Organisation de la chromatine et son lien avec la
réplication de l’ADN
Choix de la région et du type cellulaire
Sélection d’une région à timing conservé et contrasté
Le timing de réplication utilisé comme référence dans ce manuscrit est celui établi par Hansen et al. [2010], car il couvre tout le génome humain, il est établi avec une haute résolution temporelle (phase S sub-divisée en 6). De plus, il a été analysé dans notre laboratoire pour y détecter des U-domaines de timing (voir page 75 et suivantes ainsi que [Baker et al., 2012]). Pour notre étude, nous avons sélectionné la région du chromosome 5 humain comprise entre 150 et 170 Mb pour plusieurs raisons exposées dans cette soussection. a- Cette région montre un timing similaire dans différentes cellules Pour décrire les profils de timing, on utilisera dans ce manuscrit une terminologie qu’il vaut mieux introduire dès maintenant : un pic de timing correspond à un maximum local dans le profil, c’est-à-dire à une région répliquée plus précocement que ces voisins immédiats ; une vallée de timing est l’opposé, à savoir une région répliquée plus tardivement que les régions adjacentes. La comparaison du timing de réplication de différents types cellulaires montre qu’il est globalement conservé sur ces 20 Mb du chromosome 5 (figure 25A). ➤ En effet, 3 types de cellules lymphoblastoïdes (Gm06990, H087 et TL010) ont globalement le même timing avec seulement quelques subtiles différences : – à 158,5 Mb, on observe une unique bosse de timing chez les H0287, 2 bosses chez les TL010, et une situation intermédiaire chez les Gm06990 ; – à 164 Mb, on observe un rebond dans le timing des H0287, mais pas dans les deux autres types de cellules lymphoblastoïdes. ➤ Pour des types cellulaires différents, les divergences de timing sont légèrement plus marquées, même si elles restent minimes : – à 164 Mb, on observe un franc pic de timing dans les cellules K562 qui n’est pas observé dans les autres types cellulaires analysés (voir chapitre 5) ; – les 3 pics de timing de la région [157 – 160 Mb] présentent une forme différente dans les cellules lymphoblastoïdes, fibroblastes (BJ) et K562 ; – les cellules souches BG02 présentent un timing relativement éloigné des cellules différenciées, en accord avec l’observation qu’entre 20 et 45% du génome change de timing lors de la différenciation [Hiratani et al., 2008; Desprat et al., 2009]. ➤ Cette région présente donc un timing de réplication globalement partagé par plusieurs types cellulaires (les astérisques, figure 25A, indiquent des pics communs à la plupart des panneaux). Cette très forte conservation est une spécificité de cette région (en comparaison, la région [27 – 52 Mb] du chr 7 montre un timing de réplication nettement moins conservé d’un type cellulaire à l’autre, figure 25B). Chr5 −− Coordonnées (Mb) MRT précoce tardif Figure 26 – Timing de réplication (MRT) de la région chr5 :150–170 Mb. Le signal brut provient de Hansen et al. [2010]. Il a été post-traité par Baker et al. [2012] (voir page 75) b- Cette région montre un timing similaire d’un laboratoire à l’autre Le timing de réplication des cellules Gm06990 a également été déterminé par le groupe de D.M Gilbert ([Ryba et al., 2010] et http://www.replicationdomain. com). Au niveau de la région du chr 5 choisie, leur timing s’avère très proche de celui établi par Hansen et al. [2010]. Même si l’on ne peut pas exclure que les mêmes artéfacts/biais surviennent dans les deux laboratoires, l’excellente reproductibilité d’un laboratoire à l’autre (figure 25A, panneaux 1 et 2) témoigne certainement de l’exactitude du timing établi. c- Cette région montre un timing contrasté La région chr5:150-170Mb possède un timing fluctuant (figure 26), avec des loci répliqués en tout début de phase S (abscisse proche de zéro, par exemple à 154 Mb ou 162,8 Mb), et d’autres répliqués en toute fin phase S (abscisse proche de 1, par exemple à 152,3 Mb ou 165 Mb). Des situations intermédiaires existent également, par exemple : – un pic de timing répliqué au milieu de la phase S (à 162.7 Mb, timing = 0.55) ; – des vallées de timing pas très tardives (par exemple à 159 Mb). Dans ces 20 Mb du chr 5, des points de vue 4C peuvent donc être placés sur des loci précoces ou tardifs, mais aussi sur ces situations intermédiaires. Un pic de timing répliqué en milieu de phase S nous permettra d’évaluer si c’est la valeur précise du timing qui détermine les contacts à longue-distance ou si c’est le fait d’être plus précoce que ses voisins (valeur relative). Enfin, les régions précoces de cette région du chr 5 sont très fines, permettant le placement sans ambiguïté d’amorces 4C sur les pics de timing. La région du chr 5 choisie présente un timing de réplication conservé entre plusieurs types cellulaires. Il est contrasté et montre des changements brusques au niveau des régions précoces, permettant de positionner précisément les points de vue 4C.
Choix de la région et du type cellulaire Chapitre
Choix du type cellulaire
➤ Nous avons choisi de mener notre étude sur des cellules lymphoblastoïdes pour plusieurs raisons : – le timing de réplication est établi dans les cellules lymphoblastoïdes Gm06990 par au moins deux groupes différents [Hansen et al., 2010; Ryba et al., 2010] ; – de nombreuses marques épigénétiques et facteurs chromatiniens ont été étudiés dans ces cellules, et de nombreux ChIP-chip ou ChIP-Seq sont disponibles, autorisant les méta-analyses. ➤ Notre étude a également été conduite sur des cellules mononucléées du sang périphérique (PBMC, constituées majoritairement de lymphocytes [Delves et al., 2006]) pour deux raisons. Premièrement, il s’agit de cellules normales, non tumorales, et non transformées par un virus. Deuxièmement, elles sont bloquées en phase G0 et ne se répliquent donc pas. La comparaison des PBMC et des cellules lymphoblastoïdes permettra d’aborder la question de la stabilité des contacts chromatiniens dans des cellules en cycle et hors-cycle. ➤ Un 4C-Seq a également été effectué sur des PBMC stimulées à la phytohémagglutinine, une lectine connue pour activer les lymphocytes et les sortir de dormance. ➤ Ces trois types cellulaires étant proches, le timing de réplication des cellules lymphoblastoïdes Gm06990 a été utilisé comme référence pour chacune. Les liens entre organisation à grande échelle de la chromatine et timing de réplication ont été étudiés sur des lymphocytes et dérivés de lymphocytes. Protocole : Culture cellulaire Toutes les cellules sont cultivées à 37◦C avec 5% CO2 dans du RPMI supplémenté avec 10% sérum, glutamax et pénicilline/streptomycine. Les PBMC sont isolées du sang de donneurs sains par centrifugation sur FicollPaque PLUS (GE Healthcare) avec les tubes Leucosep®(Greiner bio-one) en suivant les instructions des fabricants. Les PBMC sont stimulées par ajout dans le milieu de culture de 1,5% phytohémagglutinine (PHA) pendant 68 h. 106 PBMC stimulées ont été fixées à l’éthanol et traitées à l’iodure de propidium (20µg/mL, 30 min, 37◦C) pour une analyse du cycle par FACS (LSRII, FACSDiva™, BD Biosciences).
De la librairie 4C au séquençage haut-débit
Dans cette section, nous aborderons les étapes expérimentales en insistant sur les contrôles intermédiaires.
Préparation des librairies 4C
Un protocole adapté de celui du groupe de Wouter de Laat Le protocole 4C utilisé est adapté de celui du groupe de Wouter de Laat [Simonis et al., 2006]. Afin de constituer un document de travail, je vais détailler dans ce paragraphe chaque étape de la préparation des librairies 4C à partir de cellules lymphoblastoïdes ou de PBMC. Protocole : Préparation des librairies 4C Cross-link Les cultures de lymphoblastoïdes / PBMC sont centrifugées (5 min, 200 g), et resuspendues dans du PBS – 10% sérum à une concentration de 2.106 cellules par mL. Un volume de solution de fixation (4% formaldéhyde dans du PBS / 10% sérum, préparée extemporanément) est alors ajouté (incuber 10 min à température ambiante sur tubes roulants). La réaction est arrêtée par ajout de glycine 1 M froide (qsp. 125 mM), et les cellules centrifugées (8 min, 220 g) pour enlever le fixateur. Lyse Les cellules lymphoblastoïdes ou les PBMC sont incubées 10 min dans du tampon de lyse (10 mM Tris pH7.5, 10 mM NaCl, 0.3% NP-40, 1X inhibiteur de protéase) à 2.106 cellules par mL, puis lysées à l’aide d’un homogénéisateur de type dounce (≈ 20 coups de pistons B). Le déroulement de la lyse peut-être suivi par coloration au Vert de méthyle – Pyronine. Les noyaux sont récupérés par centrifugation (5 min, 400 g, 4◦C). Digestion par HindIII Des aliquotes de 6,6.106 cellules sont préparées dans des eppendorfs de 1.5 mL, avec 510 µL de tampon de restriction 1.17X. La chromatine est extraite par ajout de 7,5 µL de 20% SDS (1h, 37◦C, sous agitation), puis le SDS est piégé par ajout de triton (75 µL de 20% Triton X-100, 1h, 37◦C, sous agitation). La chromatine est enfin digérée par 300U de HindIII (4h, 37◦C) puis à nouveau par 400U de la même enzyme (O/N, 37◦C). [contrôle de la digestion possible, figure 27]. Ligation La digestion est arrêtée par inactivation de l’enzyme de restriction (ajout de 40µl de 20% SDS, 1h, 37◦C). La chromatine digérée est transférée dans un falcon de 50 mL dans lequel le volume est ajusté à 7mL avec du tampon de ligation sans ATP (40 mM Tris pH7.8, 10 mM MgCl2, 5 mM DTT, 70 µg/mL BSA final). Le SDS est piégé par ajout de 375 µL de 20% Triton (1h, 37◦C), puis sont ajoutés l’ATP (1 mM final) et la ligase (150U, incubation O/N, 16◦C). Purification Le cross-link est inversé par incubation à 65◦C (O/N) en présence de 300 µg de protéinase K. L’ARN dégradé (400 µg de RNase), une extraction au phénol-chloroforme est effectuée. La phase aqueuse est ensuite 100 diluée par 2, puis précipitée à l’éthanol en présence de glycogène (une fois l’alcool ajouté, le falcon peut être incubé à -80◦C pour faciliter la précipitation). L’ADN est resuspendu dans 200 µL de 10 mM Tris pH 7.4 [contrôle sur gel possible, figure 28]. Circularisation L’ADN purifié est digéré par 50U de Hin1II (O/N, 37◦ ) dans un volume final de 500 µL, puis purifié par extraction au phénolchloroforme et précipitation à l’éthanol [contrôle sur gel possible, figure 28]. Une ligation est ensuite effectuée (14 mL, 1X Tampon de ligation avec 1 mM ATP, 300U ligase). Purification Le produit de ligation est purifié par extraction au phénolchloroforme, la phase aqueuse est diluée 2 fois et l’ensemble précipité à l’éthanol (une fois l’alcool ajouté, le falcon peut être incubé à -80◦C pour faciliter la précipitation). L’ensemble est repris dans 300 µL de 10 mM Tris pH7.4, puis purifié par chromatographie (Roche High Pure PCR Product Purification, 3 colonnes par 106 cellules). L’ADN est quantifié par fluorimétrie (QuBit dsDNA BR). Les étapes les plus critiques de ce protocole sont la fixation, la digestion par HindIII et la ligation. S’il est difficile de suivre le déroulement de la fixation, les étapes de digestions enzymatiques ainsi que la première ligation peuvent être aisément contrôlées pour s’assurer de leur bon fonctionnement. b- Contrôle de la digestion sur chromatine cross-linkée Pour capturer des interactions 4C, une digestion efficace de la chromatine cross-linkée est essentielle. Le bon déroulement de la digestion a été évalué sur gel d’agarose en comparant les profils de migration d’une aliquote avant et après digestion. Sur gel, une chromatine convenablement digérée conduit à une migration sous forme de « smear », avec une bande majoritaire en haut de la trainée [Louwers et al., 2009]. Les profils de migration après digestion et purification (voir protocole) présentés figure 27A sont conformes à ce qui est attendu. En particulier, le « smear » est bien visible et la bande majoritaire nettement moins intense que pour l’aliquote avant digestion. Protocole : Contrôle du taux de digestion Une aliquote de 10 µL avant et après la digestion HindIII est sauvée, ajustée à 100 µL avec du 10 mM Tris pH7.4, incubée à 65◦C (1h) en présence de 100 µg de protéinase K, et une extraction au phénol-chloroforme est effectuée. 20 µL sont déposés sur gel 0.7%, le reste est précipité à l’éthanol. L’ADN purifié est utilisé comme matrice pour des PCR quantitatives à l’aide d’amorces chevauchant un site HindIII. Pour rigoureusement quantifier le taux de digestion, il est possible de mesurer le taux de coupure de certains sites HindIII par PCR quantitative [Hagège et al., 2007]. A l’aide d’oligonucléotides situés de part et d’autre d’un site HindIII, nous avons donc quantifié le nombre de copies amplifiables après digestion de la chromatine. Cette valeur a été comparée à celle obtenue avec des amorces .
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