OSTEOMYELITE ASEPTIQUE DE LA HANCHE

OSTEOMYELITE ASEPTIQUE DE LA HANCHE

Le tissu osseux est un tissu conjonctif spécialisé ayant un rôle essentiel dans le soutien de l’appareil locomoteur et le maintien de l’équilibre phosphocalcique. En plus de ses fonctions mécanique et métabolique, il a aussi une fonction hématopoïétique, les os renfermant dans leurs espaces médullaires la moelle hématopoïétique dont les cellules souches sont au voisinage des cellules osseuses. Il s’agit d’un tissu en remodelage constant, constitué de cellules osseuses et d’une matrice extracellulaire minéralisée. L’os cortical ou compact constitue 80% du squelette ; l’os trabéculaire ou spongieux, formé de travées reliées entre elles, et constituant 20% du squelette a un renouvellement plus rapide que l’os cortical. À la ménopause, une perte osseuse apparaît, elle est secondaire à l’augmentation du remodelage osseux caractérisée par une résorption osseuse excessive. La carence en estrogènes entraîne la production de facteurs favorisant la formation et l’activation des Ostéoclastes, et stimule la signalisation RANKL [1] La diminution de la formation osseuse chez les femmes ménopausées est également en partie liée à la diminution des œstrogènes et à la faible expression de facteurs de croissance [2]. Ces phénomènes conduisent à l’ostéoporose post ménopausique. L’ostéoporose est une maladie diffuse du squelette, caractérisée par une diminution de la résistance osseuse entraînant un risque accru de fracture [3]. La mesure de la DMO (densité minérale osseuse) est utile dans le diagnostic et l’évaluation du risque de fracture. Cependant, cet examen à lui seul n’est pas suffisant pour la décision thérapeutique. L’arsenal thérapeutique a évolué considérablement ces dernières années et plusieurs inhibiteurs de la résorption osseuse ont été développés, C’est le cas : 3 – Des inhibiteurs de RANKL, – Inhibiteurs de la cathepsine K, – Des antagonistes du récepteur Alpha v Beta 3, – Peptide « glucagon-like » (GLP-2), – Les calcilytiques, – Anticorps anti-sclérostine, – Anticorps anti-Dkk1, – Récepteur soluble de l’activine Les BP ont un tropisme pour la matrice osseuse. Il s’agit d’agents anticataboliques les plus utilisés à l’heure actuelle dans le traitement de l’ostéoporose, ils interagissent principalement avec les Ostéoclastes matures et conduisent à l’apoptose cellulaire. L’acide zoledronique est un biphosphonate qui agit spécialement dans l’os, à travers une inhibition de la résorption ostéoclastique sans affecter la formation, la minéralisation ou les propriétés mécaniques de l’os. En cas de fracture vertébrale, elle reste une possibilité thérapeutique parmi tant d’autres lorsque le taux de filtration glomérulaire (GFR) est supérieur à 30 ml/min. L’administration de l’acide zolédronique par voie veineuse peut présenter des effets secondaires attendus tels que troubles digestifs, fièvre, un syndrome grippal, des lombalgies et d’autres effets plus graves comme des troubles du rythme cardiaque ou une nécrose de mâchoire. Nous rapportons dans ce travail une complication inattendue sous BP (biphosphonate) : une ostéomyélite aseptique de la hanche chez une patiente arthrosique présentant une ostéoporose ménopausique fracturaire et traitée par de l’acide zoledronique en perfusion intraveineuse. Nous passerons également en revue la littérature sur le traitement de l’ostéoporose post ménopausique.

LA PHYSIOLOGIE OSSEUSE 

LA MATRICE OSSEUSE 

La matrice osseuse est synthétisée par les ostéoblastes. Elle comporte une partie organique et une phase minérale. La matrice osseuse stocke par ailleurs de multiples facteurs de croissance et des cytokines et il existe des d’interactions entre la matrice et les cellules osseuses.

 La matrice organique

La fraction organique de la matrice osseuse est composée de collagène (essentiellement de type I, et de faibles quantités de type V), de protéoglycanes et de protéines non collagéniques. Les fibres de collagène de type I constituent environ 90% de la fraction organique de la matrice osseuse. La molécule de collagène de type I contient 2 chaînes α1 et une chaîne α2 associées en triple hélice. Lors de la maturation des molécules de collagène, il existe un clivage des propeptides N- et C-terminaux. Les molécules de collagène sont organisées en fibres avec formation de ponts (crosslinks) entre les molécules. La pyridinoline et la déoxypyridinoline font partie de ces agents de pontage et sont libérées lors de la résorption osseuse sous forme libre ou associées à des peptides du collagène (CTX et NTX). Des marqueurs de la synthèse du collagène de type I : dosage sérique des pro-peptides N- terminaux (PINP), et de la dégradation du collagène de type I : excrétion urinaire de pyrididinoline et déoxypyridinoline, dosage des C-télopeptides (CTX) et Ntélopeptides (NTX) du collagène de type I peuvent être utilisés pour refléter le remodelage osseux. Parmi les protéines non collagéniques, citons : − L’ostéocalcine, quasi spécifique du tissu osseux. Sa synthèse dépend de la vitamine K pour la carboxylation des trois acidesγ-carboxyglutamique (GLA). Ces résidus GLA confèrent à l’ostéocalcine une forte affinité 6 pour l’hydroxyapatite. Une partie de l’ostéocalcine est relarguée dans la circulation et peut être mesurée ; elle constitue un marqueur de la formation osseuse, − L’ostéonectine, présentant une forte affinité pour le collagène et L’hydroxyapatite, − l’ostéopontine, − la sialoprotéine osseuse (ou BSP). 

 La phase minérale 

La phase minérale est constituée de cristaux d’hydroxyapatite. La minéralisation nécessite des concentrations adéquates en minéraux et des sites de nucléation au niveau des fibres de collagène de type I. La phosphatase alcaline, enzyme associée à la différenciation ostéoblastique participe à ce processus de minéralisation. Cette enzyme est un marqueur de l’activité ostéoblastique. 

LES CELLULES OSSEUSES

 Les ostéoblastes 

Les ostéoblastes, cellules responsables de la formation osseuse, ont une origine mésenchymateuse. Les différentes étapes de l’ostéogenèse sont caractérisées par l’engagement, la prolifération puis la différenciation de cellules souches pluripotentes, aboutissant à des ostéoblastes fonctionnels chargés de la synthèse et de la minéralisation de la matrice osseuse. La différenciation ostéoblastique nécessite l’expression de facteurs de transcription spécifiques. Les cellules souches pluripotentes peuvent se différencier en myoblastes, fibroblastes, adipocytes, chondrocytes ou en cellules ostéoprogénitrices qui vont s’engager dans la voie ostéoblastique. La différenciation vers l’une de ces différentes voies implique l’expression temporelle de certains facteurs de transcription, induisant l’expression de gènes spécifiques du phénotype (Fig. 1) : 7 − la différenciation vers la voie adypocytaire par exemple nécessite l’expression de PPARγ 2 (peroxysome proliferator activated γ2) ; − la différenciation chondrocytaire requiert en particulier les facteurs Sox 5, 6, 9 ; − la différenciation ostéoblastique nécessite l’expression de plusieurs facteurs de transcription dont les facteurs Runx2 et Osterix. Les cellules progénitrices issues des cellules souches du stroma médullaire ont une plasticité et capacité d’interconversion. In vitro, en milieu de culture approprié, des adipocytes médullaires peuvent se redifférencier en ostéoblastes et des ostéoblastes humains d’origine trabéculaire sont capables de se différencier en adipocytes, ce qui démontre que ces cellules ont bien un précurseur commun. Sous l’influence d’inducteurs, les cellules souches vont donner naissance à des cellules précurseurs engagées dans la voie ostéoblastique, puis vont se différencier en pré- ostéoblastes, puis en ostéoblastes, qui vont acquérir progressivement les caractéristiques d’une cellule fonctionnelle. Les cellules ostéoblastiques matures vont terminer leur vie en devenant soit des ostéocytes, soit des cellules bordantes formant une couche de cellules aplaties alignées le long de la matrice nouvellement formée, ou bien vont mourir par apoptose. La différenciation ostéoblastique est sous le contrôle de facteurs de transcription, de facteurs systémiques et locaux, et d’interactions cellulaires et matricielles .

Rôle des ostéoblastes matures

La fonction essentielle de l’ostéoblaste mature est la synthèse de la matrice osseuse et sa minéralisation au cours de la croissance du squelette, le renouvellement de la matrice osseuse chez l’adulte et la réparation osseuse. L’ostéoblaste mature synthétise du collagène de type I, et également de nombreuses protéines non collagéniques (fibronectine, ostéopontine, ostéonectine, ostéocalcine, Sialoprotéine osseuse), ainsi que des protéoglycanes. Il contribue à la minéralisation de la matrice osseuse, qui nécessite un apport suffisant de minéraux (calcium et phosphate). L’ostéoblaste a un rôle essentiel dans le contrôle des différentes phases du remodelage osseux. L’initiation du cycle de remodelage est contrôlée par les cellules bordantes recouvrant la surface osseuse. Les cellules bordantes produisent également différentes enzymes dont une collagénase permettant l’élimination de la couche matricielle non minéralisée. Par ailleurs, les ostéoblastes et ses précurseurs présents dans le stroma médullaire produisent des cytokines (telles que M-CSF, TNFα, IL1, IL6) et des molécules régulatrices (RANKL et ostéoprotégérine) jouant un rôle essentiel pour stimuler la différenciation ostéoclastique. 

Rôle des ostéocytes

 Les ostéocytes ont également un rôle important, avec de nombreuses fonctions découvertes ces dernières années, agissant en régulant l’activité ostéoblastique et ostéoclastique et fonctionnant également comme une cellule endocrine [6]. Ces cellules sont la source de facteurs solubles agissant sur les cellules osseuses mais aussi sur des organes à distance. Ils sont une source importante de RANKL et sécrètent la sclérostine. Les forces mécaniques s’exerçant sur la matrice osseuse peuvent induire des signaux transmis de la matrice aux ostéoblastes par les ostéocytes. 

 Les ostéoclastes 

 Origine et différentiation

 Les ostéoclastes, cellules responsables de la résorption osseuse ont une origine Hématopoïétique. Les précurseurs circulants sont apparentés à la lignée monocytaire et se différentient en pré-ostéoclastes mononuclées, qui vont fusionner pour donner des ostéoclastes matures multinuclées (Fig. 3). Un grand nombre de cytokines et facteurs systémiques régulent ces étapes ; les cytokines RANKL et M-CSF jouent un rôle très important dans la différenciation ostéoclastique. Les ostéoclastes matures sont des cellules ayant une grande taille, multi nucléés, Ces cellules expriment l’enzyme TRAP5b (phosphatase acide résistante au tartrate iso forme 5b), la cathepsine K qui sont des marqueurs précoces. Ils expriment aussi l’intégrine αVβ3 ; l’expression du récepteur à la calcitonine (CTR) est un marqueur tardif de la différenciation ostéoclastique.

Table des matières

DEDICACES
LISTE DES ABREVIATIONS
LISTE DES FIGURES
LISTE DES TABLEAUX ET GRAPHIQUE
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
CHAPITRE 1 : LA PHYSIOLOGIE OSSEUSE
1. LA MATRICE OSSEUSE
1.1La matrice organique
1.2 La phase minérale
2. LES CELLULES OSSEUSES
2.1 Les ostéoblastes
2.1.1 Origines et différentiation
2.1.2 Rôle des ostéoblastes matures
2.1.3 Rôle des ostéocytes
2.2 Les ostéoclastes
2.2.1 Origine et différentiation
2.2.2 Rôle des ostéoclastes
3. LE REMODELAGE OSSEUX
4. LES FACTEURS MODULANT L’OSTÉOFORMATION
4.1 Les facteurs de transcription de la différenciation
4.2 Les facteurs locaux
4.3 Les facteurs hormonaux
4.4 Importance de la voie Wnt/LRP5
4.5 D’autres facteurs pouvant jouer un rôle dans la régulation ostéoblastique
5. LES FACTEURS MODULANT LA RÉSORPTION OSSEUSE
5.1. Cytokines et facteurs de croissance
5.2. Les hormones
5.3 La voie RANKL/RANK/OPG
CHAPITRE 2 : L’OSTEOPOROSE
1. OSTEOPOROSE : GENERALITES
1.1. Définitions de l’ostéoporose
1.2. Problème de santé publique
1.3. Mesure de la densité minérale osseuse
1.4. Facteurs de risque de fracture ostéoporotique
1.5a) Exploration complémentaire
1.5.b) Biopsie osseuse avec double marquage à la tétracycline
2. CAUSES DE L’OSTEOPOROSE
2.1. Ostéoporose ménopausique
2.1.1. Rôle du statut hormonal de la femme
3. Traitements de l’ostéoporose ménauposique
3.1. Agents anticataboliques
3.1.1. Bisphosphonates
3.1.2. Modulateurs sélectifs des récepteurs oestrogéniques
3.1.3. Inhibiteurs de RANKL
3.1.4. Inhibiteurs de la cathepsine K
3.1.5. Perspectives de l’inhibition de la résorption osseuse
3.2. Agents anaboliques
3.2.1. Hormone parathyroïdienne
3.2.2. Perspectives des traitements anaboliques
3.3. Agent mixte anticatabolique et anabolique
CHAPITRE 3 : LES BISPHOSPHONATES
1. GENERALITES
2. ROLE DE LA STRUCTURE CHIMIQUE DES BIPHOSPHONATES
3. PROPRIETES PHARMACOCINETIQUES DES BIPHOSPHONATES
4. UTILISATION CLINIQUE DES BIPHOSPHONATES
DEUXIEME PARTIE : NOTRE OBSERVATION
1. Cas clinique
2. DISCUSSION
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
REFERENCES
ANNEXES

 

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