Outils et méthodes pour la caractérisation électromagnétique
Définition de la mesure
DE LA GRANDEUR A LA MESURE
La conductivité électrique est une grandeur, à savoir une propriété d’un corps que l’on peut exprimer quantitativement sous forme d’un nombre et d’une référence, qui est ici l’unité de mesure (S/m). L’unité de mesure est une grandeur scalaire réelle, définie et adoptée par convention, à laquelle on peut comparer toute autre grandeur de même nature pour exprimer le rapport des deux grandeurs sous la forme d’un nombre. Finalement, la valeur d’une grandeur est l’ensemble d’un nombre et d’une référence. Un nombre accompagné de l’unité S/m est donc une valeur de conductivité électrique. Un mesurage (ou mesure) est un processus consistant à obtenir expérimentalement une ou plusieurs valeurs que l’on peut raisonnablement attribuer à une grandeur qui est alors nommée mesurande. La définition du mesurande doit être très précise. Ainsi, dans le cas de l’exemple fil rouge, il est nécessaire de spécifier la température à laquelle on veut effectuer la mesure pour définir correctement le mesurande, car la conductivité électrique varie en fonction de ce paramètre. Le principe de mesure est le phénomène servant de base à un mesurage. Par exemple, le principe de mesure exploité par les thermocouples pour mesurer la température est l’effet thermoélectrique. La méthode de mesure est la description générique de l’organisation logique des opérations mises en œuvre dans un mesurage. La procédure de mesure est une description détaillée d’un mesurage conformément à un ou plusieurs principes de mesure et à une méthode de mesure donnée, fondée sur un modèle de mesure et incluant tout calcul destiné à obtenir un résultat de mesure. Quelle méthode de mesure appliquer pour notre exemple ? Pour mesurer la conductivité d’une tige de section S on propose d’imposer un courant électrique I dans la tige, de mesurer la résistance R entre deux points distants de l et d’en déduire analytiquement la conductivité électrique (σ=l/RS). Imaginons maintenant que deux valeurs de conductivité σ1 et σ2 aient été obtenues pour deux tiges. Ces deux conductivités sont-elles différentes ou bien la différence entre les valeurs n’est-elle que le fruit du hasard? Sans incertitude, il est impossible de répondre à cette question, comme l’illustre le cas a) de la Figure 37. Par contre, en connaissant l’incertitude de mesure, il est possible de dire si l’écart entre σ1 et σ2 est significatif (cas b)), ou pas (cas c)). a) b) c Le résultat d’un mesurage est seulement une estimation de la valeur du mesurande. Pour que le résultat soit complet, il doit être accompagné d’une expression de l’incertitude de mesure. Il s’agit d’une estimation caractérisant la dispersion raisonnable que l’on peut associer au mesurande (i.e. l’étendue des valeurs dans laquelle se situe la valeur vraie du mesurande). Pour préciser l’incertitude de mesure, on définit les notions de justesse et de fidélité. La justesse de mesure est l’étroitesse de l’accord entre la moyenne d’un nombre infini de valeurs mesurées répétées et une valeur de référence (Figure 38). Dans la pratique, la justesse est quantifiée par un biais de mesure (estimation d’une erreur systématique, c.f. paragraphe La fidélité de mesure est l’étroitesse de l’accord entre les indications ou les valeurs mesurées obtenues par des mesurages répétés du même objet ou d’objets similaires dans des conditions spécifiées. La fidélité peut être obtenue sous conditions de répétabilité et de reproductibilité. La répétabilité désigne l’étroitesse de l’accord entre les résultats de mesurages successifs du même mesurande, mesurages effectués avec l’application de la totalité des mêmes conditions de mesure. La répétabilité permet donc d’évaluer un bruit de mesure inexorable. La reproductibilité désigne l’étroitesse de l’accord entre les résultats des mesurages de la même grandeur physique, mesurages effectués en faisant varier les conditions de mesure. Pour qu’une expression de la reproductibilité soit valable, il est nécessaire de spécifier la condition que l’on fait varier. Les conditions que l’on peut fait varier sont : la méthode de mesure, l’opérateur, l’instrument de mesure, les étalons de référence, le Chapitre 2 : Outils et méthodes pour la caractérisation électromagnétique 49 lieu, les conditions d’utilisation, le temps. Il s’agit donc d’évaluer l’impact de la modification d’un ou plusieurs facteurs qui contribuent à la dispersion des mesures. Figure 38 : Représentation schématique de la justesse et de la fidélité de mesure
ERREUR DE MESURE
L’exactitude de mesure est l’étroitesse de l’accord entre une valeur mesurée et la valeur vraie du mesurande. Elle ne peut pas s’exprimer numériquement car la valeur vraie du mesurande restera toujours inconnue. Par contre, un mesurage peut être dit plus exact s’il fournit une plus petite erreur de mesure. L’erreur de mesure et l’incertitude de mesure sont deux termes à bien distinguer. En effet, l’erreur de mesure est la différence entre la valeur mesurée et la valeur vraie alors que l’incertitude de mesure est un paramètre qui caractérise la dispersion des valeurs qui pourraient raisonnablement être attribuées au mesurande. On distingue généralement l’erreur systématique et l’erreur aléatoire. (Figure 39). L’erreur systématique est la différence reproductible entre un résultat unique et la valeur vraie liée à une cause physique. Elle demeure donc constante (ou varie de façon prévisible) dans des mesurages répétés. Elle peut être compensée par une correction lorsqu’elle est connue. On suppose que, grâce à l’analyse de la méthode de mesure, on connait une estimation es de l’erreur systématique (le biais de mesure). On appelle alors correction C cette estimation changée de signe (C=- es). On obtient le résultat corrigé de la mesure en ajoutant algébriquement la correction C au résultat brut x : (22) L’erreur aléatoire est la composante de l’erreur qui varie de façon imprévisible. Bien qu’il ne soit pas possible de compenser l’erreur aléatoire d’un résultat de mesure, elle peut être réduite en augmentant le nombre d’observations. Pour fournir un résultat proche de la valeur vraie, il faut donc diminuer les erreurs systématiques en appliquant des corrections et diminuer les erreurs aléatoires en répétant les mesures et en calculant la moyenne arithmétique des observations. Figure 39 : Représentation schématique des erreurs systématique et aléatoire Chapitre 2 : Outils et méthodes pour la caractérisation électromagnétique 50 I.1.1.D. ANALYSE DE LA METHODE DE MESURE Un mesurage présente donc des imperfections qui occasionnent une erreur sur le résultat de mesure. Analyser la méthode de mesure signifie identifier toutes les variables intervenant dans le résultat de la mesure. Cette analyse demande une étude approfondie de la chaîne d’instrumentation et des phénomènes mis en jeu lors de la mesure. L’objectif est de « découper » la méthode de mesure en éléments simples pour faire émerger toutes les sources possibles d’incertitude. Cette liste est généralement présentée sous la forme d’un diagramme d’Ishikawa, dit 5M, qui est un outil permettant de donner une vision globale des causes génératrices d’une éventuelle incertitude de mesure [62]. La Figure 40 donne un diagramme 5M de l’exemple fil rouge. Dans ce diagramme, cinq grandes familles de causes sont dénombrées, à savoir les moyens, la méthode, le milieu, la matière et la main-d’œuvre. Une fois ce travail d’identification effectué, il faut décrire le mode opératoire retenu et établir le modèle de la mesure. Les facteurs influençant le résultat de mesure peuvent alors être identifiés et la valeur de chacune des composantes de l’incertitude calculée. On pourra alors décider de l’application ou non d’une correction.