Outil théorique et méthodologique pour une conception écologique d’interface
La démarche de conception écologique
La psychologie écologique au travers l’ingénierie cognitive a. La psychologie écologique selon Gibson La psychologie écologique est née des travaux du psychologue américain James Gibson (1904-1979) qui proposa une théorie écologique de la perception (Gibson, 1972). Selon Gibson, (1992), la perception ne peut être expliquée que par la relation de l’organisme vivant avec son environnement, d’où le nom d’approche écologique.
Gibson, (1992) va proposer deux concepts clés qui vont caractériser son approche : l’affordance et la perception directe. Alors que dans le cognitivisme la perception est assimilée à un traitement réalisé par le cerveau sur une représentation mentale en relation avec l’image rétinienne, dans l’approche écologique, les affordances sont perçues directement, sans passer par une représentation intermédiaire (Blanche, 2010). L’information, ou plus justement la stimulation-information ne sont ni une propriété de l’animal ni une propriété de l’environnement.
Elle est ce que l’animal par sa présence, son action fait émerger de l’environnement et qu’il saisit. Le stimulus est défini traditionnellement comme l’intensité de l’énergie suffisante produisant l’excitabilité du récepteur et la décharge de potentiels d’action au niveau de la fibre nerveuse afférente. L’idée selon laquelle c’est la stimulation des récepteurs (stimulation-énergie ou stimulus) qui est à la base de la perception est rejetée.
Par contre, c’est la structure des configurations énergétiques ambiantes (optique, mécanique, acoustique) qui stimule les récepteurs (visuels, vestibulaires, auditifs) et qui fournit l’information pour la perception (stimulation-information). C’est la richesse de la structure spatio-temporelle de l’énergie et non l’intensité suffisante d’une énergie donnée qui est le point de départ du processus perceptif dans la pensée écologique (Luyat & Regia-Corte, 2009).
Le concept d’affordance est défini par Gibson comme une donnée invariante de l’environnement qu’elle soit perçue ou non et qui n’existe qu’en rapport à l’animal. L’environnement constituant ainsi une vaste collection d’opportunités pour l’action (les affordances) que l’animal doit détecter pour le « meilleur ou le pire ». Les affordances sont des propriétés matérielles d’un environnement, il existe donc des paramètres mesurables de l’environnement de l’individu qui étayent les intentions et les actions de ce dernier. Mais, elles n’ont pas d’existence indépendamment de la considération de l’individu conjointement à son environnement de vie.
L’ingénierie cognitive
L’ingénierie cognitive tire son essence de la psychologie écologique. Elle se situe à l’intersection de la psychologie, de l’ergonomie et de l’ingénierie. Elle a pour objectif originel de concevoir des systèmes techniques adaptés à la fois aux opérateurs, à leurs modes de traitement de l’information et aux contraintes relatives aux objets sur lesquels les opérateurs doivent effectuer des transformations, ce qui est appelé le domaine de travail.
Vicente & Rasmussen, (1990) ont contribué à faire émerger l’ingénierie cognitive. Ils se sont inspirés des travaux de Gibson en se référant aux concepts d’affordance et de perception directe. Vicente & Rasmussen, (1992) émettent l’hypothèse que dans toute situation Introduction de critères ergonomiques dans une démarche de génération automatique d’interfaces de supervision naturelle, un grand nombre d’affordances sont disponibles pour chaque individu.
Ces affordances sont structurées et les structures d’affordances peuvent véhiculer des informations pertinentes par rapport à un objectif. La hiérarchie moyens-fins que Vicente et Rasmussen proposent, est une sorte de cartographie d’affordances pour un environnement en particulier. Les niveaux d’abstractions proposés par Vicente et Rasmussen permettent de présenter de manières objectives les différents niveaux d’abstractions à travers lesquels l’individu peut percevoir son environnement. Ces travaux ont donné naissance à un courant de l’ingénierie cognitive appelé la conception d’interface écologique (Blanche, 2010).
Approche dyadique vs triadique, la WDA et les principes SRK
L’analyse du travail est une pratique communément admise dans la communauté des facteurs humains et de l’ergonomie et tout particulièrement de l’ingénierie cognitive néanmoins l’analyse du travail n’est pas abordée de la même manière. On peut diviser l’analyse du travail par deux sous-ensembles de contraintes, les contraintes cognitives et les contraintes de l’environnement. Les contraintes cognitives sont les demandes du travail qui proviennent du système cognitif humain, tandis que les contraintes de l’environnement sont celles qui prennent leurs origines dans le contexte dans lequel l’opérateur se situe.
Par exemple, les réalités physiques et sociales dans lequel se retrouve l’opérateur contraignent les comportements de l’opérateur et sont donc des contraintes de l’environnement, car elles existent indépendamment de ce que l’opérateur raisonne. Pour illustrer, les lois physiques qui régissent le système technique d’une centrale technique sont des contraintes liées à l’environnement (Vicente, 1999). Ces deux sous-ensembles de contraintes forment des exigences de travail pour l’opérateur et devraient donc se retrouver dans une analyse du travail. Dans l’approche traditionnelle cognitiviste, le focus et le point de départ de l’analyse débutent par les modèles mentaux, stratégies et préférences de l’opérateur. Tandis que dans l’approche écologique la réalité physique et sociale sert de socle de départ à l’analyse (Figure 8).