Les nanoparticules (NPs) constituent la base de la nanotechnologie et trouvent de nombreuses applications dans des domaines très variés tels que la santé, l’environnement l’électronique, le transport et les produits de consommation et de soins. Afin de remplir ces fonctions, les NPs doivent être synthétisées, passivées pour contrôler leur réactivité chimique, et les stabiliser contre l’agrégation afin d’atteindre les objectifs de performance spécifique. La chimie des nanoparticules métalliques plus spécialement celle des métaux nobles est un domaine en pleine expansion. Ces dernières possèdent en effet des propriétés uniques différentes de celles du matériau massif correspondant. Ces propriétés sont largement influencées par plusieurs paramètres dont les plus importants sont la taille, la forme, et l’environnement local de ces nanoparticules. La taille des NPs peut en effet varier de quelques atomes (clusters) à des objets de plusieurs dizaines de milliers d’atomes. Les NPs peuvent être composées d’un ou de plusieurs constituants métalliques. Leur composition est alors soit homogène (monométallique ou d’alliage) ou bien hétérogène (NPs dites « cœur-coquille »). Les formes des NPs peuvent aussi être extrêmement diverses. Des NPs sous formes de sphères, de cubes, d’étoiles ou encore de bâtonnets ont été reportées dans la littérature.
Les nanoparticules de métaux nobles possèdent une résonance de plasmon de surface localisé (PSLs) résultant de l’oscillation collective des électrons de conduction sous l’effet d’une onde électromagnétique. La résonance plasmon confère à ces nanoparticules un nombre de propriétés optiques uniques. La position et l’intensité des bandes de résonances plasmon dans un spectre d’absorption dépendent de la forme et de la taille des NPs. Ce phénomène s’explique par le fait que les nanoparticules métalliques peuvent absorber une radiation électromagnétique de longueur d’onde plus grande que la taille des particules. Cet effet est notable particulièrement dans la partie visible du spectre d’absorption pour les métaux nobles tels que l’or, l’argent et le cuivre. La résonance des PSL s’accompagne d’une forte exaltation du champ électromagnétique au voisinage de la nanoparticule. C’est grâce à ces phénomènes d’exaltation consécutive à l’excitation des PSL que le SERS a été mis en évidence et s’est imposé comme une technique de pointe pour l’étude de trace de molécules organiques voire la détection de molécule unique. Il a été montré que la forme des nanoparticules influence fortement les gains SERS. Les gains les plus élevés ont été enregistrés pour des objets ayant des singularités telles que pointes, fissures etc. L’assemblage des NPs joue également un rôle important car il permet une exaltation importante et locale du champ électromagnétique dans les interstices entre deux NPs. La préparation de ces nanostructures couplées peut se faire soit par voie chimique soit par voie physique avec l’émergence des techniques de lithographie.
Ces régions (interstices, pointes etc.) hautement localisées où l’on a une exaltation intense du champ électromagnétique, due aux résonances plasmons de surface localisés, sont appelés « points chauds ».
Dans ce travail de thèse, nous nous sommes intéressés aux nanoparticules d’or, d’argent et de cuivre. De plus, nous avons utilisé l’expertise du laboratoire d’accueil, le MONARIS, sur les synthèses « bottom-up » de NPs habillés de ligands alkyls. Les NPs d’or, d’argent et de cuivre sont ainsi synthétisées par réduction de complexes organométalliques. Elles sont caractérisées par une distribution en taille étroite (inférieure à 10%) et un diamètre faible (entre 5 et 10 nm). Cette faible polydispersité permet aux nanoparticules de s’autoorganiser en ce que l’on nomme des « supercristaux » c’est à dire, des organisations à trois dimensions ordonnées à longue distance. Ces supercristaux ont un intérêt particulier dans le domaine de la plasmonique. En effet, les nanoparticules s’organisent en structures compactes : cubique faces centrées. Cette organisation permet d’avoir une grande densité en NPs, et donc en points chauds. De plus, ces supercristaux sont de taille importante (> 1µm²) ce qui permet d’étudier une surface homogène. Par ailleurs, l’organisation des nanoparticules présente une alternance de zones conductrices (cœur métallique) et isolantes (ligands organiques). Aussi, celles-ci sont également utilisées en nanoélectronique et en électrochimie. Les supercristaux sont donc de bons candidats afin de créer une plateforme pour la spectroscopie Raman exaltée de surface (SERS) couplée à l’électrochimie ce que nous avons exploré pendant cette thèse.
Le terme de métal noble date du 14ème siècle et définit un métal qui est non réactif à l’air, résistant à l’oxydation et la corrosion. Communément, la liste est constituée de 8 métaux comprenant le ruthenium (Ru), le rhodium (Rh), palladium (Pd), l’argent (Ag), l’or (Au), l’osmium (Os), l’iridium (Ir) et le platine (Pt). Cette liste peut être étendu au cuivre (Cu), mercure (Hg) (American Geological Institute, 1997) et au rhenium (Re). Une définition plus stricte des métaux nobles, qui possèdent une couche électronique d remplie, inclue uniquement le cuivre, l’argent et l’or. Les applications des métaux nobles sont très variées, telles que la bijouterie, la médecine, la mécanique, l’électronique et les nanotechnologies. Dans cette thèse, nous nous intéresserons particulièrement à l’or, à l’argent et au cuivre et à leurs propriétés physiques à l’échelle nanométrique.
Les atomes d’or, d’argent ou de cuivre s’empilent dans une structure cristalline cubique faces centrées (cfc) responsable de leur ductilité et malléabilité. Le réseau cfc est construit par un empilement de plan compacts {111}. Partant d’un premier plan « A », le plan suivant « B » peut se positionner au-dessus de la lacune 1 ou 2 . Dans le cas où le plan supérieur « B » est positionné à l’aplomb des lacunes 2 du plan « A ». Le plan supérieur à B peut être placé au niveau des lacunes 1 ou 2 du plan B. Dans un premier cas où le plan est audessus de la lacune 2, nous définissons un nouveau plan « C ». En répétant ce processus, le plan suivant sera du type « A » et donc la séquence est […ABCABC…]. Le réseau associé à cet empilement est le réseau cfc. Dans un second cas où le plan supérieur à B est situé sur la lacune 1, le plan est donc de type A, la séquence est donc […ABAB…]. Cette structure est appelée hexagonale compacte dont le réseau associé est hexagonal primitif (hc).
Nous pouvons donc définir un monocristal comme un empilement sans défaut de plans. Cependant, l’or dans son état naturel est très rarement sous une forme bien cristallisée mais plutôt sous forme d’un agrégat polycristallin. Ces défauts peuvent être intrinsèques, correspondant à un retrait d’un plan, ce qui engendre une séquence du type […ABCACABC…] ou bien extrinsèque lors d’un ajout d’un plan qui perturbe la séquence, par exemple […ABCBABC…]. La création d’un défaut demande un coût en énergie libre, l’énergie de faute d’empilement. Parmi les métaux qui cristallisent en réseau cfc, l’or et l’argent sont les matériaux avec les plus faibles valeurs d’énergie d’empilement (Rosengaard and Skriver, 1993).
Resistance à la corrosion
Comme il a été explicité auparavant, le cuivre, l’argent et l’or sont moins sensibles à la corrosion que d’autres mais peuvent être oxydés sous certaines conditions. Nous allons nous intéresser à leurs interactions avec l’oxygène et l’eau ainsi qu’avec les dérivés thiolés. En effet, l’oxygène et l’eau sont présents dans l’air, ce qui nous permettra de mieux appréhender leur stabilité lors des manipulations et les restrictions nécessaires à prendre. Quant aux dérivés thiolés, ceux-ci sont couramment utilisés en tant que ligands pour les nanoparticules.
L’oxygène ne réagit pas avec l’argent ni l’or (Verguin, 1845) au contraire du cuivre qui forme une fine couche d’oxyde à sa surface de composition CuO et Cu2O. En présence de dérivés souffrés, l’argent forme une couche de Ag2S et aura tendance à noircir. Le cuivre quant à lui réagit aussi pour former du Cu2S. L’or a tendance à fixer les sulfures à sa surface formant une liaison forte Au-S . Il peut aussi être coordiné par des amines (Hoft et al., 2007). Cela nous permet de mieux contrôler l’environnement des nanoparticules lors de leurs synthèses ainsi que pour leurs conservations. En effet, les NPs devront être dans des conditions stables afin qu’elles ne s’oxydent pas mais aussi pour éviter la coalescence, pouvant apparaître lors d’un manque de ligand en surface des nanoparticules. Il est aussi à noter que l’or peut être corrodé par l’anion Cl- (Kozin et al., 2005) qui est un ion relativement commun en milieu aqueux.
Nous venons donc de voir que l’assemblage d’atomes isolés pour former un solide permet d’observer des propriétés particulières. Pour des nanoparticules qui sont des objets à mi-chemin entre l’atome isolé et le solide, on peut s’attendre également à des propriétés spécifiques. Si les niveaux d’énergie sont bien définis dans le cas d’un atome isolé ou d’un solide ce n’est plus cas quand il s’agit d’un ensemble d’atomes se situant entre ces deux cas. Les nanoparticules (NPs) sont en effet composées d’un nombre relativement faible d’atomes pour des dimensions comprises entre 1 et 20 nm. Par exemple pour une nanoparticule d’or de 10 nm de diamètre et de structure cfc, on calcul un nombre d’atomes égale à 5×10⁴ atomes. En plus, des propriétés quantiques spécifiques cette taille nanométrique confère aux particules des propriétés particulières (optiques, catalytiques) résultant de la modification du rapport surface sur volume. Nous allons nous intéresser plus particulièrement aux propriétés optiques des NPs d’or, d’argent ou de cuivre.
Les méthodes de synthèse des nanoparticules peuvent être divisées en 2 catégories: « top-down » et « bottom-up ».
La méthode « top-down » est une approche physique qui consiste, à partir d’un matériau macroscopique, à fabriquer des objets de taille nanométrique. Un exemple de méthode courante est la lithographie par faisceau (électrons, rayon X ou laser). Cela consiste à illuminer un objet constitué d’un matériau, sur lequel un masque, résistant au faisceau a été déposé. Après divers traitements, une nanostructure est obtenue telle que des nanoplots (Betelu et al., 2016) ou bien des nanoparticules (Merk et al., 2013). Cela permet d’obtenir des substrats dont la surface est contrôlée et reproductible. Cependant, la lithographie est limitée par la distance inter-objet où il est très difficile de la réduire à des distances de quelques nanomètres. De plus cette technique est onéreuse, en particulier en lithographie haute résolution.
La méthode « bottom-up », quant à elle, est une approche chimique. Les conditions expérimentales sont très variées, permettant d’obtenir une vaste gamme de formes et de tailles. Nous pouvons noter certains points communs à ces synthèses qui sont en phase liquide avec l’utilisation d’un précurseur métallique, d’un agent réducteur et d’un agent stabilisant.
Dans le cadre de ce travail de thèse, nous nous intéressons plus particulièrement aux méthodes dites « bottom-up ». Dans l’ensemble, ces synthèses par voie chimique, sont basées sur un contrôle de la cinétique de la réaction en modifiant les conditions de synthèses (températures, temps de réaction, quantités de réactifs) afin d’obtenir des nanoparticules avec une faible distribution de taille et de forme contrôlée. En effet, la distribution de taille a un effet important sur la capacité des nanoparticules à s’auto-organiser pour former des assemblages 2D ou 3D (Lalatonne et al., 2004).
En tirant partie du savoir-faire du MONARIS, nous avons donc choisi une méthode de synthèse « bottom-up » basée sur la réduction de sels organométalliques afin de fabriquer des nanoparticules d’or, d’argent et de cuivre de taille et de forme contrôlées. Avant de détailler le principe de cette synthèse, nous allons présenter les principales méthodes de synthèses reportées dans la littérature pour les nanoparticules d’or, d’argent et de cuivre.
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