Les camerisiers sont des arbustes fruitiers issus de combinaisons génétiques obtenus à partir de différentes sous-espèces de chèvrefeuilles comestibles (Lonicera caerulea) (Bors et Thomson 2012). Les chèvrefeuilles comestibles (parfois appelé chèvrefeuilles bleus) sont indigènes de l’hémisphère Nord et font partie de la famille des Caprifoliacées (Marie-Victorin 2002). Les sousespèces utilisées (environ neuf) par le programme d’hybridation de l’USask provenaient de différentes régions nordiques de l’Asie, de l’Europe et de l’Amérique du Nord, plus particulièrement des écosystèmes boréaux de la Russie, des Îles Kuriles, du Japon et du Canada (Drolet 2008; Bors et Thomson 2012). Par exemple, au Canada, la sous-espèce de chèvrefeuille comestible indigène utilisée pour produire les camerisiers était du villosa (Lonicera caerulae var. villosa), alors qu’en Asie, les sous-espèces étaient plutôt du emphyllocalyx, du edulis et du kamschatica (Thompson 2006; Bors et Thomson 2012).
Les premières recherches agronomiques sur les fruits des chèvrefeuilles comestibles ont débutées durant les années 1950 à l’Institut Vavilov en Russie (Janick et Paull 2008; Lamoureux et al. 2011). À cette époque, les chercheurs avaient mis en place un vaste programme de sélection ayant pour objectif d’obtenir des variétés savoureuses d’intérêts horticoles dans le but de faire une production commerciale (Thompson 2006; Drolet 2008; Janick et Paull 2008). En 1970, les chercheurs japonais ont également débuté un programme de sélection et de développement de variétés d’intérêts horticoles pour préserver la culture de ces petits fruits déjà bien connu par les populations japonaises (Thompson 2006). Dans ces années, l’industrialisation et les projets de développement au Japon avaient entrainé un déclin considérable des sous-espèces de chèvrefeuilles comestibles indigènes et des alternatives devenaient nécessaires pour maintenir la culture de ces petits fruits (Thompson 2006). En Amérique du Nord, les premières recherches ont débutées à l’Université de l’Oregon à partir de 1990 (Bors 2004). La Dre. Maxine Thompson s’est intéressée à reproduire des clones de camerisiers issus des programmes du Japon et de la Russie afin de sélectionner les cultivars qui s’adaptaient le mieux au climat continental et semi-aride de l’Est de l’Oregon, sur la Côte Ouest des États Unis (Bors 2004). Quelques années plus tard, en 1998, les recherches ont débutées au Canada à l’USask (Bors 2004). En effet, le Dr. Robert Bors a débuté des travaux d’hybridation sur une grande sélection de variétés indigènes et horticoles de chèvrefeuilles comestibles provenant des différentes régions nordiques nommées précédemment (Drolet 2008; Bors et Thomson 2012). Le but de ces recherches était notamment d’améliorer les connaissances sur cet arbuste, mais également de produire des variétés horticoles plus savoureuses et plus résistantes à la récolte mécanisée et aux climats froids du Canada (Bors et Thomson 2012; Gagnon 2015). Aujourd’hui, le programme d’hybridation initié par le Dr. Bors est l’un des plus reconnus et des plus vastes à travers le monde dans le domaine et, c’est d’ailleurs à l’USask où l’on retrouve la plus grande collection de cultivars de camerisiers au monde (Bors et Thomson 2012; Hummer et al. 2012; Gagnon 2015). En 2007, les premiers cultivars de camerisiers provenant du programme d’hybridation de l’USask ont été implantés au Québec, et depuis, la majorité des camerisiers cultivés dans la province (~10 cultivars) proviennent de ce programme (Gagnon 2015).
CARACTÉRISTIQUES DES CAMERISIERS
La diversité génétique présente entre les différentes sources parentales indigènes de chèvrefeuilles comestibles a fait en sorte que les cultivars de camerisiers, produits et utilisés dans un contexte horticole au Canada, sont très variés et s’adaptent à de vastes conditions édaphiques et climatiques (Bors et Thomson 2012; Hummer et al. 2012; Gagnon 2015). Dans les rapports publiés à l’USask, il est mentionné que les camerisiers implantés au Canada peuvent croître dans des sols à granulométrie et à pH très variés (Bors 2004; Bors 2008; Bors et Thomson 2009; Bors et Thomson 2012). Par exemple, il semble que les camerisiers peuvent être implantés dans les sols sableux et argileux, alors que la plupart des vergers au Québec sont généralement implantés sur des sols loameux (Bors et Thomson 2012; Hummer et al. 2012; Gagnon 2015). Les pH de ces sols sont très variés, avec des valeurs variant entre 5,0 et 8,0 (Bors et Thomson 2012; Gagnon 2015).
Les camerisiers commencent normalement à produire des fruits l’année qui suit l’implantation (Thompson 2006). Les rendements augmentent au fil du temps et ceux-ci pourront atteindre entre 1 et 3 kg de fruits frais par arbuste après cinq années de croissance (les rendements dépendent grandement du cultivar implanté) (Bors 2004; Gagnon 2015). De plus, selon les cultivars de camerisiers, le poids par fruit varie entre 0.3 et 2.0 g (Thompson 2006; Skupień et al. 2009; Hummer et al. 2012). La forme, la grosseur, la maturation et la saveur des fruits varient également entre les différents cultivars (Bors et Thomson 2012; Hummer et al. 2012; Gagnon 2015). À maturité (généralement après 3 années de croissance), l’arbuste peut atteindre une hauteur de 0.7 à 2 m, selon le cultivar (Marie-Victorin 2002; Thompson 2006; Hummer et al. 2012).
La formation des fruits chez les camerisiers est particulière puisque deux fleurs sont nécessaires pour obtenir un seul fruit (deux fleurs sur le même réceptacle) (Thompson 2006; Frier et al. 2016). Chacune des fleurs est constituée de son propre ovaire et devra être pollinisée pour obtenir un fruit bien formé (Marie-Victorin 2002; Bożek 2012; Frier et al. 2016). Pour chaque ovaire, une baie distincte se forme, et c’est à la suite de la soudure des bractées que le fruit sera formé (deux baies distinctes recouvertes d’une petite enveloppe) (Marie-Victorin 2002; Bożek 2012; Hummer et al. 2012). Toutefois, pour permettre la pleine fructification de cette culture, une pollinisation croisée (chacun des cultivars étant autostérile) est nécessaire (Thompson 2006; Frier et al. 2016). Par conséquent, l’utilisation de plusieurs cultivars de camerisiers dans un même verger est nécessaire pour obtenir une fructification optimale (Bożek 2012; Hummer et al. 2012).
À ce jour, les camerisiers issus du programme d’hybridation Canadien semblent résistants à la plupart des maladies sauf à la maladie du blanc (oïdium), une maladie foliaire principalement causée par des champignons ascomycètes (Agrios 2005; Doucet 2008; Bors et Thomson 2012; Gagnon 2015). On ne connaît toutefois pas encore les impacts de cette maladie sur la croissance et les rendements en fruits des camerisiers, puisque la maladie apparaît généralement après les récoltes (Gagnon 2015). Au Japon, la pourriture grise affecte parfois les camerisiers, la maladie causée par le Botrytis sp., un champignon ascomycète, affecte le plant, mais dégrade également les fruits (Agrios 2005; Thompson 2006). En ce qui concerne les insectes ravageurs, aucune information n’a été publiée à ce sujet pour les camerisiers implantés au Québec et au Canada jusqu’à maintenant (Bors et Thomson 2012; Gagnon 2015). Par contre, tels qu’observés au Japon, les pucerons (Semiaphis heraclei) et les chenilles (Hemaris fuciformis, Orgyia recens et Apha aequalis) peuvent réduire la croissance et la vigueur des camerisiers implantés (Thompson 2006).
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