Panorama de la détection micro-ondes avec les technologies d’impression
Afin de mieux comprendre la question de recherche, il est nécessaire de faire un état de l’art des technologies actuellement utilisées pour la réalisation des capteurs micro-ondes imprimés. La maîtrise du procédé d’impression s’avère essentielle dans cette démarche. Audelà de la précision sur les différentes étapes de fabrication, elle révèle les matériaux utilisés et facilite la compréhension des approches de fonctionnalisation, c’est-à-dire des mécanismes conférant aux circuits micro-ondes des capacités de détection environnementale.
Matériaux d’impression
Trois (3) des quatre (4) métaux les plus conducteurs de la classification périodique sont utilisés pour la formulation d’encres conductrices: l’or, l’argent, le cuivre. Sur le marché, l’argent reste toutefois le matériau le plus utilisé en raison de sa conductivité la plus élevée, du coût élevé de l’or et de la problématique d’oxydation du cuivre. Hormis ces matériaux dits « bruts », la composition des encres inclut d’autres substances qui en déterminent les propriétés et contribuent à la qualité d’impression: pigments, solvants, résines et additifs. Le rôle de ces différents éléments est très largement développé dans la littérature [15]. La qualité d’impression dépend de plusieurs paramètres dont les propriétés mécaniques et de surface du substrat, la composition de l’encre et la méthode de transfert [16]. Une encre n’adhère par exemple qu’à un substrat dont l’énergie de surface est supérieure à sa tension de surface [17]. Des substrats céramiques et de verre ont été utilisés pour l’impression avec succès, idem pour des papiers photos,joumaux ou bureautiques [18]. Cette thèse s’intéresse à l’impression sur feuilles polymères, dont les faibles constantes diélectriques favorisent la propagation du champ EM et dont la flexibilité mécanique constitue un indéniable atout. Parmi les substrats utilisés dans cette catégorie se trouvent le polyéthylène téréphtalate (PET), le polyéthylène naphtalate (PEN), le polypropylène (PP) et le polystyrène (PS) [19-22].
Techniques d’impression
Aussi bien en recherche qu’en industrie, une panoplie non négligeable de techniques d’impression émerge [23]. Certaines procèdent par écriture directe et d’autres par transfert de masque négatif. Les technologies R2R (de l’anglais Roll-ta-Roll) sont principalement utilisées pour l’impression de masse, de par leur capacité à imprimer simultanément sur de larges surfaces. Parmi ces technologies se trouvent la flexographie, la gravure et l’offset [23]. Par ailleurs, des techniques de prototypage rapide telles que l’impression par jet d’encre, l’impression par jet d’aérosol et l’impression par sérigraphie ont également été proposées.
La technologie àjet d’encre est largement répandue pour la réalisation de capteurs et des circuits radiofréquences (ci-après désignés « RF ») en général, avantagée par son accessibilité, et les similarités du procédé avec les pratiques de bureautique quotidiennes. La référence [25] aborde en détails cette technologie: modes d’impression, matériaux utilisés, imprimabilité etc. L’impression par jet d’ aérosol surmonte certaines limitations inhérentes à l’impression par jet d’encre avec notamment (i) un potentiel de miniaturisation d’ une résolution maximale de 5 µm au lieu de 20 µm et (ii) l’acceptabilité d’ encres ayant jusqu’à une viscosité de 1 000 cP, ce qui élargit grandement la gamme de matériaux imprimables et celle des applications réalisables. Puisqu’il s’ agit d’une technologie d’écriture directe, la principale limitation de l’ impression par j et d’ aérosol est le temps de fabrication. Compte tenu de sa résolution de l’ordre du !lm et des dimensions des circuits à imprimer qui sont de l’ordre du cm, la fabrication d’un prototype peut aller au-delà de 30 minutes. De plus, l’ épaisseur imprimable est extrêmement faible, de l’ordre de 0.3 µm. De son côté, l’impression par sérigraphie est capable de déposer des couches relativement épaisses, ce qui constitue un énorme atout pour les applications de détections micro-ondes. De l’ordre de quelques microns minimum (typiquement 7-10 µm), elle couvre les épaisseurs de peau des principaux métaux utilisés pour l’impression.
Techniques de frittage
Le rôle du frittage consiste à chauffer l’encre déposée afin d’éliminer les substances rajoutées et de n’en conserver que la partie utile. Les deux (2) principales techniques de frittage utilisées sont: le frittage thermique et le frittage photonique. Le premier consiste à chauffer l’encre imprimée dans une enceinte adiabatique pendant une durée suffisante. Il est souvent réalisé à l’aide d’un four, même commercial. Le temps de frittage est habituellement élevé, pouvant atteindre 3h afin de restaurer des résistivités de l’ordre de 3.12 . PAg [26). Par ailleurs, des recherches ont démontré que cette technique est d’autant plus efficace que la température de frittage est élevée [27]. Son application est donc limitée par la tolérance du substrat à la température. Pour sa part, le frittage photonique procède par exposition de l’ encre déposée à un faisceau lumineux de longueur d’onde variant de 190 à 1500 nm [28- 31]. Son principal avantage est qu’il est non destructif pour le substrat. L’exposition au faisceau dure juste un laps de temps, offrant tout de même une bonne flexibilité afin d’ajuster la conductivité finale par l’intensité et la durée de l’ impulsion.
Matériaux sensibles
Les fonctions de détection peuvent être intégrées à l’aide d’une feuille ou d’une encre sensible. Les défis de fonctionnalisation consistent alors à trouver des approches transcrivant cette sensibilité en variation des paramètres micro-ondes. Des encres sensibles ont été formulées selon trois (3) principales catégories: les encres conductrices, les encres à semiconducteurs et les encres à diélectriques. Dans la catégorie des encres conductrices, les matériaux actifs sont soit des matériaux homogènes, des polymères conducteurs, ou des composites. Ils couvrent la détection d ‘ humidité, de température et de gaz. Le graphene par exemple a été utilisé pour la détection de température et de gaz [36, 37]. Le PEDOT-PSS a principalement été étudié pour la détection d’ humidité [38], tout comme le polyaniline (PANI) [39, 40] et les fils nanométriques de silicium [41]. Dans la catégorie des encres à matériaux semi-conducteurs se retrouvent les encres à nanotubes de carbone [42] utilisées pour la détection de gaz, dont l ‘ hydrogène. Des encres diélectriques au Barium Strontium Titanate (BST) par exemple ont également été proposées [43].
Par ailleurs, des feuilles diélectriques sensibles de Kapton et d’alcool polyvinylique (ou PVOH de l’anglais PolyVinyl Alcohol) ont été étudiées. La sensibilité du Kapton provient des mécanismes d’hydrolyse donnant lieu à une variation linéaire de sa permittivité relative avec l’ humidité [44]. Le PVOH doit son caractère hydrophile à la présence de groupements OH primaires, dont la polarité attire les molécules d’eau [45]. Sa sensibilité diélectrique en fonction de la fréquence a été validée sur la plage 0.2 – 20 GHz [46]. Les deux matériaux ont été comparés à la référence [45], démontrant que la sensibilité du PVOH est supérieure à celle du Kapton. Dans les mêmes conditions, la sensibilité du Kapton était au mieux de 0.63 MHz/%RH, contre 2.38 MHz/%RH pour le PVOH. Par contre, en raison de sa faible énergie de surface, il n’ est pratiquement pas possible d’imprimer sur PVOH.
1. Introduction |