L’information classique s’encode dans des bits, qui valent par convention 0 ou 1. La transposition directe en termes d’information quantique consiste à utiliser des qubits, qui prennent comme valeurs des superpositions arbitraires de et de . La lumière est particulièrement adaptée au transport de l’information : elle se propage rapidement et peut être guidée dans des fibres optiques. Mais la lumière quantique se décrit en termes d’oscillateurs harmoniques et non d’espaces de Hilbert à deux dimensions. Deux possibilités s’offrent alors [126].
La première consiste à essayer de se limiter à des qubits, ou au moins se restreindre à des mesures ayant un nombre fini ou discret de résultats possibles. Cette approche est celle des variables discrètes ; on utilise typiquement zéro, un, ou un faible nombre de photons. L’outil de mesure adapté est alors le détecteur de photon unique. Le plus souvent il est de type on/off, c’est-à-dire que l’information obtenue est binaire : soit il a détecté un photon ou plusieurs, soit il n’en a pas détecté [44].
Une deuxième solution est d’utiliser plus largement la dimension infinie de l’espace de Hilbert et de mesurer des intensités, des phases ou des quadratures. On parle alors de variables continues. Si cette approche semble plus générale, les limitations techniques de la génération et de la détection font qu’elle s’avère en pratique surtout différente. L’état peut facilement être macroscopique, mais les propriétés quantiques résident le plus souvent dans les fluctuations des champs, qui en pratique restent relativement faibles et sensibles aux pertes [16].
Cette discussion ne concerne pour l’instant qu’un seul mode du champ électromagnétique. Or il serait absurde d’utiliser une voie de communication s’interrompant après l’envoi d’un seul bit. Pour augmenter considérablement la quantité d’information manipulable, il nous faut prendre en compte l’aspect multimode de la lumière quantique. Il est alors possible de travailler avec un nombre fini ou infini de modes. Les différents modes peuvent être utilisés indépendamment, mais il est plus général et donc plus intéressant de s’y intéresser comme un tout, en prenant en compte la possibilité d’intriquer l’ensemble des modes disponibles [87].
Afin de différencier les modes, on peut utiliser des degrés de liberté spatiaux [63], par exemple avec des guides d’ondes parallèles ou les modes transverses d’une cavité [17]. Ils peuvent aussi se distinguer par leur fréquence ou leur temps d’émission [9]. En utilisant ce dernier encodage, on bénéficie d’un énorme avantage : un même cristal non linéaire ou un même détecteur peut être utilisé pour différents modes [96]. Il est ainsi possible de créer des états intriquant des dizaines de milliers de modes sans avoir besoin d’un nombre similaire de composants optiques [123, 138]. De tels états trouvent des applications aussi bien pour le calcul [53, 86, 87], la métrologie [105] que la communication [37] quantique.
Le nombre de lettres dans les alphabets latins et grecs étant limité, les notations sont susceptibles d’évoluer au cours de la thèse, en particulier aux changements de parties. Les principales notations utilisées sont rassemblées dans la liste des notations ; les variables locales n’y figurent pas. Elles sont triées par ordre alphabétique et groupées par partie, mais les notations concernant l’ensemble de la thèse sont mises à part.
Les détecteurs optiques sensibles aux photons uniques sont au cœur des protocoles d’information quantique exploitant des variables discrètes. Les plus répandus sont du type on/off (parfois aussi appelés Geiger) : ils émettent un signal électrique (« clic») quand ils détectent de la lumière, mais sans qu’aucune information ne puisse être obtenue de l’amplitude ou la forme du signal ; en particulier aucune information sur le nombre de photons n’est récupérée. Ces détecteurs sont usuellement modélisés comme effectuant une mesure quantique avec deux issues possibles : soit le détecteur clique (on), soit il ne clique pas (off) ; cette description a été abondamment étudiée, y compris en prenant en compte des imperfections [24, 41, 49]. Cela permet de décrire beaucoup d’expériences ; même lorsqu’on utilise plusieurs modes du champ électromagnétique il est en général possible de les séparer spatialement pour envoyer chaque mode sur un détecteur différent.
Quand l’information est portée par un photon délocalisé dans des cases temporelles, il est inutile d’effectuer la séparation spatiale car un seul détecteur suffit et le temps du clic permet de déterminer la case dans laquelle était le photon. De manière similaire, une expérience ayant une faible probabilité de succès est répétée jusqu’à ce qu’elle réussisse ; les temps des clics des différents détecteurs permettent de s’assurer que les résultats des mesures concernent bien la même réalisation de l’expérience. Avec les technologies disponibles de nos jours, il est possible de travailler avec des lasers ayant des taux de répétition de l’ordre du gigahertz [59, 77, 95, 115]. Atteindre de telles fréquences soulève un problème car le temps entre deux impulsions devient similaire à celui caractéristique d’un défaut des détecteurs réels : le temps auquel ils cliquent est affecté d’aléa. En imaginant qu’il soit possible d’envoyer un photon localisé en un temps t sur le détecteur, celui-ci clique à un temps T aléatoire. On appelle ce phénomène gigue temporelle, ce qui est également utilisé pour désigner l’écart type de T . Quand la séparation entre deux cases temporelles est du même ordre de grandeur que la gigue, apparaissent des questions comme de déterminer la probabilité qu’une détection soit attribuée à la mauvaise case temporelle. Il est donc nécessaire de décrire théoriquement ce phénomène.
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