PALUDISME GRAVE

PALUDISME GRAVE

Le paludisme est une infection parasitaire vectorielle essentiellement présente dans les régions tropicales et subtropicales d’Amérique du Sud, d’Afrique subsaharienne et d’Asie du Sud-est. Véritable fléau, l’OMS estime que 3,3 milliards de personnes sont exposés au risque d’infection avec une incidence de 216 millions de cas d’accès palustre associés à 655 000 décès par an, dont 85% chez les enfants de moins de 5 ans [97]. Le Sénégal totalise 1% des cas de paludisme de la Région Afrique de l’OMS avec 9600 décès [96]. Cependant, l’élimination du paludisme est à l’ordre du jour. En 2001, les dirigeants du monde entier ont adopté les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) pour améliorer l’état du monde d’ici 2015. Un des objectifs est une réduction du nombre de cas de paludisme de 50% d’ici 2015 (OMD 6). Le plan stratégique de lutte contre le paludisme (2011-2015) doit aboutir à la pré-élimination du paludisme au Sénégal. Parmi les espèces responsables du paludisme chez l’homme, Plasmodium falciparum est responsable de la quasi-totalité des formes sévères potentiellement mortelles. Le paludisme grave constitue l’étape ultime de l’histoire naturelle du paludisme à Plasmodium falciparum. De nos jours, par analogie aux critères de sepsis grave utilisés dans le cadre de la pathologie bactérienne, le paludisme grave est la présence d’une ou de plusieurs dysfonctions d’organes et/ou d’une ou de plusieurs dysfonctions métaboliques, secondaires à la présence de Plasmodium falciparum dans le sang. Il se rapproche ainsi de par sa symptomatologie du sepsis sévère, voire du choc septique [78]. La gravité de cette maladie a conduit l’OMS à organiser des rencontres scientifiques qui ont permis de mettre à jour les connaissances sur le paludisme grave, de proposer des critères diagnostic et une conduite thérapeutique 2 optimale. Et malgré tous ces efforts la mortalité du paludisme grave reste toujours élevée. Ainsi, il nous a paru nécessaire d’initier cette étude dont le but est de décrire rétrospectivement les principales caractéristiques épidémiologiques, les aspects clinico-biologiques, la prise en charge et l’évolution des patients admis pour paludisme grave à la réanimation de l’hôpital Aristide Le Dantec. Le plan que nous adapterons est le suivant: – la première partie sera consacrée aux généralités sur le paludisme grave. – Dans la deuxième partie nous exposerons la méthodologie de notre étude, avant de présenter les résultats qui seront discutés à la lumière d’études et nous terminerons par une conclusion et des recommandations. 

 Définition 

Le paludisme grave est défini par la présence de formes asexuées de Plasmodium falciparum dans le sang, associée à au moins un des critères de gravité édités en 2000 par l’OMS [95]. Cependant, les critères définis en 2000 par l’OMS, en raison de leur imprécision, ne sont pas de véritables critères de paludisme grave de réanimation. Des patients présenteront certains des signes cliniques et biologiques sans avoir besoin d’une prise en charge en milieu de réanimation. En 2003, Jean-Marie Saïssy et coll. ont constaté qu’il n’y a pas de différence entre le paludisme grave et les autres états septiques graves, et ils définissent ainsi de nouveaux critères adaptés à la réanimation (Tableau I). Ces critères comprennent des critères de dysfonction (s) d’organe (s) et de dysfonction (s) métabolique (s), mieux adaptés au contexte d’une prise en charge. En effet, le sepsis étant défini comme un syndrome de réponse inflammatoire systémique (SRIS) à une infection d’origine bactérienne, virale, parasitaire ou fongique [9]. Ces critères rendent mieux compte du fait que le paludisme grave peut être assimilé à un sepsis sévère à P. falciparum. Dans le cadre du paludisme, ces critères de paludisme de réanimation correspondent au passage de l’accès simple au paludisme grave. Communs à tous les états septiques, ces critères de gravité se traduisent par une ou plusieurs dysfonctions d’organes et apparaissent parfois après la disparition de l’agent infectieux de l’organisme. 4 Tableau I : Critères de paludisme grave de réanimation [78] Dysfonction d’organes Défaillance neurologique Adulte : score de Glasgow < 15 Enfant : score de Blantyre < 5 Défaillance respiratoire Ali : PaO2/FiO2 < 300 ; SDRA : PaO2/FiO2 < 200 Défaillance hépatique Bilirubine totale > 50 mmol/l Défaillance cardiovasculaire Pression artérielle systolique < 90 mmHg ou PAM < 70 mmHg ± choc septique (algid malaria) Défaillance rénale Diurèse < 0,5 mL/kg après réhydratation avec créatininémie > 265 mmol/L Défaillance de l’hémostase Plaquettes < 20 G/L Dysfonctions métaboliques Acidose métabolique Bicarbonates plasmatiques < 15 mmol/L ± acidémie avec pH < 7,35 Acidose lactique Lactates plasmatiques > 5 mmol/L Hypoglycémie Glycémie < 2,2 mmol/L

Parasitologie 

 Agent pathogène

 Le paludisme est une maladie parasitaire due au développement chez l’homme de différentes espèces de Plasmodium dont la classification parasitologique est la suivante : – Phylum : Apicomplexa – Classe : Sporozoa – Ordre : Haemosporina – Famille : Plasmodiidae – Genre : Plasmodium Il existe plusieurs espèces dont quatre sont des parasites de l’homme : • P. malariae qui parasite également les grands singes africains, responsable de la fièvre quarte ; • P. ovale responsable de la fièvre tierce bénigne ; • P. vivax qui n’est pas rencontré au sein des populations noires ; • P. falciparum qui est l’espèce la plus répandue, elle nous intéresse particulièrement car c’est cette espèce qui est responsable des formes graves potentiellement mortelles. 

 Vecteurs et mode de transmission

 Les Plasmodium sont transmis à l’homme : • le plus souvent lors d’un repas sanguin d’un anophèle femelle infesté qui par une piqûre, inocule le parasite à une personne saine. 6 • soit à travers la barrière hémato-placentaire entre mère et enfant ; on ne parlera de paludisme congénital que si, avant le 8 ème jour de vie, on découvre des plasmodies dans le sang. • soit au décours d’une transfusion sanguine : le paludisme post transfusionnel se manifeste plus précocement car le cycle hépatique a été court-circuité.

Cycle évolutif 

Tous les plasmodiums humains ont deux cycles : – une phase exogène sexuée ou sporogonie durant laquelle le parasite se multiplie chez l’anophèle femelle qui est le vecteur ; – une phase endogène asexuée durant laquelle le parasite se développe chez l’homme. Cette deuxième phase comprend 2 périodes : le développement du parasite dans l’hépatocyte ou schizogonie pré ou extra-érythrocytaire et une période de développement intra-érythrocytaire ou schizogonie intraérythrocytaire. ►La phase endogène ou asexuée Le parasite est inoculé sous forme de sporozoïtes à l’homme lors de la piqûre de l’anophèle. Ils mettent environ 30 min pour atteindre le foie. Une partie est détruite par les macrophages. Dans le foie, ils forment des schizontes préérythrocytaires qui se développent en quelques jours (5 à 7 jours pour P. falciparum) et libèrent des mérozoïtes dans le sang. Le P. falciparum libère plus de mérozoïtes ; pour P. vivax et ovale il y’a possibilité de persistance dans le sang de formes parasitaires latentes (hypnozoïtes ou cryptozoïtes). Ceci n’est pas le cas de P. falciparum et de P. malariae pour lesquels il y’a éclatement et libération de tous les mérozoïtes. 7 Dans le sang les mérozoïtes pénètrent dans les hématies et se transforment en trophozoïtes puis en schizontes. Après éclatement des globules rouges ils se libèrent et en colonisent d’autres. Le cycle sanguin du plasmodium varie selon l’espèce : il dure 48 heures pour P. falciparum, P. vivax et P. ovale et 72 heures pour P. malariae. La multiplication des cycles participe à l’augmentation de la densité parasitaire et aboutit à la production de gamétocytes mâles et femelles. ►La Phase exogène ou sexuée ou sporogonie Au cours d’un repas sanguin l’anophèle femelle ingère des gamétocytes. Les gamétocytes mâles est femelles fusionnent pour donner un ookinète diploïde. Moins de 24 heures après l’ingestion, il forme à la surface de la paroi stomacale un oocyte. La multiplication des cellules parasitaires à l’intérieur de cet oocyte aboutit à la libération d’un millier de sporozoïtes haploïdes au bout de quelques jours. L’augmentation de la température diminue la durée du cycle. Lorsque la température est inferieur à 18°C P. falciparum n’est plus transmis [75]. 

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Physiopathologie 

Les défaillances d’organes qui caractérisent le paludisme grave ne se limitent pas au neuropaludisme (cerebral malaria) et font intervenir à la fois le parasite et l’hôte [48]. Les progrès récents de l’immunologie, de la biologie moléculaire et de la génétique permettent une meilleure approche physiopathologique de cet ensemble complexe et ouvrent la voie à de nouvelles perspectives thérapeutiques

Rôle du parasite : phénomènes de séquestration 

Le cycle de P. falciparum chez l’homme, en particulier son passage intraérythrocytaire, est responsable de la séquestration des hématies parasitées 8 au niveau des capillaires et des veinules postcapillaires. Trois mécanismes principaux de séquestration sont aujourd’hui identifiés : la cytoadhérence, le phénomène de « rosetting », l’autoagglutination. ►Cytoadhérence érythrocytaire L’adhésion endothéliale, ou cytoadhérence, des hématies parasitées à l’endothélium vasculaire et aux cellules trophoblastiques placentaires est le mécanisme qui a été le mieux appréhendé ces dernières années [21]. Au niveau du globule rouge, la cytoadhérence se fait par l’intermédiaire de protubérances membranaires ou « knobs » au sein desquelles des adhésines plasmodiales spécifiques ont pu être caractérisées. Parmi celles-ci, la PfEMP1 (P. falciparum erythrocyte membrane protein-1) est la mieux connue. Cette protéine très variable dans sa structure, sa fonction et son expression est composée de la succession de différents domaines de type CIDR (cysteine rich interdomain region) ou de type DBL (Duffy binding-like) [6]. Au niveau endothélial un certain nombre de récepteurs, parmi lesquels CD36 (cluster of differentiation 36), ICAM-1 (inter cellular adhesion molecule-1), sélectine E, thrombospondine, VCAM-1 (vascular cell adhesing molecular-1), PECAM- 1(platelet-endothelial cell adhesion molecule-1), CSA (chondroïtin4-sulfate), pour ne citer que les principaux, ont été identifiés. Les combinaisons des domaines de PfEMP1 avec les récepteurs endothéliaux peuvent être diverses, chaque domaine se liant avec un récepteur différent mais spécifique d’un domaine. La PfEMP1 est codée par un gène de la famille var [86]. Chaque génome parasitaire contient environ 50 à 100 copies de ce gène dont l’expression est à l’origine de la variation antigénique de la PfEMP1. L’essor ces dernières années des techniques de cytoadhérence dynamique a permis de mieux préciser la séquence des évènements qui conduisent à la séquestration. La première étape est l’attachement des érythrocytes infectés aux cellules endothéliales, la seconde leur roulement sur la surface endothéliale, la troisième l’adhésion définitive [88]. 9 À l’étage capillaire, la cytoadhérence des hématies parasitées entraîne des modifications de la transduction du signal qui pourraient être responsables de l’apoptose des cellules endothéliales constatée au cours du neuropaludisme [47]. ►Phénomène de « rosetting » Par l’intermédiaire des protubérances, les hématies parasitées adhèrent entre elles et aux hématies non parasitées en formant des rosettes. PfEMP1 et son domaine DBL1α seraient impliqués dans le phénomène de « rosetting » via les récepteurs spécifiques CR1 (complement receptor-1) présents dans les hématies non infectées [64]. Ce phénomène a été bien étudié in vitro sur des lignées cellulaires (fibroblastes, lignées cellulaires d’origine mélanique). Il varie d’une souche plasmodiale à l’autre et il est corrélé au degré de sévérité du paludisme. ►Autoagglutination des hématies L’autoagglutination des hématies parasitées a été observée sur de nombreuses souches de P. falciparum étudiées en culture au laboratoire. Les érythrocytes infectés se regroupent entre eux et forment des microagrégats susceptibles d’obstruer les capillaires profonds. Ce phénomène a été également observé chez des patients porteurs de forte parasitémie en dehors de tout phénotype d’adhésion. Les mécanismes moléculaires qui prédisposent à sa survenue sont encore inconnus. In fine l’hypothèse mécanique qui fait de la séquestration érythrocytaire le déterminant des lésions tissulaires du paludisme grave est séduisante. Elle est néanmoins insuffisante pour expliquer les lésions, en particulier cérébrales, du paludisme grave. En effet, la concentration cérébrale de récepteurs endothéliaux y est faible et le phénomène de cytoadhérence disparaît chez des singes splénectomisés .

Table des matières

PREMIERE PARTIE : GENERALITES
I. DEFINITION
II. RAPPELS
II.1. Parasitologie
II.2. Physiopathologie
III. DIAGNOSTIC
III.1. Les dysfonctions d’organes
III.2. Les dysfonctions métaboliques
III.3. Diagnostic parasitologique
IV. TRAITEMENT
IV.1. Traitement étiologique
IV.2. Traitement symptomatique
V. EVOLUTION ET PRONOSTIC
DEUXIEME PARTIE : NOTRE TRAVAIL
I. CADRE D’ETUDE
II. METHODOLOGIE
II.1. Type et période de l’étude
II.2. Patients et méthodes
III. RESULTATS
III.1. Les aspects épidémiologiques
III.2. Les antécédents
III.3. Les aspects clinico-biologiques
III.4. Les aspects thérapeutiques
III.5. Evolution
IV. DISCUSSION
IV.1. Les données épidémiologiques
IV.2. Les aspects clinico-biologiques
IV.3. Les aspects thérapeutiques
IV.4. Evolution
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES

 

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