PALUDISME GRAVE CHEZ LES PATIENTS FEBRILES
INTRODUCTION
Le paludisme ou la malaria est une parasitose due à la présence dans le sang d’hématozoaires du genre Plasmodium. Il est transmis par la piqûre de moustiques du genre Anophèles femelles. [17; 41; 42; 44] Cinq espèces plasmodiales sont pathogènes pour l’homme : Plasmodium ovale, Plasmodium vivax, Plasmodium malariae, Plasmodium knowlesi et Plasmodium falciparum qui est le plus redoutable car étant responsable du plus grand nombre de cas et du paludisme grave en particulier. [41; 44] Parmi les protozoaires parasites du genre Plasmodium, P. falciparum est l’agent le plus mortel du paludisme humain, provoquant un large spectre de manifestations cliniques allant de formes asymptomatiques à la forme multi viscérale sévère. Malgré les récents efforts importants déployés par la communauté des chercheurs, le paludisme demeure l’une des principales maladies dans les régions pauvres, y compris l’Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est. Il est associé à plusieurs millions de cas cliniques par an et entraîne chaque année à plus d’un million de morts. [2, 3] La physiopathologie de complications du paludisme n’est pas bien comprise. Dans certains cas, y compris le neuro-paludisme, l’insuffisance rénale, la pathologie pulmonaire et le paludisme pendant la grossesse, il semble associé à cyto-adhérence et la séquestration de globules rouges parasités (P. falciparum) à l’endothélium vasculaire, conduisant à l’obstruction de la microcirculation, l’hypoxie tissulaire et perturbations métaboliques [4, 7] Dans certains cas, l’extravasation supplémentaire des leucocytes a été rapportée. [8, 10] Le paludisme grave est responsable de la plupart des décès surtout chez l’enfant. Les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) font état de 216 millions d’épisodes palustres en 2011, dont 81% dans la région africaine, soit 174 millions de cas. Le nombre de décès était estimé à 655 000 dont 91% en Afrique, touchant principalement les enfants de moins de 5 ans (86%). [39] 2 En Afrique, l’endémie palustre, loin de reculer, gagne aujourd’hui de plus en plus de terrain et la situation se dégrade. Plusieurs facteurs ont contribué à cette détérioration ces 10 dernières années. Le plus important d’entre eux étant la pharmaco-résistance, mais aussi l’abandon de la lutte anti-vectorielle. [18] Six grands faciès épidémiologiques du paludisme ont été distingués sur le continent africain, mais la situation dans les villes est toujours différente de celles des zones rurales. Suite à l’urbanisation accélérée des pays africains il devient indispensable d’étudier le profil épidémiologique du paludisme dans les grandes métropoles afin d’y adapter les méthodes de lutte contre le paludisme. [7] Au cours de la décennie écoulée plusieurs études ont permis de mieux connaître la situation épidémiologique du paludisme urbain dans les grandes villes situées en zones tropicales africaines : Brazzaville [4], Dakar [8, 10], Ouagadougou [11], Pikine [13], Yaoundé [14], Bobo-Dioulasso [15]. Dans la situation de l’Afrique, où les services de santé sont en général insuffisants, et où les diagnostics de laboratoires font souvent défaut, le développement d’un test de détection du parasite du paludisme fiable et facile d’utilisation permet de réduire significativement les utilisations inopportunes d’antipaludiques. En conséquence, il permet de limiter la vitesse de résistance du parasite du paludisme à ces derniers. Au Sénégal, le paludisme sévit de façon quasi permanente, avec une recrudescence saisonnière, pendant la saison des pluies. Le PNLP a mis à la disposition des structures des TDR gratuits du paludisme depuis 2008. [33] Ce travail s’est donc attaché à décrire les aspects cliniques et les caractéristiques épidémiologiques des adultes ayant présenté un accès de paludisme grave durant l’année d’étude au service des maladies infectieuses de FANN. Il avait comme objectifs de : déterminer la prévalence de la positivité de TDR chez les patients fébriles reçus en consultation, 3 déterminer les facteurs associés au paludisme grave, Formuler des recommandations pour une meilleure prise en charge du paludisme grave. Pour atteindre ces objectifs, nous avons adopté le plan suivant : Une première partie sera consacrée au rappel sur le paludisme grave Une deuxième partie traitera du travail personnel reparti en : o Cadre d’étude o Méthodologie o Résultats ; Et une troisième partie contiendra la discussion des résultats Les recommandations découlant de cette étude seront formulées avant la conclusion.
GENERALITES
Le paludisme ou la malaria est une parasitose due à la présence dans le sang d’hématozoaires du genre Plasmodium. Il est transmis par la piqûre de moustique du genre Anophèle femelle. [17; 41; 42; 44] Selon l’OMS, le paludisme grave se définit par la présence de formes asexuées de Plasmodium falciparum dans le sang (goutte épaisse ou frottis positif) et d’une ou plusieurs manifestations cliniques et/ou biologiques suivantes : Tableau N°I : Critères de paludisme grave définis par l’OMS en 2000 [20; 30] Critères cliniques Précision du texte de l’OMS Prostration Extrême faiblesse Troubles de la conscience Adulte: Score de Glasgow modifié < 10 Enfant: Score de Blantyre < 3 Respiration acidosique Détresse respiratoire chez l’enfant Convulsions répétées Au moins 2 en 24 heures Collapsus cardiovasculaire Pression artérielle systolique < 80 mm Hg en présence de signes périphériques d’insuffisance circulatoire Œdème pulmonaire Définition radiologique Saignement anormal Définition clinique sans autre précision Ictère Définition clinique ou bilirubine totale > 50 mmol/L Hémoglobinurie macroscopique Urines rouges foncées ou noires, hémoglobinurie ou myoglobinurie à la bandelette, absence d’hématurie microscopique Critères biologiques Précision du texte de l’OMS Anémie sévère Enfant: Hématocrite < 15% ou Hb < 5 g/dL Adulte: Hématocrite < 20% ou Hb < 7 g/Dl Hypoglycémie Glycémie < 2,2 mmol/L (40 mg/dL) Acidose Bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/L ± acidémie avec pH < 7,35 Hyperlactatémie Lactates plasmatiques > 5 mmol/L Hyperparasitémie Parasitémie > 4% chez le non immun Insuffisance rénale Enfant: diurèse < 12 mL/kg/24h ou créatininémie > 265 μmol/L (> 3 mg/dL) après réhydratation Adulte: créatininémie > 265 μmol/L avec diurèse < 400 mL/24H après réhydratation .
EPIDEMIOLOGIE
PEPARTITION GEOGRAPHIQUE
. Le paludisme dans le monde [37] Le paludisme sévit actuellement dans la ceinture de pauvreté du monde c’est-àdire concerne plus de 100 pays essentiellement les plus pauvres d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du sud et du Centre. Plasmodium falciparum ne se trouve qu’en zone intertropicales. Plasmodium vivax est retrouvé en Afrique du nord, à Madagascar, en Asie et en Amérique du Sud. Plasmodium ovale est surtout localisé en Afrique centrale alors que Plasmodium malaria existe partout mais en faible quantité. Depuis quelques années, un nouvel agent responsable de paludisme avec des formes potentiellement graves, a été identifié en Asie dans la région indonésienne : il est nommé Plasmodium knowlesi. Le paludisme sévit à l’état endémique partout où les conditions climatiques du milieu permettent l’implantation de l’anophèle et l’accomplissement de son cycle de reproduction. Les cas, récemment découverts dans les pays où le paludisme a été éradiqué, sont le fruit du paludisme d’importation, du fait du nombre de plus en plus important des déplacements vers les pays tropicaux et d’une négligence de la chimio- prophylaxie.
Le paludisme au Sénégal
Le Sénégal ne fait pas exception. Cette pathologie constitue le premier problème de santé publique et la première cause de morbidité avec plus de 50% de la demande des services de santé. Elle est également la première cause de mortalité avec environ 600 décès annuels en 2011. Le paludisme sévit sous un mode endémique et stable avec recrudescence saisonnière. La saison de pluies dure 3-4 mois et le pic d’incidence du paludisme, qui en est la conséquence, va de septembre à décembre. Toute la population sénégalaise est exposée au paludisme. Cependant, il existe des disparités importantes entre les régions telle qu’illustrée dans le graphique suivant : 8 Tableau II : Incidence du paludisme au Sénégal De 2006 à la fin de l’année 2009, le taux de morbidité proportionnel est passé de 33,57% à 9,9%. En valeur absolue, le nombre de cas de paludisme enregistrés au niveau des structures de santé est descendu de 1500000 à 175000. Pendant la même période, le taux de mortalité est passé de 18,17% à 4,4%. Le nombre de sujets décédés par paludisme dans les structures sanitaires a connu une baisse importante de 1678 en 2006 à 577 décès en fin 2009. En fonction des conditions climatiques et des facteurs écologiques qui imposent un certain niveau de transmission, on distingue au Sénégal deux principaux faciès épidémiologiques : le faciès tropical et le faciès sahélien o Le faciès tropical est caractérisé par : – une transmission saisonnière longue qui dure 4 à 6 mois lors de la saison des pluies et au début de la saison sèche. – un niveau de transmission assez élevé : plus de 100 piqûres infectantes par homme par an (PIH/an). – une morbidité palustre élevée surtout pendant la période de transmission. 9 Dans ce faciès tropical, l’essentiel de la transmission s’effectue de juillet à décembre. o Le faciès sahélien est caractérisé par : – une transmission saisonnière courte (< 4 mois) – un niveau de transmission faible (0 à 20 PIH/an) – une morbidité palustre généralement faible mais des tendances épidémiques observables au cours des années de pluviométrie particulièrement importante. Ce faciès est retrouvé surtout dans les régions du centre (Kaolack, Fatick, Diourbel, Dakar et Thiès) et du nord (Louga, Saint Louis et Matam). Dans le faciès sahélien, l’essentiel de la transmission du paludisme se fait de septembre à décembre.
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