La pathologie : le cancer colorectal (CCR)
Épidémiologie :En 2018, environ 43 000 nouveaux cas de cancers colorectaux sont détectés en France, avec 17 000 décès par an. C’est le troisième cancer le plus fréquent après le cancer du sein et de la prostate (troisième rang chez l’homme et deuxième chez la femme). Le cancer colorectal survient majoritairement après 50 ans (5 % de cas de cancers colorectaux avant cet âge). L’âge moyen au diagnostic est de 70 ans. C’est la deuxième cause de décès par cancer. Le taux de survie global est de l’ordre de 60% 5 ans après le diagnostic , et est fortement lié au stade de la maladie, il passe de plus de 90% pour les cancers de stade I à 10% pour les cancers stade IV. Le sex-ratio hommes/femmes est de 1 pour le cancer du côlon et est de 2 pour le cancer du rectum. Bien que leur incidence et aussi leur mortalité diminuent depuis 2005, année de la génération du programme de dépistage organisé (INCa), une majorité de ces cancers est diagnostiquée à un stade avancé, d’où l’importance du dépistage pour une détection précoce, améliorant ainsi son pronostic quand le traitement peut être mis en place au début de la maladie. Les facteurs de risques et prévention:
Les facteurs de risques du cancer colorectal sont : l’âge >50 ans, le surpoids, l’obésité, une alimentation riche en graisse animale, l’alcool, le tabac, l’inactivité physique, la consommation importante de viande rouge ou de viandes transformées (>500g par semaine).
La prévention primaire repose essentiellement sur le contrôle des facteurs de risque (arrêt du tabagisme et réduction de la consommation d’alcool), la modification des habitudes de vie (augmentation de l’activité physique, de la part des fibres dans l’alimentation et de la consommation de laitages, réduction de la consommation de viandes et de charcuterie) et la normalisation du poids .
Les facteurs protecteurs sont donc la pratique d’une activité physique (cancer du côlon uniquement) une alimentation riche en fibres, et notamment avec la consommation de céréales complètes.
D’autres facteurs de risque existent comme la présence d’un antécédent personnel ou familial d’adénome colorectal ou de cancer colorectal (CCR). Entre 60 et 80 % des cancers rectocoliques se développent à partir d’un adénome. Le risque de transformation d’un adénome en cancer varie en fonction de la taille, de l’importance de la composante villeuse au sein de l’adénome et du degré de dysplasie. Certains caractères transmis de manière héréditaire, comme dans la polypose adénomateuse familiale(causée par des mutations, notamment les gènes APC et MYH) et le syndrome de Lynch (CCR héréditaire non polyposique causé par des mutations, essentiellement des gènes MLH1, MSH2, MSH6 et PMS2), sont responsables d’un risque accru de CCR . Ces formes familiales représentent moins de 10 % des cancers du côlon et du rectum, et touchent souvent des individus plus jeunes que les formes sporadiques. Les maladies inflammatoires du tube digestif (maladie de Crohn et rectocolite hémorragique RCH) présentent un risque de transformation cancéreuse. Le risque existe surtout pour les pancolites évoluant depuis plus de 10 ans.
Le diagnostic du cancer du côlon
Très longtemps asymptomatique, le cancer du côlon peut se révéler par certains symptômes pouvant attirer l’attention et conduire parfois à une consultation médicale bien que ces symptômes soient peu spécifiques. Ils comprennent :
des troubles du transit intestinal : constipation soudaine ou qui s’aggrave, diarrhée qui se prolonge ou alternance de diarrhée et de constipation, un méléna (cancer du côlon droit) ou des rectorragies, une anémie ferriprive (cancer du côlon droit surtout), des douleurs abdominales à type de coliques, évoluant par crises de 2 ou 3 jours, accompagnées parfois de gargouillements abdominaux, une perte de poids inexpliquée et/ou une petite fièvre persistante, une altération de l’état général, une tumeur abdominale palpable ou une hépatomégalie hétérogène (métastases hépatiques). Si les symptômes précédemment décrits sont peu marqués ou ont été ignorés, parfois ce sont des complications qui révèlent l’existence du cancer : obstruction intestinale, abcès ou fistule digestive, perforation/péritonite de la tumeur dans la cavité abdominale.
Le diagnostic se fait pour le cancer du côlon : par la coloscopie totale avec prélèvements biopsiques (au minimum 10 à 15 biopsies endoscopiques en vue des tests de biologie moléculaire).
Stade tumoral : la classification pTNM
Le système de classification des cancers TNM (tumor/node/metastasis) est un système reconnu internationalement et qui décrit l’extension d’une tumeur maligne à un moment donné dans un organe particulier. Ce système est mis à jour périodiquement par les experts de l’Union Internationale Contre le Cancer (UICC) et de l’American Joint Committee on Cancer (AJCC). Nous sommes à la 8ème édition de la classification TNM parue en 2017, et qui est utilisée actuellement. L’envahissement tumoral reste de loin le facteur pronostique le plus important permettant de guider les décisions thérapeutiques.
La classification pathologique (pTNM) se base sur les résultats de l’examen histopathologique après une chirurgie. La classification pathologique du pTNM est donc basée sur trois critères anatomiques principaux:
T = Extension de la tumeur primaire : ce critère est établi en fonction de la taille de la tumeur primaire et/ou de l’infiltration des tissus et des organes de voisinage.
L’envahissement en profondeur de la tumeur (pT), est divisé en plusieurs niveaux croissants de 0 à 4 : T0 : pas de tumeur, Tis : carcinome in situ (intra-épithélial ou intra-muqueux avec franchissement de la membrane basale et invasion du chorion sous-jacent), T1 : infiltre la sous-muqueuse (sm1, sm2, sm3 selon l’envahissement de cette dernière, cette sous-division est essentielle sur pièce de résection endoscopique car déterminante pour la suite de la prise en charge), T2 : infiltre la musculeuse, T3 : infiltre la sous-séreuse ou le tissu péri-rectal non péritonisé, T4a : infiltration du péritoine viscéral, avec perforation tumorale, T4b : envahissement par la tumeur d’organe adjacent.
L’identification du stade pT4 est une variable importante car il s’agit d’un facteur de mauvais pronostic qui pourra entrainer des attitudes thérapeutiques différentes pour certains sous-groupes de patients comme les stades II.
N = Extension dans les ganglions lymphatiques régionaux. L’examen histologique d’une lymphadénectomie régionale doit inclure au moins 12 ganglions lymphatiques. Certains travaux suggèrent que le nombre optimal de ganglions à examiner dépend du statut T de la tumeur. Pour les stades I, un nombre de ganglions analysés < à 12 pourrait être suffisant et, inversement, pour les tumeurs T4 un nombre de ganglions > à 12 est plus adapté .
En cas de métastases ganglionnaires, plus le nombre de ganglions locorégionaux atteints par la tumeur augmente et plus la valeur du pN sera élevée :
pN0 : Si les ganglions lymphatiques ne sont pas atteints mais que le nombre minimal n’est pas atteint, classer comme pN0. pN1 : Métastases dans 1 à 3 ganglions lymphatiques régionaux.
N1a : métastase dans 1 seul ganglion régional, N1b : métastases dans 2 – 3 ganglions lymphatiques régionaux, N1c : nodules tumoraux (c’est-à-dire satellites) dans la sous-séreuse ou dans les tissus mous non péritonéalisés péri-coliques ou péri-rectaux sans atteinte ganglionnaire lymphatique.
pN2 : Métastases dans 4 (ou plus) ganglions lymphatiques régionaux, N2a : métastases dans 4 à 6 ganglions lymphatiques régionaux, N2b : métastases dans 7 (ou plus) ganglions lymphatiques régionaux.
M = Extension à distance : la présence de métastases à distances (M1) correspond aux stades d’extension les plus avancés et sont donc associés à un plus mauvais pronostic.
M0 : absence de métastase. M1 : présence de métastases. M1a : Métastases confinées à un seul organe. M1b : Métastases de plusieurs organes ou péritonéales.
Cette classification TNM permet de définir plusieurs stades (0, I, II, III, IV) dont la prise en charge et le pronostic diffèrent.
Classification histopronostique des CCR
Elle repose sur la classification TNM avec l’examen d’au moins 12 ganglions régionaux sur la pièce de colectomie pour évaluer le statut ganglionnaire d’une part. Ensuite, une demande de recherche d’instabilité microsatellitaire sur la tumeur est indispensable chez les patients de 60 ans et/ou les patients ayant des antécédents familiaux ou personnels de cancer : elle caractérise les patients qui ont un syndrome de Lynch. 100% des patients qui ont un syndrome de Lynch ont des instabilités des micro-satellites, mais elle se retrouve aussi dans 15% des CCR sporadiques. Elle permet également d’évaluer le pronostic (bon pronostic en cas d’instabilité microsatellitaire) et la sensiblité à l’immunothérapie (en cas d’instabilité microsatellitaire).
Quand un CCR est diagnostiqué et que le patient est métastatique, une demande de recherche de mutation RAS (KRAS et NRAS) sur la tumeur est indispensable. Les patients qui ont une mutation K-RAS ou N-RAS (CCR Ras mutés) ne peuvent pas bénéficier des thérapies ciblées anti-EGFR (qui ont une AMM dans les CCR métastatiques).
Une demande de recherche de mutation BRAF est utile en cas de métastases et sera de mauvais pronostic en cas de positivité .
Les principes thérapeutiques
Différentes approches peuvent être utilisées pour traiter un cancer colorectal : la chirurgie, la radiothérapie (pour les cancers du rectum), la chimiothérapie et les thérapies ciblées.
La chirurgie :Le traitement des cancers colorectaux repose principalement sur la chirurgie en supprimant la portion du côlon ou du rectum atteinte par la tumeur en respectant une marge saine. Elle peut s’effectuer par laparotomie ou par coelioscopie. Le choix de l’une ou l’autre de ces techniques dépend de la taille, de la localisation de la tumeur. Les ganglions lymphatiques locaux sont aussi prélevés et analysés pour décider de la suite thérapeutique à mettre en place. En cas de petite tumeur localisée et en l’absence d’atteinte des ganglions lymphatiques, la chirurgie seule peut être suffisante, on parle alors de chirurgie curative .
Traitement chirurgical des adénocarcinomes du côlon non métastatiques : Une résection chirurgicale première avec marge distale et proximale d’au minimum 5 cm (sur pièce opératoire) et exérèse en monobloc du méso côlon attenant est recommandée.
Pour les tumeurs in situ ou intra muqueuses une résection locale endoscopique peut être suffisante. Traitement chirurgical des adénocarcinomes rectaux : La qualité de l’exérèse chirurgicale, exérèse dite «R0» dans les cancers du rectum est le facteur pronostique et prédictif de récidive essentiel. Une tumeur sera considérée comme non résécable cliniquement ou à risque de résection R1 (facteur pronostique péjoratif) si elle est accolée à un organe ou à une structure voisine au toucher rectal, ceci incluant essentiellement les cancers T3-T4 du moyen et bas rectum et quelques tumeurs du haut rectum. Dans ces cas, la question de la prise en charge thérapeutique est à discuter en RCP et le recours à un traitement néo-adjuvant sera réalisé afin de réduire la taille des tumeurs pour les rendre résécables. Le traitement néo-adjuvant de référence à l’heure actuelle est une radio-chimiothérapie pré-opératoire associée à une chimiothérapie concomitante par capecitabine . Cette radiochimiothérapie néo-adjuvante sera par la suite suivie d’une chirurgie d’exérèse en respectant un délai minimum d’au moins 7 semaines après l’arrêt du traitement. La radiothérapie: Elle est utilisée dans le cancer du bas rectum. Associée à la chirurgie, elle permet de diminuer les récidives locales. Quand la radiothérapie est indiquée, elle est le plus souvent réalisée avant la chirurgie pour réduire la taille de la tumeur et la rendre plus facile à enlever. Dans ce cas, la radiothérapie est fréquemment associée à une chimiothérapie. Elle peut être aussi indiquée dans le traitement des métastases. Qu’elle soit utilisée en préopératoire ou en postopératoire, la radiothérapie doit être pratiquée avec les normes de qualité suivantes : utilisation de photons de haute énergie (≥ 6 Mv), avec 3 ou 4 faisceaux, en décubitus ventral (ou dorsal), avec protection adaptée des organes critiques (anses intestinales, vessie, canal anal, sacrum et bassin) .
La chimiothérapie :Ces traitements sont proposés soit après la chirurgie dans les cancers avec atteinte ganglionnaire pour réduire les risques de récidives et améliorer les chances de guérison (= chimiothérapie adjuvante), soit dans les cancers avec métastases en associant alors chimiothérapie et thérapie ciblée. Ces anticancéreux peuvent aussi être administrés comme seul traitement si la chirurgie n’est pas possible (=chimiothérapie palliative).
Table des matières
Introduction
I. La pathologie : le cancer colorectal (CCR)
1. Épidémiologie
2. Les facteurs de risques et prévention
3. La physiopathologie du CCR
3.1 Histologie/Morphologie
3.2 Les modifications génétiques
4. Le dépistage
4.1 Le test immunologique
4.2 La coloscopie
5. Formes macroscopiques et topographie des CCR
6. Le diagnostic
6.1 Le diagnostic du cancer du côlon
6.2 Le diagnostic du cancer du rectum
7. Stade tumoral : la classification pTNM
8. Classification histopronostique des CCR
9. Les principes thérapeutiques
9.1 La chirurgie
9.2 La radiothérapie
9.3 La chimiothérapie
10. Les chimiotoxicités
10.1 Hématotoxicités
10.2 Toxicités non hématologiques
11. Prise en compte de l’âge dans l’indication d’une chimiothérapie
11.1 Impact physiologique de l’âge
11.2 Précautions de prescription chez les sujets âgés atteints de CCR
II. L’oncogériatrie
1. Le contexte de l’oncogériatrie
2. L’évaluation gériatrique en oncogériatrie
2.1 Les facteurs de la CGA
2.2 Les constats de l’évaluation gériatrique standardisée
3. La fragilité chez le patient âgé atteint de cancer
3.1 Le concept de fragilité
3.2 Les modèles de mesure de la fragilité
3.3 Les principaux marqueurs de fragilité en oncogériatrie
3.4 L’intérêt de la recherche d’une fragilité en oncogériatrie
4. L’évaluation oncogériatrique à l’hôpital Européen
4.1 Place de la consultation oncogériatrique dans le parcours patient
4.2 Déroulement de la consultation
III. Article
Cover Letter
ARTICLE
ABSTRACT
PATIENTS AND METHODS
RESULTS
DISCUSSION
CONCLUSION
AUTHORS CONTRIBUTION
ACKNOWLEDGMENTS
IV. Discussion
Conclusion/Perspective
Références
Annexes