Outils de modélisation des entraînements polyphasés
Introduction et positionnement du travail
L ’idée proposée dans ce travail est l’étude d’un propulseur “Low cost”tout électrique travaillant à des niveaux de puissance autorisant l’usage d’une tension continue de 48 V sur le bus DC sans courant continu excessif. La notion de “Low cost”proviendrait: 1. D’une réduction des marges de sécurité au niveau de dimensionnement, notamment l’onduleur. En effet le fait d’avoir un drive tolérant aux défauts de l’onduleur permet, à niveau de fiabilité fonctionnelle1 identique, de réduire les marges de sécurité concernant le dimensionnement des composants de puissance de l’onduleur. Pour obtenir cette fiabilité fonctionnelle en utilisant un seul moteur, il est nécessaire d’augmenter le nombre de bras d’onduleur. Dans la mesure où le nombre de bras est alors supérieur à 3 le nombre de phases peut être aussi supérieur à trois sans surcout au niveau de l’alimentation de puissance en considérant uniquement la surface silicium. 2. Une réduction des mesures de sécurité qu’induit l’utilisation d’une tension de bus continue sécuritaire de 48V ayant par contre la conséquence d’augmenter le courant de batterie ; 3. L’utilisation d’un système de management batterie (BMS) est plus simple car le nombre de modules nécessaires pour obtenir 48V est plus faible. La détection des variations de tension est potentiellement plus simple pour chaque module de 48V. On se place dans ce cadre pour considérer l’utilisation des machines polyphasées (nombre des phases >3). Les avantages attendus lors de la conception de cette machine seraient: 1. La tolérance aux pannes du système de propulsion: La tolérance aux pannes doit permettre, si un fonctionnement en mode dégradé est accepté, de satisfaire naturellement les contraintes de sécurité en termes de dimensionnement et donc de coût et volume/masse. 2. Compacité : En raison de la contrainte volumique et massique du système de propulsion, un très haut niveau de compacité est exigé. Cela se traduit par une minimisation de volume des trois éléments principaux du système : la batterie, l’électronique de puissance et le moteur. La compacité est assurée donc par le choix de la topologie adéquate de la machine électrique parmi les topologies existantes. Cela encore se fait par l’optimisation au niveau de la conception de la machine. 3. Aptitude à fonctionner sur une large plage de vitesse avec puissance et tension constante: Lorsque le cahier des charges le permet (c’est le cas en traction électrique) le fonctionnement à puissance constante avec un moteur et un onduleur adapté permet de réduire le dimensionnement en puissance de la machine et de l’onduleur : un ensemble moteur–onduleur dimensionné par uniquement la notion de régime nominal (une puissance nominale et une vitesse nominale) conduit à un surdimensionnement dans le cas d’un système de type traction.
Choix du nombre de phases de la machine
L’augmentation du nombre de phases peut avoir des impacts positifs et négatifs tant sur la performance que sur la commande. Outre la tolérance aux pannes, de nombreux avantages sont obtenus suite à l’utilisation des machines polyphasées: 1. La distribution de puissance sur un nombre plus grand de phases, notamment les applications à basse tension, où les courants des phases sont souvent élevés. En effet, si la machine triphasée a 1par exemple, deux systèmes propulsifs ont une fiabilité fonctionnelle identique si leur probabilités de pouvoir aller au-delà d’une certaine vitesse sont identiques la même puissance que la machine polyphasée, elle possède des courants de phase plus importants. Ce fait permet d’alléger, dans les machines polyphasées, les contraintes de conception tant sur la machine que sur les convertisseurs de puissance[30; 31]notamment en évitant la mise en parallèle de composants appariés et supposés le rester dans le temps. 2. La possibilité d’obtenir réduction des effets parasites dans la machine notamment les ondulations du couple avec des courants non sinusoïdaux[32], les vibrations et le bruit acoustique et magnétique. 3. L’introduction de degrés de liberté supplémentaires dans la commande. Il est possible d’injecter dans les machines polyphasées, des harmoniques de courant de rang supérieur (>1) et contribuant à la production du couple avec des courants non sinusoïdaux tout en conservant un contrôle vectoriel très proche et robuste comme celui des machines triphasées. Cependant, l’introduction des machines polyphasées engendrent des inconvénients, qui proviennent bien entendu du nombre de connexions de puissance ainsi que, pour l’élaboration du contrôle, de la nécessité de gérer ces degrés de liberté supplémentaires de la machine: 1. L’ajout des degrés de liberté dans la commande, va complexifier la recherche de commande optimale de la machine par la nécessité d’une part d’ajouter des contraintes supplémentaires et d’autre part de travailler avec des vecteurs de dimension supérieure ou égale à 3 . En théorie, toutes les grandeurs électriques (vecteur flux, tension, couple,..) vont dépendre d’un vecteur courant de dimension supérieure à 3. L’espace de recherche des solutions pour le problème visant l’obtention de commandes optimales sous différentes contraintes augmente de taille. Ce fait impose la nécessité d’un algorithme d’optimisation robuste permettant de chercher les solutions optimales. 2. Complexité supplémentaire au niveau de l’électronique de pilotage (drivers) des composantes de puissance de la machine: plus de phases à alimenter donc plus de bras d’onduleur.2 Par contre, le circuit de puissance ne devient pas plus coûteux en supposant une répartition de la surface de Silicium entre plusieurs bras. 3. Dégradation de la fiabilité structurelle de la machine (probabilité de ne pas être à l’état intègre), suite à l’augmentation des nombres des bras de l’onduleur et des phases. L’augmentation du nombre des composants dans la machine ou dans l’alimentation de puissance, augmente la probabilité d’une panne d’un composant de l’ensemble convertisseur-machine. (Cependant, cette dégradation peut être compensée par une possible amélioration de la fiabilité fonctionnelle comme évoqué précédemment). Les machines polyphasées deviennent donc un choix prioritaire pour certains concepteurs. Citons des exemples de quelques domaines[42; 43]: • Machine double triphasée alimentée par onduleur de tension/propulsion électrique des navires (MS 12 MW Alstom) • Machines de sous-marins Siemens Permasyn à 12 phases alimentées par onduleur de tension. • Machines 15 phases /Alstom (3 x 5-phases couplés en étoile) alimentées par onduleur de tension/moteur de propulsion électrique en marine (19 MW 150 tr/min). 2Cette analyse est à moduler car si en triphasé il est nécessaire de mettre plusieurs composants de puissance en parallèle le nombre de drivers n’est pas forcément réduit. • Éoliennes de faible puissance de Krestel avec des générateurs à flux axial à double rotor 12 phases (400 à 2500 W) à 1100 tr/min, pour une tension <48 V. • La machine à flux axial muti-disque à 6phases de Turbogenset, pour alimentation de secours (1.2MW/20000tr/min). • Machines à flux axial de Kaman comportant 6 phases (450kW/5000tr/min). • L’éolienne E40 (600 kW) à 84 pôles d’Enercon comportant 6 phases. • L’alterno-démarreur heptaphasé pour application automobile Micro-hybride utilisé par Valeo dans l’alterno-demarreur intégré de sa gamme i-Stars 9-phases hyundia. Dans ce travail, nous allons explorer, sur des configurations de machines synchrones à 5 phases, l’impact sur les lois de commande optimales possibles, ce qui permet d’explorer ce qu’offre un entraînement polyphasé sans pour autant trop complexifier la commande en limitant des degrés de liberté. Ce choix ne garantit pas que cinq soit le nombre suffisant pour garantir une flexibilité suffisante dans la commande ainsi qu’une configuration satisfaisante au final. Par contre on cherche à examiner si l’utilisation des degrés de liberté mènent à des différences significatives ou non.
Particularité de la nouvelle machine par rapport aux solutions polyphasées existantes
L’utilisation d’une machine à cinq phases pose la question de la façon d’utiliser les degrés de liberté alors disponibles au niveau de la commande des 5 ou 10 bras d’onduleur. Les stratégies de commande et les résultats dépendent étroitement des caractéristiques de la machine (nombre des phases, bobinage, topologie du rotor). Cependant, jusqu’à présent la plupart des machines polyphasées considérées n’ont pas été conçues pour explorer toutes les potentialités offertes par les degrés de liberté. Les degrés de liberté supplémentaires offrent une flexibilité de commande, permettant d’alimenter la machine sous différentes stratégies de contrôle et sous différentes contraintes, aboutissant à différentes performances de la machine, où chaque stratégie de commande possède des avantages et des inconvénients selon l’objectif assigné à la machine. Ce fait montre la capacité des machines polyphasées, et si la structure stator/rotor est adéquate, à exploiter pleinement et d’une manière efficace et optimale les harmoniques du rang supérieur, ce qui se reflète a priori par une amélioration de rendement et de la compacité de la machine. C’est en ce sens qu’une particularité de la nouvelle machine a été conçue: plusieurs degrés de liberté permettant de gérer le couple fourni par la machine et établir des nouvelles lois de contrôle, notamment lors de la saturation en tension en haute vitesse. Historiquement, on peut retrouver des machines polyphasées avec des grandeurs électriques sinusoïdales et une alimentation sinusoïdale générant un couple de bonne qualité avec un contrôle vectoriel. Ces machines utilisent un seul harmonique du courant et donc ne permettent pas d’explorer les potentialités des machines polyphasées et l’impact des degrés de liberté supplémentaire. On peut trouver également des machines polyphasées alimentées avec plusieurs harmoniques du courant, on peut retrouver les machines avec des grandeurs électriques trapézoïdales avec une alimentation avec un courant trapézoïdal, soufrant d’un couple pulsatoire important à basse vitesse. Citons par exemple les machines 5-phases à force électromotrice trapézoïdale dans [33; 44; 45] et celle à 7-phases à force électromotrice trapézoïdale[46]. Dans ces machines, il est possible d’injecter l’harmonique du courant du rang 3, mais la contribution de cet harmonique dans la production du couple ne dépassant pas le 33%. Afin d’explorer les potentialités des machines cinq phases, le but dans ce travail est de concevoir une machine cinq-phases, en choisissant une structure statorique/rotorique adéquate[47], permettant d’exploiter pleinement les deux harmoniques 1 et 3 pour la production du couple. En d’autres termes, les deux harmoniques 1 et 3 possèdent des aptitudes équivalentes à produire le couple pour la même densité des courants. Cela signifie que la force électromotrice de la nouvelle machine, contient les deux harmoniques 1 et 3 avec des amplitudes de même ordre de grandeur. La nouvelle machine est donc appelée une machine double polarité, avec sa capacité à produire un couple soit avec le premier harmonique du courant associé à la polarité p soit avec le troisième harmonique associé à la polarité 3p. De ce fait, il est possible de changer la polarité de la machine, en jouant uniquement sur la commande. Par conséquent, cette machine est apte à assurer un fonctionnement avec une commutation électronique des pôles, où chaque polarité est associée à un harmonique d’alimentation. Ce fait permet également d’accroître les stratégies de pilotage de la machine en optimisant différents types de critères (autonomie, puissance en régime transitoire, couple transitoire, efficacité énergétique, plage de vitesse).