Organisation sémiotique des images transférées sur Interne

Organisation sémiotique des images transférées sur Interne

Les caractéristique s de l’In te rn e t Afin d’aborder les caractéristiques principales du média, nous nous réfèrerons particulièrement aux travaux d’Yves Jeanneret et Emmanuël Souchier sur l’écrit d’écran, aux travaux de Marie Després-Lonnet sur le signe passeur, à ceux de Dominique Cotte sur le document numérique ainsi qu’à l’ouvrage collectif Lire, écrire, récrire, supervisé entre autres par ces mêmes chercheurs. 

Spécificités générales du média 

Lorsqu’on évoque aujourd’hui les liens entre l’Internet et la télévision, c’est bien souvent la question de la convergence numérique qui est soulevée, avec l’idée d’une substitution progressive de la télévision par l’Internet. Le « webcasting » permet en effet de recevoir les chaînes de télévision directement sur l’écran de l’ordinateur. Cet aspect de la convergence des médias touche à la question de l’appropriation des nouvelles technologies de l’information et de la communication et est une donnée à ne pas négliger dans notre étude. Nous n’avons pourtant pas souhaité l’intégrer à notre corpus, qui vise avant tout à examiner les phénomènes répétitifs induits par la reprise d’images issues d’une même source. La télévision par le Web manifeste une sorte de redondance médiatique qui participe de l’omniprésence médiatique de certains produits télévisuels, mais elle reste encore trop marginale pour nous aider à décrire les dynamiques d’appropriation en jeu autour de ces produits. 260 Voir l’annexe 7 pour une vue synthétique des éléments du corpus « Internet » par type de contenu. Organisati nsé m io tique des images transfé ré e s sur In te rn e t 172 Contrairement à la télévision et à la presse magazine, Internet présente la particularité de mixer des contenus institutionnels, communautaires et personnels, sans que les frontières entre ces différents types de contenus ne soient aisément décelables. Le flou juridique qui caractérise encore aujourd’hui le média empêche de pouvoir recourir à une catégorisation nette en se basant sur les référenciations internes des sites. Pour autant, ces trois visages de l’Internet, même si leur distinction est loin d’être nette et évidente, sont à l’origine de différentes manières d’envisager le média. Ils produisent des contenus particuliers qui génèrent donc des comportements d’usagers biens spécifiques. C’est pourquoi, nous recourrons à cette partition quelque peu artificielle, qui nous permettra d’envisager des facettes multiples de l’Internet, dont résultent des appropriations et réappropriations variées des images. Il ne s’agit pas ici d’opposer des logiques mais de les isoler momentanément afin de les examiner de plus près. 

Spécificités structurelles 

Un m e dia agglo m é ran t Internet se caractérise par une spécificité et des formats médiatiques qu’il peut véhiculer et mélanger. La presse magazine peut combiner textes et images fixes, et la télévision textes, sons, images fixes et animées. Internet est un média qui permet quant à lui de visualiser des images fixes ou animées, du son, de la vidéo, du texte, et qui a la possibilité d’imbriquer ces différentes formes dans un même document. Pour autant, sa structure est textuelle. Internet présente plus précisément une structure hypertextuelle sur laquelle le lecteur peut agir par l’intermédiaire du pointeur de la souris. Ce pointeur lui sert à naviguer d’une page à l’autre, par l’intermédiaire des hyperliens ; il l’aide à dérouler la page afin de la visualiser progressivement au fil de la lecture ; il lui permet de cliquer sur des «signes passeurs » qui permettent différentes actions sur le document : agrandissement d’une image, impression d’un document, etc. Pour les auteurs de Lire, écrire, récrire [SOU3 03], « l’organisation de l’espace de la communication que [les médias informatisés] mettent en scène passe par l’écriture (« l’écrit d’écran ») et le « texte » (« le texte de réseau ») et suppose des objets porteurs de signes, saisis par des interprètes et non simplement des instruments dotés d’un cadre de fonctionnement et mis en œuvre, d’une façon ou d’une autre, par des utilisateurs261 ». La structure textuelle est marquée elle aussi intrinsèquement par une certaine hétérogénéité : si le texte de réseau « tend à la cohérence d’une forme (« la page web »), il convoque une pluralité de figures – la colonne de l’article de presse, la marge du cahier, etc.- et s’ouvre sur des emboîtements et des liens ». On décrit souvent Internet comme un média s’inspirant, dans ses formats, des médias déjà existants : «les formes reconnaissables dans leur filiation aux médias précédents fourmillent sur les écrans de l’Internet263 ». Internet serait donc, de par sa structure même, porteur d’un certains nombre de transformations constitutives : « structurellement, le texte de réseau prolonge les diverses dimensions du texte liées au support papier, en opérant sur elle des transformations 264 » ; « la numérisation permet d’associer des types de messages jusque-là affectés à des supports divers265 ». C’est la même chose pour le format audiovisuel de la télévision, repris par l’Internet qui le transforme de multiples manières : par son absence d’insertion dans un flux, par une maniabilité croissante dépassant les utilisations de l’image rendues possible par le magnétoscope et le zapping, mais également en plaçant l’image dans un cotexte qui en change complètement le statut pour le lecteur. Lire, écrire, récrire propose le terme de «textiel » pour désigner l’organisation des informations visuelles sur l’écran de l’ordinateur : « le textiel est un état émergeant de la « forme-texte » entendu comme ensemble matériel et organisé de signes à l’écran266 ». Une dernière caractéristique importante de l’Internet le distinguant des autres médias étudiés ici concerne son lectorat. Si celui de la télévision et de la presse est précisément mesurable et quantifiable, celui de l’Internet l’est beaucoup moins : de par sa dimension déjà, qui est planétaire, même si les sites de langue française auxquels nous nous intéressons renvoient à un lectorat francophone. L’internet «renvoie à un espace de communication dit «planétaire », en fait assez indéterminé sur le plan culturel et social267 », d’autant plus que les internautes qui s’y expriment se cachent généralement derrière des pseudos. Le « do cum e n t n um é rique » Le document numérique se caractérise par son caractère composite. Des formes toutes aussi diverses que le texte, l’image fixe ou animée, le son, la vidéo, peuvent cohabiter sur un même document. Il se caractérise également par une structure stratifiée : l’hypertexte permet d’en explorer différentes strates. C’est comme si le document numérique pouvait être assimilé à un dossier général  dans lequel peuvent être consultés différents sous-dossiers. Ainsi, la lecture d’un blog par exemple, peut se faire de manière relativement linéaire, en déroulant la page et les «billets » de haut en bas et en y lisant le texte et l’image fixe qui l’accompagne. Mais le blog peut aussi intégrer des fichiers audio et vidéo dans ses billets, et permettre ainsi d’accéder à d’autres strates du document. On serait tenté de le définir en fonction de sa technicité. Mais ce serait nier, selon Dominique Cotte [COT 04a], le fait que «les documents, comme tout objet produit par l’activité humaine, relèvent d’une dimension technique » ; ils sont en effet « le produit de la rencontre entre un agent, un matériau et un outil de travail268 ». La particularité du document numérique, qu’il partage avec le document audiovisuel, est qu’il a besoin d’une machine pour être lu. Pour l’Internet, cette machine est l’ordinateur, couplé à une connexion sur le Web. Mais Dominique Cotte nous rappelle que l’ordinateur est utilisé également pour créer des documents qui nous seront ensuite communiqués sous une autre forme, comme le journal, mis en page sur un logiciel électronique et publié ensuite sous format papier, ou encore l’affiche créée par l’infographiste, qui sera imprimé sur papier glacé et collée sur un mur. Il propose donc « d’isoler, ou de réserver le terme de document numérique uniquement aux documents qui ne retrouvent pas une forme «analogique » mais subsistent sous une forme consultable au moyen d’un appareillage électronique. Il en est ainsi des cédéroms et des sites web par exemple269 ». Nous retiendrons cette distinction, qui nous permettra d’employer le terme de « document numérique » pour les documents mis en ligne sur Internet : même s’ils sont issus de la presse papier ou de la télévision, ils existent ensuite en tant que documents numériques, ayant une existence autonome sur le réseau. Nous retiendrons également ce terme pour nommer certains documents créés personnellement par les internautes et parfois voués à être imprimés, comme le « papier à lettres » ou les « étiquettes » de cahiers, qui existent malgré tout sur Internet et dont l’usage prévu fonctionne comme un prétexte à la création de documents. Les documents numériques, et notamment ceux que nous observons dans notre corpus, se distingue majoritairement d’autres types de documents par la marge de manœuvre qu’ils laissent à l’internaute. Si Dominique Cotte nous précise que la manipulation des documents par le lecteur existait avant Internet, il souligne toutefois le fait qu’ « il en facilite considérablement la manipulation270 ». Outre toutes les manipulations possibles par le copier-coller, les documents numériques que nous analyserons sont très largement ouverts aux 268 Cotte, 2004, p.37. 269 Op.Cit. p.39. 270 Op.Cit. p.39. 175 commentaires extérieurs, auxquels des « sections » du document sont consacrées. 

Notre corpus Internet 

Tous les contenus sélectionnés ont été créés autour de l’émission, parfois partiellement mais souvent totalement. A la différence de la télévision et des magazines, les images présentes sur l’Internet et réunies dans notre corpus peuvent être de nature fixe ou séquentielle. On y trouve à la fois des vidéos extraites de la télévision, qu’il s’agisse d’émissions entières référencées dans des sites de partages de vidéos de type Youtube ou d’extraits choisis mettant en valeur un passage de l’émission ou la prestation d’un candidat lors du prim e. On y trouve également des photographies des candidats et des arrêts sur images de l’émission, les deux étant de nature «fixe » et l’arrêt sur image pouvant être visuellement et de premier abord assimilé à une photographie. La place des images dans les sites et pages web est soit première soit seconde par rapport au texte : autrement dit, tantôt l’image est centrale et le texte n’est présent que pour la référencer (c’est surtout le cas des vidéos et images de type « Fan Art271 »); tantôt elle est subordonnée au texte, elle l’illustre ou l’explique. Nous avons choisi des sites qui ont été créés à l’occasion de l’émission, et qui perdurent encore aujourd’hui, même si leurs mises à jour n’ont pas toujours excédé la fin de la diffusion du programme. Les sites qui ont continué à être mis à jour sont examinés non seulement dans la forme qu’ils avaient pendant la diffusion de l’émission, mais également dans la forme qu’ils ont début 2007, avec tous les ajouts qui leur ont été faits. Il nous a semblé important d’observer ces sites postérieurement à la diffusion du programme, car certaines images sont reprises des semaines, voire des mois après leur diffusion à la télévision. Cela nous permet en outre de visualiser les processus de transferts, de métamorphose et de contamination dans la durée. Nous verrons donc, presque trois ans après, ce qu’il en est des images diffusées à la télévision fin 2004. Mis à part tf1.fr, duquel les contenus sur Star Academ y sont retirés à la fin de chaque saison et que nous avons donc du observer et analyser au moment de la diffusion de l’émission, les autres sites étudiés ont été visibles au moins jusqu’à la date du 18 juin 2007. Notre objectif, dans cette partie, est de proposer une analyse systématique du corpus Internet, analyse se basant sur l’utilisation qui est faite des images, la manière dont elles sont référencées, contextualisées, et la façon dont elles prennent sens dans l’ensemble qu’est la page. C’est pourquoi cette partie sera 271 Nous reviendrons sur ce terme, qui est par ailleurs défini en annexe 4. 176 illustrée de nombreuses captures d’écran intégrales des pages web : cela nous permet de montrer ce qui est visible à l’écran par l’internaute, avec bien entendu la vue partiale que nous en avons depuis le navigateur Internet Explorer. 

Le rôle ambivalent des photographies de presse

Les photographies de presse semblent jouer dans ce site un double rôle contradictoire. En effet, ce rôle est, pour certaines images, palliatif ; pour d’autres, il est esthétisant. Les photographies de presse sont avant tout utilisées dans les rubriques consacrées aux professeurs. Pour chaque professeur, on trouve une 180 « biographie », une «galerie photos » ainsi que la «dernière itv276 vidéo». La rubrique consacrée au présentateur, par contre, comprend des arrêts sur images de l’émission de prim e ou ce qui semble être des photographies prises à l’occasion du tournage ; les images s’affichent dans un cadre coloré à côté duquel les différents individus apparaissent photographiés en plan taille ou plan américain, fixant l’objectif de face, ce qui permet d’installer une relative connivence avec le lecteur. Habituellement, les photographies de presse nous renvoient aux photographies de mannequins et de stars qui tapissent les magazines. Pour autant, elles semblent ici présentes pour pallier l’absence d’arrêts sur images : les caméras se concentrant essentiellement sur le présentateur et les candidats, les professeurs apparaissent rarement seuls à l’écran, et encore moins de face et fixant la caméra.

Les fonds d’écran présents dans la rubrique « goodies » représentent également des photographies de presse des différents candidats ; on reconnaît d’emblée la nature des images car les candidats sont représentés sur un fond, apparemment statiques, tenant une pose et fixant l’objectif. Chacun des fonds d’écran est accompagné du prénom du candidat et du logo de l’émission, bien visible Ces fonds d’écran permettent aux « fans » d’avoir accès à des images nouvelles et de se les approprier, notamment via le téléchargement. Les images qui les constituent présentent une maîtrise extrême et renvoient à l’image sophistiquée et apprêtée qui est donnée des candidats dans le prim e. Nous verrons d’ailleurs que ce type d’image participe du processus de starification en s’apparentant aux images traditionnelles des stars visibles dans les médias.

San dy-web 278, fidélité à TF1 et souci des fans 

Parmi les sites officiels, nous avons distingué, d’un côté, le site tf1.fr, vitrine promotionnelle de l’émission, de l’autre, les sites officiels des candidats, qui visent à promouvoir la carrière d’un candidat au-delà de l’émission. Sur l’ensemble des images du site de Sandy-W eb s’affiche le nom «Sandyweb.com », qui fait office de copyright et permet de diffuser les coordonnées du site via les images qui pourront être reprises par des internautes sur d’autres contenus en ligne. Des re prise s de re prise s d’im age s ré fé re n cé e s de m an iè re alé ato ire On observe dans ce site une grande hétérogénéité dans la référenciation des images, qui ne répond à aucune normalisation. L’image semble s’imposer par sa simple présence. Les images transférées reprises sur d’autres sites sont clairement référencées et mentionnent toutes le copyright de Sandy -W eb ainsi que celui de TF1 d’où elles ont été extraites. Il peut donc s’agir de photographies officielles de TF1, prises sur le plateau de l’émission ou au château pendant le tournage et qui s’apparentent à des captures d’écran : elles retranscrivent l’action qui a été transmise à l’écran sans qu’il ne s’agisse véritablement des images diffusées (elles peuvent avoir été prises de plus près, sous un angle différent, etc.). 

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