Oscillation hautes-fréquences

L’épilepsie est une maladie neurologique caractérisée par des changements soudains et anormaux du comportement du cerveau d’un individu. Ces crises se manifestent sous plusieurs formes, dont des convulsions et des pertes de mémoire. Au Canada, environ 0.6% de la population en est atteinte et 42 cas sont diagnostiqués chaque jour (Epilepsie Canada, 2015). Parmi ces patients, environ 30% sont pharmacorésistants, c’est-à-dire pour lesquels les médicaments pour prévenir les crises sont peu ou pas efficaces. Ces cas nécessitent une chirurgie, qui consiste dans l’ablation locale de la zone qui cause les crises épileptiques, que l’on appelle foyer épileptogène.

C’est principalement pour ces cas qu’autant d’effort est mis dans la localisation du foyer épileptogène. Les neurologues prônent l’analyse des électroencéphalogrammes de scalp (EEG) pour la première localisation et, dans le doute, les EEG intracrâniens pour une localisation plus précise. Cette pose d’électrodes intracrâniennes nécessite une opération invasive, la première localisation est donc primordiale pour éviter une opération inefficace. La méthode conventionnelle est par la détection de pointes épileptiques, mais celles-ci sont souvent diffuses sur beaucoup de canaux, rendant la localisation difficile. Plusieurs recherches s’intéressent à une autre activité épileptique, plus difficile à détecter, mais qui offre une information plus focale de la zone recherchée. Parmis ces nouveaux biomarqueurs, on trouve les oscillations hautes fréquences (HFO).

Les HFO sont des évènements de courte durée, d’au moins quatre oscillations, dont l’amplitude est beaucoup plus petite que l’activité cérébrale normale. Elles sont généralement détectées sur les données intracrâniennes, là où l’effet du bruit est beaucoup plus faible que sur le scalp. L’intérêt du travail présenté dans cet ouvrage est de pouvoir détecter cette activité sur le scalp, où cette information pourrait être utilisée avant la pose des électrodes intracrâniennes (J.D. Jirsh et al. (2006), Melani et al. (2013)).

Comme ces oscillations se font dans une plage de fréquences où l’activité cérébrale régulière est rare, soit plus de 40 Hz, il est possible de filtrer pour plus facilement détecter les HFO. Comme la plage de fréquence des HFO s’étend des ondes gamma (40-80 Hz) jusque dans les ripples (80-200 Hz), une détection manuelle d’un neurologue doit se faire à l’aide de deux filtres qui coupent sur ces bandes. L’expert devra trouver ces oscillations visuellement à travers le bruit causé par les différentes couches physiques séparant le cortex et les électrodes et les artéfacts externes tels les mouvements du sujet. Pour limiter cet effet, et parce que l’activité épileptique y est à son plus fort, les données analysées se font pendant le sommeil profond. Suite à une discussion avec l’expert, nous savons que la détection visuelle de toutes les HFO sur trente minutes de données, avec 31 canaux, nécessite environ 15 heures. L’intérêt de faire une détection accélérée à l’aide de logiciels, tel que proposée par ce travail, est donc très élevé.

Oscillation hautes-fréquences 

Une HFO est une activité cérébrale qui semble être un bon biomarqueur du foyer épileptogène, voire meilleur que que les pointes épileptiques. En effet, les HFOs sont mesurées avant, après et pendant les crises épileptiques et principalement dans le SOZ (Andrade-Valenca et al. (2011)). Elles sont plus stables spatialement que les pointes et sont mesurées sur moins de capteurs. L’intérêt des HFOs est par contre très récent, aucune définition formelle n’est donc acceptée pour le moment. Néanmoins, il y a plusieurs caractéristiques observées qui sont globalement acceptées par les experts. Ces caractéristiques sont les suivantes (Melani et al. (2013)):

1- fréquence d’oscillation dans des bandes spectrales étroites (40-80 Gamma, 80 250 Ripple, 250-500 Fast Ripple);
2- au moins 4 oscillations;
3- typiquement entre 80 et 100 msec pour les HFO Gamma ou Ripple;
4- amplitude significative par rapport au signal EEG global.

Notons que la 4e caractéristique engendre une subjectivité dans la détection visuelle et automatique.

Afin d’éventuellement arriver à une définition formelle des HFO, il faudra mieux comprendre leur nature et leur rôle dans la pathologie. La section suivante fera la synthèse de ce que les experts y comprennent actuellement.

Intérêt sur l’hippocampe 

Les prochaines sections visent à mieux comprendre le phénomène de la génération des HFOs et l’historique des recherches qui ont menés à s’y intéresser. Afin d’y parveneir, il faut d’abord expliquer le rôle de l’hippocampe dans l’activité épileptique.

L’hippocampe est une composante du cerveau dont une des fonctions principales est le contrôle du système nerveux central (Freund and Buzsaki (1996), Bernard et al. (2001)). On s’intéresse à l’hippocampe en épilepsie à cause de son rôle central dans le contrôle du système nerveux.

Le contrôle du système nerveux est principalement basé sur l’activité de trois types de neurones (Freund et Buzsaki (1996)), les neurones pyramidaux, les interneurones et les neurones GABAerics.

Les neurones pyramidaux reçoivent un grand nombre d’influx nerveux par leur grand nombre de synapses et retransmettent cette information sur une grande distance et à grande vitesse. (Bernard et al. (1997)) .

Les interneurones servent de liens entre deux types de neurones. Une fois excités, ils sécrètent un neurotransmetteur excitateur, du glutamate, qui excitera à son tour un autre neurone. (Freund et Buzsaki (1996)) .

Les neurones GABAergics servent d’inhibiteur par la sécrétion d’acide gamma-aminobutyric (GABA) qui empêche l’activation prolongée des neurones. Les anticonvulsants pour épileptiques traditionnels amplifient la création de GABA. (Bernard et al. (1997)) .

En 2002, à partir de mesures in vitro d’hippocampes de cerveaux épileptiques, on y découvre un comportement qui mènera vers l’intérêt pour les HFOs (Cohen et al. (2002)).

Il s’avère que l’hippocampe d’un patient ayant souffert d’épilepsie sur une longue période possède des séquelles physiques apparentes (Cohen et al. (2002)). On tente de comprendre si ces « blessures » sont la cause des crises épileptique de ce patient ou bien si elles résultent des crises. En comparant l’activité in vitro de cet hippocampe, Cohen et al ont découvert une activité spontanée et brève, ce qui est anormal à l’activité régulière et stable d’un échantillon sain. De plus, cette activité est fortement corrélée avec les pointes épileptiques enregistrées chez le même patient via un EEG intracrânien.Cette activité est enregistrée plus spécifiquement que le subiculum, une région de l’hippocampe contenant des neurones pyramidaux qui communiquent directement avec le cortex. Il est donc probable que l’activité épileptique, ou du moins une partie, seraient originaires de l’hippocampe.

Après une étude plus approfondie, on observe également que la génération de cesµ pointes est liée à l’interaction entre les neurones pyramidaux, les interneurones et les neurones GABAergics. Ce qui est plus intrigant pour les experts est le rôle que ces derniers semblent jouer dans la balance neuronale. Il semblerait que les neurones GABAergics, normalement inhibiteurs, jouent un rôle excitateur dans la génération de ces pointes. Ce phénomène sort complètement de la fonction primaire qui avait été observée dans ce type de neurones jusqu’à présent. (Cohen et al. (2002)) .

Table des matières

INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Oscillation hautes-fréquences
1.2 Exemple d’HFOs typiques
1.3 Intérêt sur l’hippocampe
1.4 Intérêt sur les neurones GABAergiques
1.5 Activité gamma des neurones GAGAergiques
1.6 Détection automatique des HFOs
1.7 Détecteur initial
1.8 Définition des seuils
1.9 Conclusion
CHAPITRE 2 LA DÉTECTION VISUELLE
2.1 Introduction
2.2 Méthodologie
2.3 Exemple de marqueurs
CHAPITRE 3 LE DÉTECTEUR SUPERVISÉ
3.1 Objectif
3.2 La base de données
3.3 Variabilité temporelle
3.4 Stabilité d’amplitude
3.5 Stabilité spatiale
3.6 Conclusion
CHAPITRE 4 APPRENTISSAGE
4.1 Objectif et méthodologie
4.2 Résultats actuels
CHAPITRE 5 CLASSIFICATION FINALE
5.1 Introduction au score
5.2 La proximité des pointes épileptiques
5.3 La proximité spatiale
5.4 La durée maximale de la détection
5.5 Résultats
CONCLUSION

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