EPIDEMIE DE DENGUE DE TYPE 3
INTRODUCTION
La dengue, anciennement appelée « petit palu » ou « grippe tropicale » ou « fièvre rouge » est une arbovirosetransmise à l’homme par l’intermédiaire de la piqûre d’un moustique diurne du genre Aedes (A. aegypti le plus souvent, plus rarement A. albopictus). Principale virose ré émergente à transmission vectorielle dans les régions tropicales et subtropicales en zones urbaines et périurbaines, la dengue constitue un problème de santé à l’échelle mondiale et une urgence médicale dans ses formes hémorragiques(46) Décrite pour la première fois en 1779, elle était présente uniquement en Asie du Sud-Est, mais elle est depuis quelques années en pleine progression dans le reste de l’Asie, en Afrique, en Polynésie française, et surtout en Amérique du Sud, où le nombre de cas a été multiplié par 60 entre 1989 et 1993. En effet, ces dernières décennies, la dengue est devenue un important problème de santé publique internationale du fait de la progression spectaculaire de sa prévalence sous forme d’épidémies(32). Les raisons de cette progression rapide sont multiples (18, 44) : • croissance démographique importante création de bidonvilles aux abords des villes catastrophes naturelles paupérisation ralentissement des campagnes d’éradication du moustique Aedes aegypti. L’Organisation Mondiale de la Santé(46) estime qu’en 2009, 2,5 milliards de personnes sont exposées, soit 2/5 de la population mondiale, avec 50 à 100 millions de cas/an dont 250 000 à 500 000 cas de FDH par an et près de 20000 décès dont des enfants pour la plupart. Ces flambées épidémiques explosives ont intéressé les quatre sérotypes de la dengue : DEN-1, souche Hawaï ; DEN-2, souche Nouvelle Guinée ; DEN-3, souche H87 ; DEN-4, souche H241, qui sont similaires du point de vue épidémiologique, mais antigéniquement et génétiquement distincts. L’infection avec un sérotype entraîne une immunité durable pour le sérotype homologue, mais il n’existe pas d’immunité croisée entre les différents sérotypes. En Afrique, des épidémies de DEN-2 et DEN-4 ont été décrites en 2005 et 2007. L’introduction de la DEN-3 semble plus récente. Il a été responsable d’épidémies en Côte d’Ivoire en 2010, au Cap Vert et au Sénégal en 2009. Le sérotype DEN-3 a été identifié en 2010 au Soudan (29) ainsi qu’en Tanzanie, chez des cas importés (Italie, Japon et Suède). De même en 2011, il a été identifié à Djibouti chez des expatriés français (29). L’archipel du Cap-Vert(59) a été le plus touché par l’épidémie de 2009, responsable d’une lourde morbidité affectant plus de 20 000 personnes, soit cinq pour cent (5 %) de sa population, avec une incidence de 900 cas par jour. Le Sénégal n’a pas été épargné au cours de l’épidémie de dengue en 2009 dont le sérotype DEN-3 constitue le seul sérotype en cause, touchant un plus grand nombre de personnes, comparée aux épidémies antérieures. C’est dans ce contexte d’épidémie que s’inscrit notre étude dont les objectifs sont : – de déterminer le profil épidémiologique des personnes infectées par le virus de la dengue de type 3 au Sénégal ; – de décrire les manifestations cliniques et les modalités évolutives des cas de dengue de type 3 rencontrés au cours de l’épidémie de 2009. Pour atteindre ces objectifs, nous procéderons d’abord, dans la première partie, à la revue de la littérature ; dans la seconde partie, qui correspond au travail personnel, nous exposerons les résultats avant de les commenter. Enfin, nous terminerons par une conclusion et des recommandations. Première Partie: Revue de la Bibliographie
HISTORIQUE
Rappels généraux
C’est en Philadelphie en 1780 que fut décrite la premièreépidémie authentique. Elle fut à l’origine d’épidémies en1827et 1828 aux Antilles Espagnoles. Le motDengue vient de « denguero» qui signifie en Espagnol guindé ou coup de barre lombaire. D’importantes épidémies ont été décrites en Australieen 1897, aux Seychellesen 1926, à Tunisen 1927 , à Athènesen 1928 et à Taïwanen 1931. La transmission par A. aegypti fut établie par Brakroft en 1906. Les souches DEN-1 et DEN-2 furent identifiées en 1943, tandis que la description clinique fut faite dix ans plus tard en 1954 par des pédiatres philippins. En 1956, deux nouveaux sérotypes DEN-3 et DEN-4 furent identifiés. I.2. Historique de la dengue en Afrique Tableau I : Historique de la dengue en Afrique Le sérotype DEN-2 a été responsable d’épidémies en Afrique de l’Ouest. Dates Pays Sérotypes 1964 – 1968 Nigéria DEN-1 DEN-2 1974 – 1985 Sénégal DEN-2 1982 – 1986 Burkina Faso DEN-2 1980 – 1990 Sénégal DEN-2 1999 – 2000 Sénégal DEN-2 2009 Cap Vert DEN-3 2010 Côte d’Ivoire DEN-3 2009 Sénégal DEN-3 4 La dengue de type 3 a fait son apparition en 2009 en Afrique et a débuté au Cap Vert. I.2.1. Historique de la dengue au Sénégal (40, 41, 51) Des cas sporadiques de dengue ont été notés au Sénégal avant 2009 et ont concerné les sérotypes DEN-1, DEN-2 et DEN-4. DEN-1 – 1979 : quatre cas ont été confirmés à Bandia (département de Mbour, 60 km à l’Est de Dakar) -1979-80 : Séroconversion de neuf enfants testés pour l’antigène DEN-1 à Kaolack (192 km à l’Est de Dakar) -1980-82 : 21,5% des enfants avaient des anticorps anti-DEN-1 dans la zone de Bandia (Mbour). -1981 et 1982 : Forte prévalence des anticorps anti-DEN-1 chez les enfants de moins de 2 ans à Mékhé et Touba. (120 et 175 km au Nord-Est de Dakar). DEN-2 -1970 : Isolement du virus chez une sénégalaise à Bandia -1983 : deux cas chez des européens de retour de Ziguinchor (Sud du Sénégal) -1990 : souches isolées de sérums d’un kédovien et d’un européen qui correspondent à des contaminations liées au cycle selvatique à Kédougou. DEN-4 – 1981: un cas importé d’Haïti et diagnostiqué à Dakar en 1981. – 1983 : petite épidémie dans une famille européenne ayant conduit à deux isolements et un cas diagnostiqué par sérologie en Casamance. 5 DEN-3 : -2009 : il a fait son apparition au Sénégal et a été à l’origine de la première épidémie de dengue DEN-3
ÉPIDEMIOLOGIE
Répartition géographique de la dengue
Figure 1 : Répartition géographique de la dengue (57) Plus de 100 pays dans le Sud-Est asiatique, les Amériques, le Pacifique, en Afrique et à Madagascar ont été touchés par ce fléau .
Morbidité et mortalité
Dans le monde, 2,5milliards de personnes sont exposées, soit 2/5 de la population, avec 50 à 100 millions de cas/an dont 250 000 à 500 000 cas de FDH par an et près de 20000 décès (46). En Amérique Dans les DOM-TOM, de nombreuses épidémies ont été constatées ces dernières années ; les plus importantes ont été notifiées : 6 – En 2001, en Martinique, 25 259 cas estimés -En 2004 la Réunion, après plus de 25 ans d’absence, une épidémie de dengue est survenue avec 228 cas estimés, 119 cas confirmés et aucun décès. -En 2005 en Guadeloupe, 7 751 cas étaient notifiés et en Guadeloupe 13 412 cas estimés avec 4 décès respectivement -En 2006 ,en Guyane française, 16 400 cas estimés dont 4 décès déclarés. – -Août 2007 et Janvier 2008, faisant un nombre estimé à 18 000 cas cliniques ayant donné lieu à une consultation en Martinique et à 19 000 en Guadeloupe. en 2010,en Martinique, 40 000 cas de dengue notifiés et 43800 cas en Guadeloupe, soit dix pour cent (10%) de la population avec respectivement 17 et 6 décès. Au Brésil -En 2008, environ 36 000 habitants de Rio de Janeiro ont contracté la dengue, surchargeant les urgences hospitalières avec 24 décès notifiés -En 2009, toujours au Brésil, à Alagoa, 3000 cas, aucun décès notifié. – En 2010 : 26 000 cas à Alagoas, 195 640 cas à Minas Garais dont 46 décès, 495 cas à Piaul, 1262 cas à Rio de Janeiro, parmi lesquels 21décès notifiés.Au Paraguay en 2010 : 9874 cas avec 15 décès Au Venezuela en 2010 : 41573 cas ont été notifiés avec une mortalité nulle En Océanie : En nouvelle caledonie En 2001, 39 320 cas étaient estimés avec 8 décès en 2003, 5 673 cas déclarés dont 17 décès. en 2004, 792 cas déclarés, 2 décès et De 2005 à 2008, la prévalence des formes épidémiques a diminué, laissant la place aux cas sporadiques la Polynésie Française en 2009, une épidémie de dengue avec près de 2 700 cas possibles rapportés. Les sérotypes DENV-1 et DENV-4 ont co-circulé, notamment au début de l’épidémie. En Asie En 2010, Au Cambodge, 5 278 cas avec 11 décès. Une recrudescence des cas a été notée en 2012, entre Septembre 2012 et Février 2013 où 3 315 cas ont été enregistrés (29). En Europe : En France hexagonale, de 1999 à 2003, 508 cas d’importation de dengue ont été recensés dont 2 décès. En Italie en 2009, des cas de dengue d’importation chez des touristes ayant séjourné en Egypte et chez un émigré sénégalais ont été notifiés. 8 En Afrique : Au Cap-Vert : en Octobre 2009 (59), 16 744 cas ont été notifiés dont 145 formes hémorragiques, avec 6 décès et plus de 600 cas par semaine. En Côte d’Ivoire en 2010, 25 cas de dengue, aucun décès (45). Au Gabon en 2010, 84 cas de dengue ont été identifiés
PATHOGENIE
Elle est mal connue. Après pénétration du virus dans l’organisme, il s’en suit une dissémination du virus par voie sanguine et lymphatique, puis une infection, en fonction du tropisme du virus, sur différents organes-cibles dans lesquels a lieu la réplication virale. Une réponse immune, humorale et cellulaire, de la part de l’organisme va survenir, avec présence d’anticorps sériques de différents types. En cas de réponse efficace, la maladie évolue vers la guérison avec ou sans séquelle. Il s’établit alors une immunité solide, durable, spécifique du virus en cause. En cas de réponse inefficace et pour des raisons encore mal élucidées, survient une libération de médiateurs vaso-actifs et de facteurs intervenant dans la coagulation avec, pour conséquence : activation de la thromboplastine, coagulopathie de consommation, diminution du fibrinogène et des facteurs de coagulation responsable de l’hémorragie (Figure 2). La survenue d’une immunité à médiation cellulaire est, quant à elle, à l’origine de réactions inflammatoires péri-vasculaires parfois intenses, responsables d’extravasation plasmatique. Les manifestations cliniques sont dues à des facteurs externes (virulence de la souche, infections virales séquentielles) et individuels comme l’âge du patient inferieur à 12 ans et supérieur à 75ans, la dénutrition, le terrain génétique..
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE |