. 60. En particulier, la fonction de partition hybride UQ(D) est définie comme la somme des fonctions de partition statistiques UC(S) des configurations non-détaillées et les fonctions de partition UC(D) des configurations détaillées.
Nous avons donc deux jeux de fonctions de partition qui peuvent être utilisés pour déterminer l’abondance de chaque supraconfiguration, configuration et niveau.
Les abondances relatives et probabilités des supraconfigurations sont inchangées par rapport à un calcul purement statistique. Ce jeu de fonctions de partition et de proba-bilités est appelé jeu statistique.
Il est tout à fait possible de construire une fonction de partition prenant en compte le fait qu’une partie des configurations sont détaillées. Pour ces dernières, la fonction de partition UC(D) est considérée.
Ce jeu de fonctions de partition et de probabilités est appelé jeu détaillé.
Les configurations détaillées au moins une fois sont caractérisables par deux fonc-tions de partition, l’une détaillée, l’autre statistique. Cela se répercute dans l’expression des fonctions de partition des états d’ionisation, et nous devons choisir entre deux jeux de fonctions de partition, a priori aussi pertinents l’un que l’autre. Nous allons voir que, quelle que soit la manière dont ces deux jeux sont utilisés, il est impossible de garantir l’ensemble des égalités qui sont considérées commes nécessaires dans un calcul d’opa-cité. Un « arbitrage » est donc nécessaire.
Utilisation des jeux détaillés et statistiques
Face au problème causé par l’existence de deux fonctions de partition dans un calcul d’opacité hybride, des compromis sont nécessaires et leurs conséquences doivent être étudiées.
Approche SWAP
L’approche SWAP contourne le problème en calculant en SWAP tous les faisceaux de transition, DTA compris. Le problème du choix des jeux de fonctions de partition ne se pose plus, car seule la fonction de partition statistique U C(S) est calculée. La tempé-rature n’est pas du tout prise en compte dans le calcul des DTA (faisceaux détaillés). En négligeant la largeur des configurations de départ devant la température, ce qui est raisonnable lorsque la température est élevée (au-delà de 50 à 100 eV pour des confi-gurations à dégénérescence élevée), on peut supposer que le facteur de Boltzmann est fixe à l’intérieur de chaque configuration. Pour toutes les configurations, y compris détaillées, la fonction de partition utilisée est UC(S)
Cette approche contourne le problème des probabilités en supposant que ni la forme ni la position spectrale des faisceaux sont affectées par la température finie. De ce fait, elle ne donne de résultats cohérents qu’à température élevée, si kBT ≫ σC.
Jeu statistique
Pour prendre en compte la température dans la forme des faisceaux détaillés, il faut introduire le facteur de Boltzmann dans le calcul des probabilités des niveaux dans les configurations.
Cette approche, dite à jeu statistique permet de prendre en compte l’effet de la tem-pérature sur la forme des faisceaux de transition détaillés sans modifier la probabilité des configurations dans le plasma. Cependant, elle diminue l’intensité des faisceaux de transition détaillés par rapport aux faisceaux statistiques partant de la même configu-ration, car la contribution de la configuration de départ à la fonction de partition de l’ion est sous-estimée dans un calcul détaillé. La loi de Maxwell-Boltzmann (1.30) p. 18 n’est pas respectée entre des niveaux de configurations différentes, ainsi qu’entre un niveau et une configuration non-détaillée dont ce niveau ne fait pas partie.
Dans cette approche, dite à jeu détaillé, la probabilité des configurations non-détaillées et des supraconfigurations est diminuée à cause de l’inégalité (6.11). Les faisceaux UTA, SOSA et STA qui en partent sont moins intenses que dans l’approche à jeu statistique. Nous proposons Chap. 8 un calcul qui prend en compte la correction à l’ordre 2 par rapport à la température inverse β des fonctions de partition, des probabilités des confi-gurations ainsi que des forces de faisceaux de transition. L’approche à jeu détaillé est physiquement la plus naturelle dans la plage spectrale où les faisceaux de transition sont détaillés. Mais elle entraîne la diminution des probabilités des configurations non-détaillées et construit, pour les configurations détaillées, des faisceaux statistiques plus intenses que dans l’approche statistique pure.
Approche des opacités statistique et détaillée indépendantes
La dernière approche que nous proposons est celle avec laquelle tous les calculs SCORCG présentés dans cette thèse ont été faits. Nous avons écrit à l’équation (6.1) l’opacité hybride κQ(H) comme la somme de l’opacité lié-lié due aux faisceaux statistiques κQ(S) avec l’opacité engendrée par les faisceaux détaillés κ Q(D). Le calcul de ces deux opacités peut être mené indépendamment, et une contrainte à laquelle nous nous sommes pliés dans les approches précédentes est d’assurer, dans les deux parties de l’opacité hybride, l’utilisation des mêmes fonctions de partition pour que les configura-tions aient la même probabilité. Nous avons vu que le jeu statistique altère les intensités relatives des faisceaux détaillés les uns par rapport aux autres, et que le jeu détaillé al-tère les rapports d’intensité des faisceaux statistiques les uns par rapport aux autres. Ce problème peut être contourné en utilisant le jeu détaillé pour la partie détaillée de l’opacité hybride, et le jeu statistique pour la partie statistique de l’opacité hybride, y compris les faisceaux de transition traités de manière statistique et partant de configu-rations qui ont été détaillées pour des calculs DTA sur d’autres faisceaux. Ainsi, hors de la grille des calculs détaillés, la partie statistique est identique à celle calculée lors d’un calcul entièrement statistique, tandis que la partie détaillée satisfait, avec son jeu détaillé, l’équation de Maxwell-Boltzmann.
